dimanche 29 avril 2012

On n'est pas gestionnaires de lits


«On n'est pas gestionnaires de lits, on est là pour faire de l'urgence !»

REPORTAGELe service des urgences de l'hôpital parisien Georges-Pompidou, en grève illimitée, dénonce le manque de lits disponibles pour ses patients.

Par ESTHER LAGARDE
Le service des urgences de l'hôpital Pompidou est plutôt calme ce lundi matin. Malgré la grève de son personnel, qui demande plus de lits pour les malades en attente de soins, les urgentistes ne semblent pas encore débordés.
Quelques brancards sont stationnés dans les couloirs, quatre, pas plus pour le moment. Une vieille dame attend, la main dans celle d'un proche, une poche de perfusion attachée à son brancard. Un peu plus loin, un jeune homme, bassine dans les mains, ne semble pas dans son meilleur état. Mais les malades n'affluent pas encore à l'accueil, et la salle d'attente est presque vide.
"C'est encore calme parce que c'était les vacances scolaires jusqu'à hier. Mais ça ne va pas durer, les Parisiens sont revenus", explique Dimitri Boibessot, infirmier aux urgences, pansement avec inscrit en gros "grève" collé sur sa blouse verte.
Cela fait 10 ans que le service des urgences de Pompidou se plaint du manque de lits. Pour le moment les pré-portes — les patients des urgences censés être hospitalisés dans les services appropriés mais qui n'ont pas de place — attendent dans les couloirs, sur leurs brancards. Et même s'il y a des lits libres dans les services, ils sont programmés pour de futurs patients et ne peuvent pas être utilisés. Et l'attente peut être longue, très longue dans les couloirs sombres de l'HEGP. Plusieurs heures, parfois même des journées entières passées à espérer des soins, et comptées à la Sécurité sociale comme des journées d'hospitalisation.

"On ne peut pas prévoir le verglas ou la grippe"

Une situation qui révolte le personnel de l'hôpital. «On voudrait des lits dédiés prioritairement aux urgences», explique Dimitri, qui conteste également que des lits soient exclusivement réservés aux interventions prévues à l'avance. «C'est aux autres services et à la direction de voir comment articuler le problème. Nous, on ne peut pas prévoir combien de malades vont arriver aux urgences. Il y a des jours où le manque de lits est gérable, pendant les vacances scolaires par exemple, il y a moins de patients. Mais on ne peut pas prévoir le verglas ou la grippe», raconte l'infirmier.
Et le problème ne vient pas seulement du nombre de pré-portes. «Parfois, les services eux-mêmes nous envoient des patients qui ne se sentent pas bien avant une opération par exemple. On nous demande de leur trouver des lits. Mais on est pas gestionnaires de lits, on est là pour faire de l'urgence!», poursuit Dimitri Boibessot.

Jusqu'à 20 pré-portes par jour

Si le personnel soignant est aussi remonté, c'est parce qu'il compte entre 8 et 20 pré-portes par jour. Un chiffre énorme, d'autant plus qu'il n'est pas reconnu par la direction de l'HEGP, qui estime que les pré-portes sont en moyenne 5 par jour.
Une déclaration qui ne fait qu'agacer le personnel et les syndicats. Pour la CGT, "ils refusent de reconnaître l'ampleur du problèmeIl y a des journées où l'on compte jusqu'à 20 pré-portes en attente de lits libres!", explique Joran Jamelot, délégué de ce syndicat. "On sait comment ça va se passer, les groupes de travail mis en place par la direction de l'AP-HP vont calmer les choses provisoirement. Ils sauront faire en sorte qu'au cours du mois, il n'y ait quasiment pas de pré-portes. Mais la situation ne changera pas radicalement. Cette fois on est parti dans un mouvement plus long, et on maintiendra la pression. On attend des solutions à long terme, avec un accord qui figure noir sur blanc".
Lundi après-midi l'intersyndicale CGT-SUD-FO a reconduit la grève à l'unanimité. Le personnel gréviste des urgences reste assigné, et applique le service minimum imposé au service public.
Demain mardi, les représentants du personnel de l'AP-HP manifesteront devant le siège, avenue Victoria. Ils attendent de la direction une amélioration de leurs conditions de travail, dans un hôpital qui compte environ 50 000 passages par an.

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