mercredi 14 mars 2012


Martine de Rabaudy : Mère déchaînée

LE COUP DE COEUR DE JEROME GARCIN.

Elle avait 10 ans lorsque sa mère voulut l'étrangler. La petite a survécu au geste criminel, mais a étouffé tout au long de sa vie. Aujourd'hui encore, étirant le cou, elle cherche sa respiration au milieu des chênes-lièges de la forêt des Maures. Et pour donner un sens au drame qui ne cesse de la hanter, elle emprunte à Louis Althusser, le meurtrier d'Hélène, l'explication la moins cruelle: «Le désir de tuer est toujours doublé d'un immense désir d'aimer et d'être aimé.»
Comme le philosophe marxiste, la mère de Martine de Rabaudy était une PMD (psychose maniaco-dépressive). Comme lui, elle a passé sa longue existence dans les cliniques à subir des séances d'électrochocs, et à ne ressusciter que pour s'éteindre un peu plus. Jamais, pourtant, sa fille ne l'a haïe, jamais elle ne l'a abandonnée, toujours elle a voulu protéger celle qui menaçait chaque jour de se suicider.
L'existence de Martine de Rabaudy, qui tenta elle aussi, à 18 ans, de mettre fin à ses jours, tient du chemin de croix, du calvaire et du sacerdoce. C'est une miraculée dont le témoignage sidère, bouleverse et intrigue: comment réchappe t-on de cela? Grâce, peut-être, à la littérature qui a rarement connu plus bel hommage que dans ce livre. De son grand-père, le romancier ouvriériste Pierre Hamp, à la rayonnante Nathalie Sarraute, et de Camus à Duras, elle paie sa dette aux écrivains qui, seuls, ont su desserrer les mains qui l'asphyxiaient.
J. G.
Electrochocs, par Martine de Rabaudy,
Flammarion,

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