samedi 16 mars 2013

Au Québec, les "villes amies des aînés" pilotées par les personnes âgées elles-mêmes

LE MONDE | 


Le fer de lance de cette politique, c'est le programme "villes amies des aînés" (VADA). Mis en avant par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2007, il encourage le vieillissement actif en optimisant santé, participation et sécurité des personnes âgées et a été peaufiné au Québec avant de devenir mondial. "Nous avons embarqué dans un projet pilote VADA dès 2008 en organisant des groupes de discussions de personnes âgées pour bien identifier leurs besoins", explique la directrice générale de la Table de concertation des personnes âgées, Edith Vincent. Au Témiscamingue, la Table de concertation a 30 ans. Cet organisme géré par des aînés est l'un des principaux employeurs de la région, avec notamment deux maisons de retraite et une résidence pour courts séjours qui ont freiné l'exode des personnes âgées.
Quatre priorités ont été définies, dont celle d'un système d'accompagnement personnalisé des personnes âgées qui habitent parfois à plus d'une heure de voiture d'une épicerie, d'une des deux seules pharmacies de la région ou d'un service médical. "Depuis 2010, il y a dans chaque village un ou deux accompagnateurs dédiés à ce transport sur demande" : un service qui a offert en 2012 8 900"accompagnements" à l'épicerie, la pharmacie ou divers rendez-vous.
La Table de concertation met aussi l'accent sur la promotion d'un style de vie actif et de saines habitudes de vie. Avec le centre local de santé et de services sociaux, elle organise désormais des séances hebdomadaires de gymnastique dans dix villages. L'été dernier, c'est un parc pour aînés avec appareils adaptés qui a vu le jour à Ville-Marie, chef-lieu régional et, l'été prochain, on y organisera des journées d'activités physiques, avec un kinésiologue. "Sans VADA, nous n'aurions pas réussi à mener ces projets, affirme Mme Vincent. Il a permis de sensibiliser les maires, de renforcer nos liens avec différents partenaires en santé et services sociaux et de travailler désormais main dans la main."
Donner la parole aux aînés, mieux intégrer les services pour favoriser un continuum de prise en charge et développer un réseau social de partenaires locaux pour oeuvrer à des projets qui leur profitent sont les trois points forts du "modèle" québécois, selon Suzanne Garon, professeure-chercheure au Centre de recherche sur le vieillissement de l'Université de Sherbrooke. La directrice scientifique de la deuxième Conférence internationale des villes amies des aînés, qui aura lieu à Québec en septembre, figurait aussi au nombre des personnes rencontrées en novembre 2012 par la Française Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie, en mission au Québec.
Mme Garon estime fondamental dans le programme VADA "la part donnée aux personnes âgées dans les processus de décision d'un plan d'action". Fin 2012, 579 municipalités québécoises avaient lancé un tel programme et une cinquantaine en sont déjà à la mise en oeuvre d'un plan d'action. "C'est un modèle qui se veut motivant et qui a opéré un vrai changement de culture dans la façon de travailler en réseau", explique Mme Garon.
En amont des interventions sociales auprès des personnes âgées, le Québec s'illustre aussi par un "système de mesure de l'autonomie fonctionnelle" qui a largement fait ses preuves depuis trente ans. Cette grille prend en compte dimensions médicales, psychologiques et sociales pour évaluer au plus précis les besoins d'aide, en fonction non seulement de la perte d'autonomie mais également de l'isolement de la personne.
Même dans un contexte de réduction des dépenses publiques, le Québec a fait le choix d'investir 2,7 milliards de dollars canadiens (2 milliards d'euros) d'ici à 2017 dans sa politique "Vieillir et vivre ensemble", avec notamment un volet de soutien aux projets innovants, par le programme Québec ami des aînés lancé en 2012. Parfois, souligne Mme Garon, ce sont de petits gestes qui ne coûtent pas forcément cher qui font la différence pour améliorer la qualité de vie des personnes âgées. Et de citer le cas d'une ville qui a décidé d'augmenter un peu la chaleur de sa piscine à certaines heures de fréquentation par des personnes âgées.
"L'essentiel est de repenser notre mode de fonctionnement, de brasser nos cartes, dit encore Mme Garon, pour miser davantage sur la prévention et la promotion de l'autonomie plutôt que de ne parler que d'handicaps et d'incapacités." Avec des gains certains, croit-elle, à terme. Reste que le maintien à domicile et la promotion de l'autonomie coûteront de plus en plus cher aux systèmes de santé. D'où le grand projet actuel du gouvernement québécois : celui d'une "caisse d'assurance-autonomie" comme il en existe déjà ailleurs dans le monde.

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