lundi 9 avril 2012


Santé et conflits d’intérêts : lettre au futur Président


Monsieur le Président, la venue du chef de l’Etat à l’île de la Réunion représente toujours un événement majeur pour notre île, une île chargée d’histoire et imprégnée de révoltes, qui par son métissage aussi bien au niveau de sa population que de ses savoirs ou ses idées, a fait avancer la France notamment en matière de santé via ses nombreux réseaux de soins, ses innovations et ses propositions.

Votre venue constitue pour vous (et pour nous) un engagement majeur sur ce que vous nous proposez pour les cinq prochaines années. Votre mandature a été concomitante d’un certain nombre de scandales sanitaires : grippe H1N1, Médiator, et maintenant médicaments anti-Alzheimer et vaccin Gardasil (pour lequel la plus grande prudence vient d’être affirmée par la commission d’experts de l’Assemblée Nationale avec une balance bénéfice/risque défavorable). Tout cela n’aurait pas été possible sans l’acharnement d’un certain nombre de lanceurs ou relayeurs d’alertes qui ont pu s’exprimer aussi bien au Sénat qu’à l’Assemblée Nationale. (www.medocean.re/ )

Le point commun de toutes ces « affaires » est l’intrusion de « conflits d’intérêts majeurs » dans les décisions publiques, monnayées et relayées par certains leaders d’opinion bien peu scrupuleux du bien commun. Ainsi, Il y a 3 ans environ, votre Ministre de la Santé d’alors, était venue chez nous en pleine épidémie de grippe H1N1 et en était repartie, alors que la Métropole n’était pas encore atteinte, sans aucunement tenir compte de nos préconisations : absence de gravité, nul besoin de vaccinations de masse, inutilité de fermeture des écoles etc. Cette absence de prise en compte des acteurs de terrain, a entraîné une gabegie financière, et une crise de confiance sans précédent envers nos autorités de tutelles et nos décideurs politiques, parfois bien proches de l’industrie pharmaceutique…

Notre ministre de la santé actuel a pris depuis, un certain nombre de décisions pour une plus grande transparence et indépendance de nos institutions sanitaires en veillant (et limitant ?) les conflits d’intérêts des experts consultés afin que de tels scandales sanitaires ne se renouvellent plus. Malheureusement, la majorité parlementaire actuelle, au travers de sa « non reforme » du médicament, a montré que les actes étaient loin de suivre les promesses ministérielles… À quand une « prime à la performance » pour nos ministres et parlementaires ? Ou plutôt l’inverse !

La pression de l’industrie pharmaceutique au plus au niveau de l’Etat aboutit un peu plus tous les jours à la chute d’un système de santé solidaire et à la portée de tous et risque de rendre caduque toutes les bonnes intentions ministérielles. Limiter les conflits d’intérêts des décideurs et de certains leaders d’opinion, c’est assainir les finances de la sécurité sociale.

En tant que candidat, pourriez-vous répondre, sans langue de bois SVP , à cette question : Êtes-vous prêt à favoriser la mise en place selon un cahier des charges précis, un groupe « d’experts » de professionnels de terrain (ville et hôpital), indépendants aussi bien de l’Etat que de l’industrie pharmaceutique, et dont le rôle serait de juger in fine du bien fondé de certaines préconisations ou recommandations de nos organismes de tutelle en matière de Santé ?

Et vous, Messieurs Hollande et autres candidats, quelle serait votre réponse à cette question ?
Dr Philippe de Chazournes, Saint-Denis-de-la-Réunion

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