vendredi 22 février 2013


Celui qui croit au ciel et celui qui n’y croit pas
Publié le 14/02/2013
Il semble que la pratique d’une religion (religious participation) ou la présence de croyances constituent des « indicateurs d’une meilleure santé mentale », mais cette notion d’un lien entre « religion, spiritualité et santé mentale » s’appuie surtout sur des travaux américains où l’évaluation de la spiritualité est souvent « assimilée à celle du bien-être. »

Portant sur 7 403 participants impliqués dans la troisième étude sur la morbidité psychiatrique en Angleterre (National Psychiatric Morbidity Study in England) [1], une recherche britannique analyse cette fois l’incidence des croyances ou/et d’une pratique religieuse sur la fréquence de certaines maladies mentales. Dans la population examinée, 35 % des sujets déclarent «avoir une vision religieuse de l’existence », 19 % se disent « croyants mais non pratiquants » (spiritual but not religious), et 46 % athées (« ni croyants ni pratiquants », neither religious nor spiritual).
Relativement à la prévalence des troubles psychiatriques, les personnes pratiquant une religion (religious people) se révèlent « identiques à celles qui ne sont ni croyantes ni pratiquantes », à l’exception d’une moindre consommation de drogues chez les pratiquants (sauf référence malicieuse à l’aphorisme critique de Karl Marx comparant toute religion à un « opium du peuple »). En effet, les pratiquants sont, de façon statistiquement significative, moins susceptibles d’avoir été concernés par la drogue (Odds Ratio OR= 0,73 ; Intervalle de confiance à 95 % IC : [0,60–0,88] ou par l’intempérance à l’alcool (OR= 0,81 ; IC [0,69–0,96]). Mais contre toute attente, les croyants (spiritual people) non pratiquants sont plus vulnérables que les athées au risque d’avoir déjà consommé une drogue (OR= 1,24 ;  IC [1,02–1,49] IC= 95%), au risque d’en être devenu dépendant [OR= 1,77 ; IC  [1,20–2,61]), comme en matière de troubles du comportement alimentaire (OR= 1,46 ; IC [1,10–1,94]), de « trouble anxieux massif » (generalised anxiety disorder, OR= 1,50 ; IC [1,09–2,06] IC= 95%), de phobie (OR=1,72 IC [1,07–2,77]), ou plus généralement de « tout trouble névrotique » (any neurotic disorder, OR= 1,37 ; IC [1,12–1,68]). Et les croyants non pratiquants sont aussi plus nombreux que les athées à prendre un médicament psychotrope (OR= 1,40 ; IC  [1,05–1,86]).
Ce constat est très surprenant, car on pourrait penser a priori que les croyances donnent un certain sens à l’existence, et évitent ainsi d’être submergé par d’angoissantes interrogations métaphysiques sur sa place dans la vie, la finalité des événements, ou les vicissitudes chaotiques de la destinée. Les auteurs en tirent la conclusion factuelle que les sujets ayant une « approche spirituelle de la vie sans un cadre de pratiques religieuses sont plus vulnérables à la maladie mentale. » Peut-on conjecturer que ce cadre religieux (religious framework) puisse faire office de rituel protecteur, à la manière dont un « doudou » apaise le bébé ou un talisman rassure le sujet superstitieux ?

Dr Alain Cohen

King M et coll.: Religion, spirituality and mental health: results from a national study of English households. Br J Psychiatry, 2013; 202: 68–73.

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