mercredi 27 février 2013

Pathologies psychiques : l’Europe peine à reconnaître un lien avec le travail

L’Union Européenne admet communément que l’environnement professionnel joue sur la santé psychique des travailleurs et œuvre en faveur de la prévention des risques psychosociaux. Mais bien marginale est encore la prise en charge, par les organismes d’assurance, des pathologies psychiques liées au travail, comme le révèle l’étude Eurogip qui porte sur 10 pays* dont la France. Les psychopathologies sont difficilement considérées comme des accidents du travail, encore plus rarement comme des maladies professionnelles.
Seule la moitié des pays autorisent la reconnaissance d’une pathologie psychique comme maladie professionnelle. Le Danemark intègre le stress post-traumatique dans sa liste nationale des pathologies professionnelles, tandis que 4 autres pays (Belgique, Italie, Espagne, et France) reconnaissent certains troubles psychiques dans le système complémentaire**. La Suède, sans liste, valide au cas par cas depuis 10 ans, le lien entre maladie psychique et profession.

Des procédures complexes

Les demandes de reconnaissance consistent à démontrer un lien déterminant entre la maladie psychique et le travail. L’instruction est généralement confiée à une personne de l’organisme d’assurance avec possibilité d’enquêtes contradictoires.
Certains pays ont défini les pathologies ou les risques à considérer. L’Italie propose une liste de situations dangereuses : marginalisation de l’activité, tâche disqualifiante pour le travailleur, charges trop lourdes, interdiction de l’accès à l’information, etc. Les licenciements et réaffections sont en revanche exclus.
Deux types de syndromes sont récurrents : celui de désadaptation (CIM 10) et le stress post-traumatique (DSM-IV). En Espagne, 4 types de pathologies sont recensés : troubles affectifs, phobiques et névrotiques, troubles du comportement avec déficiences et troubles de la personnalité.

La France réticente mais changeante

En France, la procédure est plus empirique : le système complémentaire reconnaît n’importe quelle pathologie dès lors qu’elle est causée essentiellement par le travail et a entraîné une incapacité permanente de plus de 25 %, qui devra être attestée par le médecin-conseil de la Sécurité sociale.
Conséquence, selon les statistiques des organismes d’assurance, rares sont les psychopathologies reconnues comme maladies professionnelles dans les 5 pays qui le permettent. La Belgique ne recense que deux cas en 2002. Les demandes sont beaucoup plus nombreuses au Danemark et en Suède où la tradition de leur prise en compte remonte à 1980, contre le milieu des années 1990 pour l’Italie et la France.
Le nombre de cas reconnus comme maladie psychique est le plus élevé au Danemark avec 6,36 cas pour 100 000 assurés, ce qui s’explique par l’inscription dans la liste nationale du stress post-traumatique. Le ratio est le même en Suède, où l’on compte 70 prestations versées en 2011, pour 4,5 millions d’assurés. En Italie et en France en revanche, moins d’une centaine de cas ont été reconnus pour ...18 millions d’assurés.
Les taux de reconnaissance, c’est-à-dire la part des demandes qui aboutissent, avoisinent partout les 10 % et sont les plus bas au Danemark (entre 4 % et 8 %), en raison du grand nombre de demandes.
En France les choses pourraient être en passe de changer. Les maladies psychiques représentent une part croissante des maladies professionnelles hors liste nationale, passant de 8 % en 2003 à 21 % en 2011.

Davantage d’accidents du travail

Si la reconnaissance d’un trouble psychique en maladie professionnelle reste rare, elle est plus courante pour les accidents du travail, à une condition : que le trouble soit associé à un traumatisme.
Plusieurs pays assimilent également, dans certaines conditions, le suicide ou la tentative de suicide à un accident du travail, souvent grâce à la décision judiciaire qui vient contredire les volontés de l’organisme assurantiel.
La France reconnaît chaque année 10 000 à 12 000 cas de psychopathologies comme accidents du travail, bien devant l’Allemagne (4 900), le Danemark (730) ou la Belgique (606). Elle se distingue également par l’importance des suicides indemnisés par l’assurance-maladie : 71 en 2010, 28 en 2011 ... contre un seul en Italie.
› COLINE GARRÉ
*Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Italie, Pays-Bas, Suède, Suisse
**À l’exception de la Suède et de l’Espagne, les pays étudiés possèdent un système mixte de reconnaissance des maladies professionnelles avec une liste nationale et une liste complémentaire.
 26/02/201

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