dimanche 25 novembre 2012

Un médecin prescripteur de baclofène s’en prend à l’étude du Pr Reynaud

Président de l’association Aubes qui réunit des médecins prescripteurs de baclofène dans l’alcoolo-dépendance, le Dr Bernard Jousseaume critique fortement l’essai clinique « Alpadir » lancé la semaine dernière sous la coordination du Pr Michel Reynaud (hôpital Paul-Brousse, Villejuif).
Dans un entretien accordé au magazine Viva, le Dr Jousseaume n’y va pas avec le dos de la cuillère. D’une durée de six mois, l’étude « Alpadir » vise à évaluer principalement l’efficacité du baclofène à la posologie cible de 180 mg par jour dans le maintien de l’abstinence de patients alcoolo-dépendants.
Incompréhension

« Une mascarade », juge le Dr Jousseaume qui ne « comprend pas »pourquoi l’équipe du Pr Reynaud a retenu l’abstinence comme premier critère d’évaluation. « Seuls les abstinents mériteraient-ils que l’on s’occupe d’eux ? (…) La révolution du Baclofène, c’est qu’on est passé du statut de l’abstinence au statut de l’indifférence à l’alcool. Et que, justement, des patients puissent se sevrer, se guérir même, sans trop souffrir. » Il s’étonne également que l’étude soit réalisée sur des patients déjà sevrés. « J’ai le sentiment que l’obscurantisme, qui prévalait il y a 200 ans est toujours de mise. » Quant à la posologie cible de l’essai, elle relève selon lui d’un « parti pris honteux ».
En effet, ajoute le Dr Jousseaume, « les médecins comme moi qui prescrivent ce médicament depuis au moins trois ans constatent que leurs patients deviennent indifférents à l’alcool avec, en moyenne, 150 mg par jour mais il y en a qui sont obligés de prendre 200 à 300 mg quotidiennement ». Contacté par « le Quotidien », le Dr Jousseaume n’en démord pas. « Je ne vois pas l’intérêt de faire une deuxième étude (après l’essai Bacloville lancé en mai dernier sous la coordination du Pr Philippe Jaury, ndlr) si c’est pour se limiter à 180 mg et demander aux gens d’être abstinents. Le postulat de l’abstinence ne va pas forcément biaiser les résultats mais je trouve lamentable d’exiger cela », déclare-t-il. « Le seul point positif de cette étude, c’est qu’on va pouvoir obtenir l’AMM », concède le Dr Jousseaume. En cas de résultats concluants de l’essai « Alpadir », la société pharmaceutique Ethypharm entend ainsi déposer une demande d’AMM pour une reformulation du baclofène dans le traitement de l’alcoolo-dépendance.

Le Pr Reynaud riposte

Réagissant aux propos Dr Jousseaume, le Pr Reynaud considère qu’il est « un peu difficile de parler avec des gens qui sont injurieux et dont le parti pris est honteux ». Le responsable de l’essai « Alpadir » tient cependant à faire une petite mise au point. S’agissant du critère d’abstinence principalement retenu dans le cadre de cet essai, c’est celui qui a « le plus de portée » dans le cadre d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) indique-t-il au « Quotidien ».
« Il faut que Monsieur Jousseaume qui n’a pas manifestement les connaissances méthodologiques comprenne qu’un essai thérapeutique, c’est un cadre très contraint », glisse-t-il. « On a fait cette étude parce que celle de Monsieur Jaury permettra justement d’avoir une idée sur la diminution de consommation qui est un objectif extrêmement récent dans la prise en charge de l’alcoolo-dépendance. Critère qui reste encore énoncé avec prudence par les autorités sanitaires françaises, européennes et internationales. Donc si l’on veut être le plus solide et le plus crédible possible, il fallait l’abstinence », explique le Pr Reynaud.

Effets secondaires

« Bien évidemment, nous étudions en objectif secondaire la diminution des consommations. Et dans nos publications, nous considérerons comme un succès les diminutions des consommations vers des niveaux jugés sans risque ou à bas risques », précise-t-il. Sur la posologie cible de 180 mg choisie dans l’étude « Alpadir », le Pr Reynaud est sans équivoque : « Monsieur Jousseaume n’a pas le monopole de la prescription du baclofène. Nous en prescrivons et nous avons évidemment travaillé avec les médecins qui en prescrivent beaucoup. Nous avons tenu compte de la seule étude publiée qui est celle de messieurs de Beaurepaire, Jaury et Rigal, laquelle donne une médiane à 120 mg. À 180 mg, les trois quarts des patients ont un effet positif. En revanche, à partir de 100 mg, on a des chances importantes d’avoir des effets secondaires et à 150 mg on a très souvent des effets secondaires », souligne-t-il.
« Tout le problème pour le baclofène est l’équilibre entre l’effet thérapeutique quand il existe et les effets secondaires. Dans la mesure où pour avoir la certitude d’une efficacité sur le maintien de l’abstinence, il fallait une dose cible à atteindre le plus fréquemment possible. Nous avons préféré prendre une dose sur laquelle le risque d’effet secondaire reste encore acceptable », résume le Pr Reynaud.
› DAVID BILHAUT
lequotidiendumedecin.fr 21/11/2012

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