vendredi 10 août 2012

L'énigme d'Andy F., tueur de son père, de sa mère et de ses deux frères

LE MONDE | 

Vue du mur d'enceinte de la maison d'arrêt de Borgo au sud de Bastia, où est incarcéré depuis 2009 Andy F. auteur du meurtre de son père, de sa mère et de ses deux petits frères, dans la nuit du 11 au 12 août 2009.
Vue du mur d'enceinte de la maison d'arrêt de Borgo au sud de Bastia, où est incarcéré depuis 2009 Andy F. auteur du meurtre de son père, de sa mère et de ses deux petits frères, dans la nuit du 11 au 12 août 2009. | AFP/FRANCOIS ANARDIN

C'était le premier de sa classe. En 3e au collège à Porticcio (Corse-du-Sud) comme au lycée Laetitia-Bonaparte à Ajaccio, ses professeurs ne tarissaient pas d'éloges sur cet élève qui affichait des moyennes de 14 à 16 sur ses bulletins. Andy F., 19 ans aujourd'hui, n'a plus été au lycée depuis juin 2009. Il a poursuivi sa scolarité à la prison de Borgo (Haute-Corse), où il est incarcéré depuis août 2009. Il comparaîtra du 12 au 19 novembre devant la cour d'assises des mineurs d'Ajaccio, pour un quadruple meurtre : celui de son père, de sa mère et de ses deux petits frères. Liam et Duane étaient jumeaux. Ils avaient 10 ans.
"JE DEVAIS LE FAIRE"
Andy, lui, en avait 16 lorsque, dans la nuit du 11 au 12 août 2009, il a exécuté un à un tous les membres de sa famille avec un fusil à pompe. La soirée s'était pourtant déroulée sans incident. Les parents, Nadine et Patrice, étaient sortis dîner chez des amis, Andy avait gardé les jumeaux. Tout s'était bien passé. Les parents étaient rentrés vers minuit et tout le monde s'était couché vers 1 heure. Andy, seul dans sa chambre, les jumeaux et les parents chacun dans la leur.
Mais, vers 3 heures, Andy s'est réveillé. Et, selon le récit qu'il a fait aux enquêteurs, il aurait alors agi "presque mécaniquement". Dans un premier temps, il voulait fuguer. Il avait rassemblé quelques affaires, réparties dans deux sacs : l'un pour le linge et l'autre pour des objets. Il avait enfilé des gants en latex et, en passant devant le râtelier auquel était accroché le fusil à pompe, l'idée lui avait traversé la tête de tirer.
"Je devais le faire", a-t-il déclaré aux enquêteurs. Il avait chargé le fusil de six cartouches, s'était introduit dans la chambre de ses parents. Il avait alors épaulé l'arme et fait feu sur son père qui, alerté par le bruit, s'était réveillé et le regardait. Il avait ensuite tué sa mère, avant d'aller dans la chambre des jumeaux pour tirer à l'aveuglette en direction de leur lit. Les entendant gémir, il les avait achevés.
ANDY N'A JAMAIS NIÉ LES FAITS
"Je ne sais pas pourquoi j'ai fait cela (...) Je ne savais plus où j'étais, je n'entendais plus rien et je voyais tout flou. Il y avait quelqu'un d'autre à ma place", a assuré Andy le 13 août 2009 devant les enquêteurs, après que son oncle l'eut retrouvé errant en pleine nuit sur la plage d'Agosta et emmené à la gendarmerie.
Après le carnage, l'adolescent s'était réfugié dans le maquis toute la journée du 12 août avant de retrouver une amie à laquelle il avait confié ses crimes et son intention de se suicider. Il était ensuite descendu sur la plage. Auparavant, avant de quitter la maison familiale, il avait fait le ménage, ramassant les cartouches, vidant le coffre-fort qui contenait 2 500 euros en espèces. Il avait aussi envoyé des SMS à des amis.
S'il n'a jamais expliqué son geste, Andy n'a jamais nié les faits. Lui qui est décrit comme "un garçon gentil" a assuré aux gendarmes qu'il n'avait rien prémédité. Aux psychiatres et aux psychologues, il a répété qu'il n'avait rien à reprocher à ses parents, ni à ses frères. A l'en croire, dans la maison familiale, au domaine d'Alzone, l'ambiance était sereine. Andy avait sa propre chambre où il menait sa vie d'adolescent. Sur Facebook, il "bavardait" souvent avec des copines.
MAL DANS SA PEAU D'ADO
Mais, au long de ces échanges décryptés par les enquêteurs, apparaît un aspect plus étrange de sa personnalité. Andy se sentait mal dans sa peau d'ado. Ses relations avec les filles semblaient difficiles et, dans les conversations qu'il nouait sur la Toile, le garçon ne dissimulait ni ses envies de meurtres, ni les démons de la désespérance qui le hantaient. "De toute façon, à 18 ans, je deviens tueur à gages", écrit-il dans un de ses messages. "Tu peux pas voler le pistolet à ton père et je supprime D. ?", interroge-t-il dans un autre. "Je vais faire un tir de sniper dans la tête à kelkun [sic] ", s'énerve-t-il plus loin. Ou encore :"J'ai vraiment pas envie de positiver, sa sert à rien la vie n'est ke soufrance et destruction." Andy a parlé de "défouloirs" pour justifier ces textes qui, selon les experts, traduisent un sentiment d'échec de sa vie affective.
Visiblement, l'Andy qui conversait en ligne n'était plus le gentil lycéen ou le gentil voisin qu'on connaissait. Outre les dialogues qu'il entretenait avec ses amis, il s'adonnait à des jeux où la violence a force de loi. Le jeune homme s'est-il identifié à ses héros virtuels ? Certains experts défendent cette thèse. D'autant que, dans la période qui a précédé le drame, il était fragilisé. Il traversait une déception amoureuse et son meilleur ami venait de se tuer accidentellement.
LES EXPERTS PSYCHIATRIQUES DIVERGENT
Depuis son placement en détention, les experts psychiatres et psychologues se sont relayés à son chevet. Leurs conclusions divergent. "L'incapacité des différents experts psychiatriques à s'accorder sur la responsabilité et la dangerosité d'Andy apparaît particulièrement révélatrice de l'énigme posée par ce jeune adolescent, socialement adapté, dont l'apparente froideur et l'absence de dépression post-acte posent question", souligne l'ordonnance de mise en accusation dont Le Monde a eu connaissance.
Pour les uns, Andy F. "n'est pas accessible à une sanction pénale" ;pour les autres, il l'est. "L'évolution du sujet, examiné neuf mois après les faits, n'évoque pas une schizophrénie", relève l'un des psychiatres. Le même conclut "à une personnalité émotionnellement labile, de type "borderline", entrant dans le cadre des pathologies limites de l'adolescence", sans que cela induise "une abolition du discernement". Du fond de sa cellule, où il se trouve bien, Andy F. n'a exprimé aucun remords. Il encourt la prison à perpétuité.

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