mardi 21 février 2012


L'autisme, enjeu idéologique

par JEAN MIRGUET, Psychanalyste

Après les expertises successives de l’INSERM sur le dépistage et la prévention des troubles mentaux chez l’enfant et l’adolescent en 2002, sur l’efficacité comparée des psychothérapies en 2004, sur les troubles des conduites de l’enfant en 2005, après la publication du Livre noir de la Psychanalyse (2005) puis le brûlot anti-Freud d’Onfray en 2010, voici le député UMP Fasquelle  qui, après avoir lancé sa proposition de loi "visant à interdire la psychanalyse pour l’accompagnement des personnes autistes", poursuit sa croisade en se préparant à "saisir le Conseil national des universités afin que l'enseignement et la recherche sur les causes et les prises en charge de l'autisme ne fassent pas référence à la psychanalyse". La Haute Autorité de Santé n’est pas en reste qui déclare officiellement la psychanalyse inadaptée à la prise en charge de l’autisme (cf. Libération d’aujourd’hui).

Cette offensive idéologique contre la psychanalyse exhale de pestilentiels effluves populistes et antidémocratiques. Elle fait craindre un retour de la pensée vers l’obscurantisme du Moyen-Age et une promotion de politiques liberticides.

Comme l’indique le communiqué de presse du Collectif des 39 contre la Nuit sécuritaire, une loi n’a pas à se substituer aux praticiens en matière de choix d’un traitement. Les familles et tous les citoyens doivent pouvoir garder le droit inaliénable d’une liberté de choix de leur praticien et de la façon dont ils souhaitent se soigner, en respectant la nécessaire pluralité des approches.

Depuis quand une loi devrait-elle se faire l’arbitre puis le censeur dans le débat scientifique ? Quid de la liberté de pensée et de recherche ?

Le député Fasquelle et ceux qui le suivent vont-ils bientôt emprunter le chemin des fondamentalistes chrétiens américains et nous gratifier d’une loi interdisant le darwinisme ? L’interdiction du député Fasquelle est-elle l’héritière des autodafés nazis des livres de Freud et de l’interdiction de la psychanalyse comme science juive, ou celle du stalinisme qui l’avait décrété science bourgeoise, à moins qu’elle ne s’inspire de la censure des colonels grecs ou de l’actuelle dictature syrienne ?

La psychanalyse, qui a fait ses preuves depuis plus d’un siècle, constitue un aspect fondamental de la formation des praticiens. Elle est, avec d’autres, l’une des boussoles essentielles permettant de s’orienter dans le traitement des sujets autistes.

En témoignent les publications régulières concernant le traitement de l’autisme dans de nombreuses institutions accueillant des enfants, adolescents ou adultes, tant en France qu’à l’étranger. Elles nous apprennent que les méthodes qui aident le mieux les autistes sont celles qui ne gomment pas les particularités et la liberté du sujet et qui savent miser sur ses inventions et ses compétences.

La psychanalyse a toujours été interdite là où la liberté était confisquée aux citoyens. On peut ne pas partager sa théorie et sa méthode, mais avoir le projet d’en interdire l’exercice et empêcher des personnes d’y avoir recours constituent une menace grave pour les libertés.

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