samedi 5 mai 2012

La place essentielle de la psychothérapie

LE MONDE | 
La psychothérapie est un élément-clé de la prise en charge des personnalités "borderlines". Elle doit être réalisée par un psychiatre ou un psychologue qui connaît bien leurs difficultés. Claire (le prénom a été changé), 31 ans, évoque "une sensation de vide et de mort" depuis l'adolescence. Adulte, elle est atteinte d'une anorexie mentale, doublée d'une dépression. S'ensuivent des crises de boulimie et des scarifications. Diagnostiquée "personnalité état limite", elle consulte des psychiatres depuis neuf ans.
Depuis un an et demi, elle suit une psychothérapie d'inspiration analytique."Cette thérapie m'aide à mieux gérer mes émotions et à prendre du recul par rapport au jugement des autres car j'ai toujours eu l'impression d'être la folle de la famille ! Elle m'apprend que j'ai le droit d'exister et que je peux exprimer ce que je ressens par des mots et non par des scarifications. Pour combler mon vide intérieur, je n'ai plus besoin de faire des crises de boulimie", explique-t-elle.
Tolérer leur détresse
Les états-limites ont besoin d'un cadre thérapeutique spécifique : s'allonger sur un divan, comme dans une cure analytique classique, ne leur convient pas. Le fait de ne pas avoir le regard compréhensif du psychothérapeute peut les renvoyer à un vide insupportable et susciter de fortes angoisses. Ils sont en quête d'un psy empathique, voire maternant.
Aux Etats-Unis, la psychologue Marsha Linehan, qui a aussi souffert de ce trouble, a créé dans les années 1990 la thérapie dialectique-comportementale, qui s'adresse aux borderlines. La psychologue passe un contrat avec ses patients : elle est joignable à tout instant, mais en contrepartie, elle leur demande de ne pas tenter de se suicider.
La thérapie aide les patients à tolérer leur détresse, à réguler leurs émotions excessives sans sombrer dans l'autodestruction, et à gérer les conflits relationnels sans agressivité ni évitement. En France, elle est pratiquée par quelques psychologues et psychiatres (plutôt d'orientation cognitiviste). A l'hôpital Tarnier, à Paris, une thérapie cognitive de groupe animée par deux psychothérapeutes est proposée depuis 2005. Ses objectifs ? Modifier les croyances négatives sur soi, les autres et le monde, mieux comprendre les mécanismes en oeuvre dans la maladie (comme la pensée en "tout ou rien")... En outre, le fait de rencontrer des personnes atteintes du même trouble que soi permet de dédramatiser ses propres difficultés psychiques. Mais rien n'est gagné d'avance. "Ces patients ont des difficultés relationnelles et mettent les psys à l'épreuve,souligne Bernard Granger, responsable de l'unité de psychiatrie de l'hôpital Tarnier. Ils peuvent interrompre les séances de façon impulsive."
Des psychotropes (antidépresseurs, anxiolytiques...) peuvent être prescrits en traitement d'appoint. "Des études ont montré qu'après 40 ans, les symptômes s'atténuent chez ceux qui ont suivi une psychothérapie. Même si l'instabilité émotionnelle et la peur de l'abandon sont toujours présentes en toile de fond", conclut le docteur Granger.

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