vendredi 24 février 2012


Soins psychiatriques sans consentement : chronique d’une catastrophe évitée

lequotidiendumedecin.fr 23/02/2012

Un rapport parlementaire adopté mercredi en commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale dresse un bilan globalement positif de la mise en application de la loi du 5 juillet 2011 sur les soins psychiatriques sans consentement. Son application reste toutefois inégale sur le terrain, notamment en ce qui concerne les contrôles judiciaires.
« La catastrophe annoncée n’a pas eu lieu », constate le député UMP Guy Lefrand, coauteur avec son homologue Serge Blisko (groupe socialiste radical citoyen) d’un rapport d’évaluation des six premiers mois du nouveau dispositif de soins psychiatriques sans consentement.« En dépit de quelques ratés, les saisines des juges des libertés et de la détention (JLD) ont dans l’ensemble pu être réalisées dans les délais prescrits par la loi et les juges ont pu se prononcer sur les mesures de soins psychiatriques sans consentement dès le 1er août », date d’entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 2011. Selon un premier bilan encore provisoire, 30 181 saisines du JLD ont été recensées après six mois dont 1 253 recours facultatifs. S’agissant de la nature des décisions de justice, 82,3 % d’entre elles à six mois sont des maintiens de mesures de soins psychiatriques sans consentement (4,5 % ordonnent la mainlevée, 2,2 % une expertise et 11 % sont des décisions de procédure).

Saisines hors délais.

Les saisines tardives – effectuées entre le 12e et 15e jour d’hospitalisation ou durant la première semaine précédant la période de six mois d’hospitalisation) – représentent 1,3 % du total. « Beaucoup de saisines hors délais sont liées à une difficulté par les préfets et les agences régionales de santé (ARS) de saisir le juge dans les délais », remarque Guy Lefrand. « Les conséquences sont très graves et débouchent sur une mainlevée de la mesure de soins sans consentement », ajoute-t-il. Quant au lieu des audiences, elles sont organisées au tribunal dans plus de 75 % des cas. Seules 5,7 % des audiences se dérouleraient par visioconférence. « Quand les audiences ont lieu au TGI, les patients ne sont pas toujours transportés pour participer à l’audience parce qu’ils font l’objet d’un certificat médical précisant que leur état ne leur permet pas d’être entendus. Le motif peut être fondé ou constituer un prétexte à une impossibilité matérielle ou de principe au déplacement du patient », indique Guy Lefrand. Lorsque les patients sont transportés au tribunal, les conditions matérielles d’accueil sont rarement adaptées, souligne le rapport. Si la présence de l’avocat est « quasiment systématique » le rôle de ce dernier reste à préciser car il apparaît à ce jour « très limité », du fait du peu de contact avec le patient. « Nous considérons qu’il faut généraliser le plus possible la pratique des audiences à l’hôpital. Il faut être volontariste sur cette question et demander au juge de se déplacer. Il en va du respect et de la dignité du patient », déclare Guy Lefrand. Pour la secrétaire d’État à la Santé, Nora Berra, « la question d’inscrire l’obligation de l’audience du juge à l’hôpital n’est pas opportune » car « il faut laisser de la souplesse aux acteurs de terrain en fonction des spécificités locales ». Et Serge Blisko de conclure : « Si beaucoup a été fait pour que la réforme soit mise en œuvre le mieux possible sur le terrain, l’application de la loi reste toutefois très inégale. » Chaque territoire « a une façon d’appliquer la loi. Tout dépend de la bonne volonté des acteurs sur le terrain et des moyens mis à leur disposition », ajoute-t-il.
› DAVID BILHAUT



Loi du 5 juillet 2011 et soins sans consentement en psychiatrie
Nora Berra estime inopportun d'obliger les juges à intervenir dans les établissements

23.02.12 - 14:51 - HOSPIMEDIA 
Depuis la mise en œuvre de la loi du 5 juillet 2011, fixant de nouvelles règles dans la prise en charge psychiatrique, le déplacement des patients de leur établissement au tribunal pour le contrôle par le Juge des libertés et de la détention (JLD) des hospitalisations sans consentement est dénoncé par certains professionnels et représentants d'usagers. Dans son rapport d'évaluation concernant l'application de cette loi, la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale pointe à son tour les dysfonctionnements liés à ces transports (accueil dans les tribunaux perturbant, conditions de transport discutables, manque de personnel pour l'accompagnement...).
Les rapporteurs du bilan parlementaire ont donc auditionné ce 22 février Nora Berra, secrétaire d'État à la Santé, qui leur a notamment déclaré qu'il était impossible aujourd'hui de rendre obligatoire l'intervention des juges en établissement. Rappelant que la loi prévoyait plusieurs modes d'intervention possible (déplacement du juge en établissement, déplacement du patient au tribunal ou audience par visio-conférence), la secrétaire d'État a prôné le maintien de cette souplesse d'application, chaque territoire pouvant ainsi s'adapter selon ses caractéristiques et préférer l'un des différents modes d'intervention possible.
Jean-Luc Préel, vice-président de la commission des Affaires sociales et député Nouveau centre (NC) de Vendée, a relevé pour sa part, qu'il était paradoxal de multiplier les déplacements sanitaires des patients à l'heure où la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) souhaite leur diminution.
Nora Berra a ensuite évoqué l'augmentation des moyens que le ministère de la Justice envisageait pour l'application de la loi, soit : 6,72 millions d'euros destinés à l'installation de dispositifs de visio-conférence, 10,23 millions pour les personnels accompagnant les patients dans les tribunaux. Et 270 postes seront ouverts en 2012 au concours de la magistrature.
Les rapporteurs ont constaté qu'il y avait encore de nombreuses saisines tardives du juge, soit entre les 12e et 15e jour d'hospitalisation sous contrainte, voire même des saisines hors délai. Ils ont également pointé la problématique du nombre important de certificats et avis médicaux imposés par la loi. À cela, Nora Berra a répondu qu'il était peut-être possible de faire évoluer les choses (lire aussi notre brève du 16/02/2012).
L.W.

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