mercredi 14 novembre 2012

Des psy pour la planète ?

Publié le 08/11/2012
« Les sociétés affectées par des conflits ont-elles besoin de psychiatres ? » s’interroge un praticien australien dans les colonnes du British Journal of Psychiatry. Si l’incidence de la souffrance psychique liée à un conflit n’est plus à démontrer (notamment en matière de troubles anxio-dépressifs ou de stress post-traumatique), ce constat épidémiologique constitue un «dilemme majeur » pour la psychiatrie, vu le « très faible niveau de ressources en santé mentale » observé dans les pays concernés par ces trop nombreux conflits. Un autre point fait débat : est-il légitime d’appliquer à des populations appartenant à d’autres cultures des concepts nosographiques et des approches thérapeutiques venant généralement de notre propre perception (occidentale) du monde ?
 Pour l’auteur, la controverse est « inévitable », dans un domaine touchant à la fois « aux droits de l’homme, à la politique internationale, à la théorie du conflit, à la psychiatrie transculturelle. » Mais la psychiatrie devrait éviter l’écueil d’une sorte de « néocolonialisme » où nos modes de pensée (par exemple ceux véhiculés par le DSM et plus généralement par la culture occidentale) pourraient contribuer à « la colonisation des esprits, à défaut des territoires. »

 Involontaire ou pas, cette tentation d’une ingérence discutable est d’autant plus grande que, dans le monde entier (vaste théâtre d’opérations pour les humanitaires missionnés par les ONG), une réalité brutale nous rappelle l’existence d’un « nombre important de survivants ne recevant aucun soutien ni traitement efficace contre les graves troubles psychiques » imputables à ces conflits. Fort d’une expérience de 25 années auprès des réfugiés et des victimes de conflits ou de violations des droits de l’homme, l’auteur souligne l’« intérêt désespéré » de ces victimes et de leurs proches pour « l’obtention d’un soulagement de leurs souffrances » et, parallèlement, leur « indifférence pour l’idéologie. »
Autrement dit, celui qui souffre n’attache guère d’importance à l’origine culturelle, religieuse, ou politique des personnes venant l’assister dans sa détresse physique ou psychique. Comme l’argent, l’aide humanitaire et médicale n’a pas d’odeur…


Dr Alain Cohen

Silove D : Do conflict-affected societies need psychiatrists? Br J Psychiatry, 2012; 201: 255–257.

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