dimanche 4 novembre 2012

Schizophrénie, dépression, stress... Il faut moins de psychotropes et plus de recherches

Modifié le 31-10-2012














Par 
Professeur de psychiatrie























La France est le deuxième pays d'Europe où l'on consomme le plus de psychotropes, derrière le Portugal. Comment y remédier ? Pour Antoine Pelissolo, psychiatre et président de l’Association française des troubles anxieux et de la dépression, c'est en amont qu'il faut agir.


Depuis plus de 20 ans, comme "Le Nouvel Observateur" cette semaine, les médias alertent très régulièrement le grand public sur les excès de la consommation de médicaments psychotropes en France.

On peut débattre à l’infini sur l’exactitude des chiffres et leur interprétation, mais ils révèlent en tout cas deux faits incontestables : l’importance des enjeux de santé publique liés aux troubles psychiques, et l’insuffisance des moyens préventifs et thérapeutiques disponibles. Car dénoncer les dérives des traitements utilisés ne suffit pas à résoudre les problèmes si les alternatives ne sont pas satisfaisantes, ce qui est le cas aujourd’hui.

La France, pays de psychotropes

Les troubles psychiques pèsent doublement sur la santé publique : des formes graves, voire très graves, de maladies mentales (schizophrénies, autisme, toxicomanies, suicides, etc.) d’un côté, et des troubles moins spectaculaires, mais très répandus, de l’autre (dépressions, phobies et TOC, stress au travail, addictions diverses, etc.).

En France, on considère qu’environ 12 millions de personnes souffrent ou souffriront de certains de ces troubles, avec un coût humain et financier majeur pour elles-mêmes, leur entourage et la société dans son ensemble. Au total, 8% des dépenses de santé sont liées à des troubles psychiques.

Selon l’OMS, les maladies mentales seront, dans les années à venir, la première cause d’invalidité dans le monde.

Qu’environ 5% des Français essaient de se soigner avec des médicaments psychotropes n’est donc pas surprenant. Au moins autant abusent de l’alcool ou des drogues, en partie pour les mêmes raisons mais avec des conséquences bien plus délétères.

Peu de moyens humains et financiers pour la psychiatrie

Les traitements actuels ne sont pas suffisamment efficaces et sûrs, et les psychothérapies, non remboursées, ne sont pas accessibles à toute la population. Les problèmes se situent aussi bien au niveau de la formation des médecins (nous ne pouvons consacrer par exemple que 4 heures à l’enseignement sur la dépression au cours des études médicales), que de la recherche.

Le nombre de professeurs de psychiatrie est, de loin, le plus faible de toutes les spécialités médicales, par rapport au nombre d’internes à former. La France n'affecte que 2% de son budget de recherche biomédicale à la santé mentale, contre 7% au Royaume-Uni et 11% aux États-Unis.

Pour une prise de conscience collective et politique

Pour améliorer la prévention et les soins, il est urgent de soutenir très activement l’enseignement et la recherche en santé mentale, ce qui passe par une prise de conscience collective et politique. Seule une démarche structurée et forte dans ce domaine peut aboutir à des progrès réels, pour mieux identifier les causes des troubles psychiques et mettre au point des traitements efficaces.

Un plan national peut aussi contribuer à la déstigmatisation de la psychiatrie, et donc également des personnes en souffrance, dont nous avons tous des exemples autour de nous.

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