samedi 14 juillet 2012

Un appel à la dépénalisation de l’usage de drogues


Emmenées par une sénatrice communiste, 250 personnes, pour beaucoup intervenants en toxicomanie ont signé cette semaine une « charte pour une autre politique des addictions ». Le texte stigmatise l’approche répressive des années Sarkozy sur la lutte contre la drogue, relance le débat sur les « salles de shoot » et prend position pour une dépénalisation de l’usage des drogues.

« La stratégie de guerre à la drogue a échoué ! » Professionnels ou simples citoyens, ils sont près de 250 à avoir déjà signé une « charte pour une autre politique des addictions » qui appelle à revenir sur la politique menée ces dernières années et plaident pour une dépénalisation de l’usage des drogues. L’appel a été présenté au Sénat jeudi 12 juillet par la sénatrice (PC) Laurence Cohen à l’origine de cette prise de position qui vise à l’évidence à faire bouger un gouvernement socialiste plutôt frileux sur ces questions si l’on se rapporte aux déclarations de François Hollande et de son nouveau ministre de l’Intérieur Manuel Valls pendant les primaires socialistes. Parmi les signataires de cette charte qui réclame un véritable tournant dans la lutte contre les addictions figure en effet des ténors du secteur, intervenants en toxicomanie, tels que les psychiatres Marc Valleur (Marmottan), Alain Morel (association Oppellia), William Lowenstein (SOS Addictions), Jean-Pierre Couteron (fédération Addictions), mais aussi Bruno Spire, le président d’Aides, Jean-Michel Costes qui fut le directeur de l’Observatoire Français Des toxicomanies (OFDT) ou encore Didier Jayle (ex-président de la MILDT).

A en croire les auteurs de la charte, tous les indicateurs sont aujourd’hui au rouge en matière d’addictions : consommation d’alcool et tabac à la hausse, cannabis au pic, envol de la cocaïne, mortalité en progression… Souvent investis dans les soins aux toxicomanes, les signataires s’inscrivent en faux contre la politique menée ces dernières années et stigmatisent « une dérive sécuritaire » et « une gouvernance du dossier drogues déficiente ». La Mission interministérielle de lutte contre les toxicomanies (MILDT) est particulièrement épinglée pour sa «posture idéologique lui faisant perdre le sens de sa mission», alors que sa présidence est actuellement vacante, depuis le départ d’Etienne Apaire au lendemain du second tour de la présidentielle.

Changer de logique
En lieu et place d’une politique qu’ils jugent trop exclusivement répressive, les rédacteurs de la charte insistent sur la nécessité de mettre l’accent sur la prévention, tant des drogues illicites que de l’alcool, du tabac ou des jeux. La charte insiste aussi sur la nécessité de mettre en place une politique de réduction des risques, alors que le débat sur la mise en place de salles de consommation supervisées n’a toujours pas été tranché.

Enfin et surtout, les signataires ne croient plus du tout aux vertus d’une politique de « criminalisation des usagers de drogue», qui selon eux, « fait obstacle à la protection de la santé en rendant plus difficile leur accès aux services de prévention et de soins, et accroît leur prise de risque dans la clandestinité». Il n’y a donc pour eux qu’une seule solution qui vaille : la dépénalisation de l’usage des drogues, qui n’est pas, soulignent-ils, synonyme de légalisation des produits illicites. Un tel plaidoyer ne vaut évidemment pas sondage de ce que pensent l’ensemble les intervenants en toxicomanie. Mais ce texte, signé par un bon nombre de personnalités les plus en vue du secteur, signifie sans doute que l’idée de dépénalisation y fait de plus en plus son chemin.
Paul Bretagne

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