jeudi 8 mars 2012


"A l'ombre de la République" : la vie sans liberté

Critique | LEMONDE.FR | 06.03.12
Une image du film documentaire français de Stéphane Mercurio, "A l'ombre de la République".
Une image du film documentaire français de Stéphane Mercurio, "A l'ombre de la République".ISKRA
Le poste, créé en 2007, est occupé pour six ans par Jean-Marie Delarue. Assisté de contrôleurs issus de la gendarmerie, de la magistrature, de l'administration pénitentiaire, on le voit à l'œuvre de maison d'arrêt en hôpital psychiatrique, de centrale en centre de détention.
En suivant ce guide, on arrive directement au cœur des conditions carcérales, et l'on découvre que les travaux forcés n'ont pas tout à fait été abolis, qu'un détenu frappé de maladie psychiatrique est automatiquement privé de visites, que les condamnés à de longues peines ont en partage une extraordinaire facilité d'expression qu'ils exercent dans un silence assourdissant.
Stéphane Mercurio tire parti des contraintes de son tournage, des visages qui veulent échapper à la caméra, de la monotonie désespérante des lieux modernes, de la banalité sordide des vieilles prisons, pour établir la dramaturgie de son film : l'équipe du contrôleur général arrive, pose ses questions, tire ses conclusions. On perçoit ainsi l'incroyable variété des contraintes qui s'imposent aux détenus, en plus de la privation de liberté, et le peu de ressources dont ceux-ci disposent pour recouvrer un peu de leur place en société.
Peut-être pour la récompenser de sa rigueur, les dieux du documentaire ont fait ce cadeau à Stéphane Mercurio : sa première étape l'a amenée à la maison d'arrêt pour femmes de Versailles en 2010. Là, on entend détenues et surveillantes parler à mots couverts d'un directeur qui passe beaucoup de temps"en détention" (avec les détenues) et de privilèges exorbitants. Jean-Marie Delarue dit sa volonté d'alerter les autorités.
A l'ombre de la République saisit ainsi le premier chapitre d'un feuilleton qui conduira à la condamnation du directeur de la prison, convaincu d'avoir faitpasser une puce téléphonique à une détenue, Emma Arbabzadeh, incarcérée pour avoir attiré Ilan Halimi dans un piège pour le compte du "gang des barbares".
Ce passage sous la lumière d'un fait divers fameux ne doit pas détourner du propos essentiel du film, qui montre comment, à l'ombre de la République, les citoyens deviennent des ilotes.
LA BANDE-ANNONCE

Film documentaire français de Stéphane Mercurio. (1 h 40.)
Sur le Web : la présentation de la réalisatrice Stéphane Mercurio sur le site de Canal+.
Thomas Sotinel

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