jeudi 27 septembre 2012

Le think tank Terra Nova propose des mesures "urgentes" pour réformer la psychiatrie

25.09.12 - 09:36 - HOSPIMEDIA 
Dans un contexte où, depuis plusieurs années, la plupart des acteurs de la psychiatrie appelle à une "grande loi santé mentale", une note publiée par le think tank Terra Nova propose plusieurs mesures "qui nécessiteraient une mise en œuvre prioritaire".
Selon les auteurs de cette note d'une dizaine de pages publiée le 21 septembre, Piero Chierici et Guillaume Pradalié, respectivement directeur adjoint et directeur des ressources humaines du CH Alpes-Isère à Saint-Egrève (Isère), la situation de la psychiatrie publique peut être résumée à trois enjeux principaux. Le premier est la "conciliation difficile du soin et de la sécurité", le second est celui de l'organisation territoriale des soins, "actuellement en forte évolution" et le troisième est celui des "inégalités dans la répartition des moyens financiers entre les territoires". Ils pointent en préambule que "le discours du précédent quinquennat, centré sur les questions de sécurité publique, aura très largement détourné les regards des principales difficultés" et "déboussolé" les acteurs de la psychiatrie publique, conduisant la plupart d'entre eux à demander "une grande loi de santé mentale qui en fixerait les objectifs, les principes, les moyens et l'organisation". Cependant, "sans préjuger d’un débat plus large sur le rôle et les objectifs de la psychiatrie publique", ils estiment possible de formuler des propositions prioritaires afin de réformer la discipline.

Réduire le nombre de certificats médicaux ?
Concernant la conciliation entre soin et sécurité, ils évoquent naturellement la loi du 5 juillet 2011, qui a "profondément modifié l’organisation de la prise en charge des soins sous contrainte", notamment en introduisant l’intervention systématique du juge des libertés et de la détention (JLD). "Malheureusement, cette avancée essentielle en matière de libertés publiques s’est accompagnée d’un alourdissement considérable de la charge de travail administrative qui risque de se faire au détriment du temps de soins", estiment-ils. Les auteurs proposent donc quatre évolutions du dispositif législatif. Ils suggèrent de le stabiliser et de le clarifier afin "d’éviter que les psychiatres et directeurs engagent leur responsabilité en interprétant des textes dont le flou crée une insécurité juridique" (lire notre brève du 24/04/2012 et notre article du 23/04/2012). Ils préconisent également de "simplifier les procédures en réduisant la fréquence et le nombre de certificats médicaux nécessaires".
Par ailleurs, ils recommandent de donner aux établissements les moyens correspondant à l’augmentation de la charge de travail induite par la loi sur les équipes soignantes, ainsi que de trouver un accord interministériel pour que les audiences du JLD aient lieu à l’hôpital, afin que les patients ne soient pas les victimes d’un conflit entre deux administrations qui se renverraient l’une à l’autre leurs manques respectifs de moyens (lire aussi notre interview du 31/07/2012). Par ailleurs, les auteurs jugent nécessaire de mener une "analyse approfondie des levées d’hospitalisation sous contrainte par le juge afin d’en connaître les causes".

Des secteurs "réaffirmés" de 150 000 à 200 000 habitants
Pour les auteurs, une "mise à jour précise des découpages territoriaux serait utile et pourrait être l’occasion d’adapter la taille des secteurs". En portant leur population moyenne autour de 150 à 200 000 habitants, contre 70 000 habitants théoriquement, ils atteindraient selon eux "une masse critique permettant plus de souplesse dans la gestion des prises en charge soignantes". En outre, l’introduction d’une mission nouvelle de service public concernant la psychiatrie de proximité "irait dans le bon sens surtout si elle réaffirme les principes de la sectorisation". Mais il est "également nécessaire de réintroduire spécifiquement le secteur dans la planification sanitaire afin de l’intégrer pleinement dans la stratégie de santé publique définie régionalement par chaque ARS", affirment-ils.

Des CHT avec le privé non lucratif
Les auteurs préconisent des aménagements à la loi HPST, proposant que les établissements privés à but non lucratif exerçant une mission de service public puissent "participer pleinement" aux Communautés hospitalières de territoire" (CHT) et que certains établissements puissent faire partie de deux CHT, "l’une composée uniquement d’hôpitaux psychiatriques et l’autre avec les hôpitaux généraux de son bassin de santé". Ils recommandent également de développer les contrats locaux de santé (CLS) pour mieux articuler sanitaire, social et médico-social, ainsi que l’amélioration des relations entre les établissements hospitaliers et la médecine libérale.
Afin de mieux connaître le besoin des populations desservies et donc adapter l’offre de soins, les auteurs insistent sur la nécessité de développer l’épidémiologie en psychiatrie. "Cet enjeu sera d’autant plus important si l’on donne, dans le financement, une importance accrue aux données géo populationnelles", soulignent-ils, recommandant en matière de recherche, une réforme permettant de mieux associer les établissements psychiatriques aux universités et aux CHU.

Un modèle de financement repris et précisé
Enfin, Piero Chierici et Guillaume Pradalié estiment que le modèle de financement "ébauché en 2006 devrait être repris et précisé". "A condition de respecter un équilibre entre la part résultant de l’activité produite par les établissements et celle fondée sur la population des secteurs desservis, il semble à même de concilier sécurisation des moyens et incitation aux développements d’activités nouvelles", écrivent-ils. Selon eux, à travers le "compartiment géo populationnel", ce nouveau modèle pourrait ainsi être "un outil fort de rééquilibrage des moyens entre les secteurs et donc les établissements". En effet, ils soulignent que malgré "l’équité théorique induite par la sectorisation, de très grandes inégalités existent aujourd’hui dans la répartition des moyens sur le territoire". Ils citent ainsi un nombre de lits pour 100 000 habitants qui peut varier, selon les secteurs, de 54 à 317, ou un nombre de psychiatres, en équivalents temps plein (ETP) pour 100 000 habitants, variant de 7,3 à 16,1.
"Alors que la France compte plutôt plus de psychiatres par habitant que la moyenne des pays de l’OCDE", les auteurs rappellent qu'il existe "de nombreux postes vacants, du fait du différentiel très fort de rémunération avec le secteur libéral". "Certains établissements cumulent (...) une dotation fortement inférieure à la moyenne nationale et une faible attractivité, les inégalités des moyens réels disponibles pour les soins en sont donc renforcées, et ces phénomènes qui touchent les professions médicales se retrouvent à l’identique pour les infirmiers", déplorent-ils. Et de conclure sur "l'urgence de relancer les travaux nationaux sur un nouveau modèle de financement", quand l'actuel, "fondé sur la reconduction annuelle des budgets historiques" ne permet pas à leurs yeux de rééquilibrer la situation.
Caroline Cordier

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