mercredi 19 décembre 2012

A Marseille, la psychiatre d'un patient meurtrier condamnée à un an de prison avec sursis

Le Monde.fr avec AFP | 
Danièle Canarelli, 58 ans, psychiatre à l'hôpital marseillais Edouard-Toulouse, poursuivie pour homicide involontaire.
Danièle Canarelli, 58 ans, psychiatre à l'hôpital marseillais Edouard-Toulouse, poursuivie pour homicide involontaire. | AFP/ANNE-CHRISTINE POUJOULAT
Le tribunal correctionnel de Marseille a condamné mardi 18 décembre à un an de prison avec sursis Danièle Canarelli, 58 ans, psychiatre à l'hôpital marseillais Edouard-Toulouse, poursuivie pour homicide involontaire après le meurtre commis par l'un de ses patients schizophrène.
Lors de ce procès inédit très suivi par la profession, la médecin avait reconnu avoir été confrontée à un "problème de diagnostic", mais nié toute négligence dans le suivi de Joël Gaillard, de son hospitalisation en 2000 à sa fugue en 2004, vingt jours avant qu'il tue à Gap, à coups de hachette, le compagnon octogénaire de sa grand-mère, Germain Trabuc.  Un meurtre pour lequel ce patient de 43 ans, atteint d'une psychose schizophrénique à forme "paranoïde", a été jugé irresponsable pénalement.
Après ce non-lieu, Michel Trabuc, un des fils de la victime, avait engagé une action contre l'Etat et contre l'hôpital, condamné en 2009 pour défaut de surveillance. Il avait également porté plainte contre tous ceux qui avaient pu faire preuve de négligence.
Dans son ordonnance de renvoi, la juge d'instruction avait souligné"des fautes multiples et caractérisées" de la psychiatre ayant"contribué au passage à l'acte violent de Joël Gaillard", qui avait commis avant le drame plusieurs agressions, dont une tentative d'assassinat. Il lui était notamment reproché de s'être obstinée "dans ses certificats successifs, à noter l'absence de toute pathologie mentale""en dépit des conclusions" concordantes de ses confrères. Ce qui l'a finalement "conduite à ne pas soumettre son malade à un traitement approprié" et à lui accorder fin 2003 une sortie à l'essai de longue durée.
UNE DÉCISION "INQUIÉTANTE" POUR LA PROFESSION
Le vice-président du Syndicat des psychiatres d'exercice public (SPEP), le docteur Angelo Poli, a jugé "inquiétante" cette condamnation pour l'exercice de la profession, qui pourrait conduire à refuser de laisser sortir des patients, sous prétexte qu'il n'y a pas de risque zéro, afin de se prémunir contre d'éventuelles poursuites judiciaires.
Il s'est dit "étonné de cette décision qui ne correspond pas à ce qu'on attendait", regrettant cette désignation d'"un bouc-émissaire""Si elle n'a pas fait ce qu'il fallait, alors d'autres aussi, qui avaient été prévenus plusieurs jours avant le drame et qui savaient", relève-t-il en faisant notamment allusion aux autorités (préfet, police...).
La psychiatre avait proposé l'hospitalisation à ce patient, mais ce dernier avait filé, rappelle-t-il. "Nos patients sont toujours à facettes multiples et l'on peut toujours douter sur la réalité d'un diagnostic", dit-il, ajoutant que les points de vue peuvent aussi diverger entre spécialistes. "Notre métier comporte une prise de risque continue, sinon on revient au métier de gardien de 1838, qui n'est pas notre métier", poursuit le psychiatre.
Selon l'avocat de la psychiatre, Sylvain Pontier, ce procès a mis en lumière "une méconnaissance de la réalité de la psychiatrie hospitalière". D'ailleurs le patient meurtrier est actuellement "traité à l'hôpital de la Conception, s'est depuis marié [...] et bénéficie de sorties d'essai".

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