jeudi 29 novembre 2012

3 000 hospitalisations sous contrainte seraient injustifiées

« Plusieurs milliers d’hospitalisations psychiatriques injustifiées ou arbitraires », nombreux problèmesorganisationnels… Près d’un an et demi après la mise en place de la réforme de l’hospitalisation d’office, le Syndicat de la magistrature alerte sur les grandes difficultés qui persistent dans les tribunaux pour assumer les nouveaux contrôles judiciaires prévus dans la loi du 5 juillet 2011 sur les soins psychiatriques sans consentement. D’après la dernière enquête du ministère de la Justice menée auprès de 152 juridictions concernées par cette législation, 82 % indiquent « continuer à rencontrer des difficultés dans la mise en œuvrede la réforme ». Ainsi, 44 juridictions se plaignent de problèmes à obtenir des dossiers complets de part des établissements hospitaliers ou de la Préfecture. Une majorité (71 %) évoque des soucis liés à la charge ou au rythme de travail. Au cours des 12 premiers mois d’application de la réforme, les 152 juridictions concernées déclarent un volume total desaisine de l’ordre de 62 823, soit 34 saisines par mois et par juridiction en moyenne. Néanmoins, 18 % des juridictions totalisent à elles seules 50 % du volume national de saisine (réalisées à 77 % par les directeurs d’établissements psychiatriques et à 23 % par le préfet). Entre août 2011 et juillet 2012, 15 739 audiences ont été recensées, chaque audience incluant en moyenne l’examen de 3,9 dossiers de patients. À noter que 74 % des juridictions organisent des audiences plus d’une fois par semaine.

Usage cosmétique de la visioconférence

En outre, 64 % des juridictions évoquent des difficultés liées à l’organisation de ces audiences qui se déroulent pour l’essentiel (70 %) dans les tribunaux de grande instance (contre 30 % à l’hôpital). Les juridictions pointent des « délais de procédure très brefs compliquant la fixation des dates d’audience et l’envoi des convocations » (53 %), des locaux – salles d’attente et d’audience – « inadaptés à la pathologie des patients » (20 %), un recours à la visioconférence « difficilement compatible avec certains cas » (13 %) ou l’absence du patient au regard de sa pathologie (17 %). De plus, 25 juridictions mentionnent des difficultés liées à « l’insuffisance des effectifs de magistrats et de greffiers », à « l’absence de coopération de la part du corps médical »ou à l’« insuffisance de matériel » ou l’« inadaptation des locaux », en particulier pour la visioconférence. À ce jour, seulement 42 % des juridictions ont recours à la dématérialisation des procédures tandisqu’une écrasante majorité (85 %) n’a pas encore établi de protocole avec les établissements hospitaliers de leur ressort. La plupart (95 %) ayant toutefois mis en place un mode de fluidification du circuit dessaisines (fax, téléphone, mail, vaguemestre, navette entre CH et TGI,pré-saisine).

Des saisines tardives

D’après l’enquête du ministère de la Justice, 62 409 décisions ont été rendues durant la première année d’application de la réforme. Les recours de plein droit (95,8 %) donnant la plupart du temps lieu au maintien de la mesure (81,6 %), à une mainlevée (5 %) ou à des expertises du juge des libertés ou de la détention (JLD) (2,1 %). Pour 4,2 % de recours facultatifs, l’essentiel des décisions aboutit à des rejets (64,9 %).
Si la Chancellerie « insiste sur les taux très importants de confirmation par les juges des mesures d’hospitalisation contraintes (…), un rapide calcul aboutit au chiffre de plusieurs milliers (plus de 3 000 ?) de personnes hospitalisées sous contrainte dont les juges ont estimé, sur une année que cela était injustifié », commente le Syndicat de la magistrature qui s’offusque du chiffre de 0,5 % de saisines tardives, lequel concerne tout de même près de 300 personnes. « Il s’agirait là des cas où l’administration oublierait alors qu’elle en a l’obligation, de saisir à temps le juge alors que le délai maximal d’hospitalisation sous contrainte va expirer. » De plus, « on ignore tout d’un éventuel chiffre noir : celui des cas où le juge ne serait même pas saisi... Et, on l’espère, le malade libéré quand même », souligne le Syndicat de la magistrature.
› DAVID BILHAUT
lequotidiendumedecin.fr 28/11/2012

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