vendredi 8 juin 2012

LES BARRIÈRES LINGUISTIQUES

Les difficultés rencontrées lors d’une consultation avec un patient non francophone peuvent altérer la qualité des soins. Comment les médecins contournent-ils cet obstacle ?

Mme F. est d’origine marocaine. Elle a 67 ans et son médecin - un homme - la suit depuis 20 ans. Elle ne parle que très peu le français et le comprend à peine. Elle n’est pas voilée mais très « couverte » et rechigne à se découvrir un tant soit peu. Elle consulte pour le renouvellement de ses médicaments. Depuis quelques années, elle est traitée pour une HTA et des lombalgies mais en réalité ses plaintes sont nébuleuses (symptômes médicalement inexpliqués). Elle apporte à chaque fois des morceaux de boîtes pour indiquer les médicaments qu’elle souhaite : des anciens mais aussi des nouveaux. Le médecin tente de réduire les prescriptions mais c’est difficile. Récemment, sa fille s’est suicidée (noyade) ; son médecin est surpris par son détachement au récit deviné plus que compris de l’évènement. C’est à peu près à ce moment qu’est survenu un prurit inexpliqué lui aussi. Le médecin décide de l’hospitaliser.

COMMENT ANALYSER CETTE CONSULTATION ?
Cette patiente retourne depuis 20 ans chez son médecin traitant qui est un homme alors qu’elle est réticente aux examens cliniques, qui essaie de supprimer des médicaments alors qu’elle en demande, qu’elle met en échec avec ses symptômes inexpliqués. Malgré les barrières linguistiques et culturelles, cette patiente tient à son médecin. Apparemment, le médecin est très embarrassé par cette femme : elle est isolée, n’est pas capable de comprendre l’ordonnance et les modifications que le médecin y apporte, et l’anamnèse concernant le prurit est vouée à l’échec. Quant à parler de la mort de sa fille, ce n’est même pas la peine d’y penser.
Il est probable que la frustration de ce médecin soit à son comble ! Elle met toute son espérance en lui et lui a l’impression de ne pas tout réunir pour la soigner. Il doit recourir à l’hospitalisation avec l’idée probable de « ne pas passer » à côté d’une pathologie éventuelle.

QUELLES SONT LES AIDES POSSIBLES DANS CES SITUATIONS ?
Le plus souvent, ce sont les enfants qui servent de traducteurs. Une thèse a été soutenue sur ce thème et présentée au Congrès de Nice l’an dernier. On peut facilement comprendre les obstacles et les difficultés de ces situations.
Le médecin peut aussi demander au patient de venir avec un ami, un voisin qui comprend mieux le français, mais la aussi se pose le problème de la confidentialité.
La troisième éventualité est d’adresser le patient vers un centre qui propose des interprètes dans les grandes villes. Enfin il existe un site Internet d’aide aux consultations avec les immigrés et/ou avec les étrangers. À noter qu’il est peut-être du rôle du médecin généraliste de proposer les adresses des lieux d’apprentissage (alphabétisation …) souvent tenus par des bénévoles quand c’est possible.
Dr Marie-Anne Puel (maître de stage Denis Diderot Paris 7. Courriel : mapuel@wanadoo.fr) avec la relecture du Dr François Pétrègne (Maitre de stage universitaire à Bordeaux).


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