mercredi 25 janvier 2012


Tranquillisants, à consommer avec modération

LEMONDE | 23.01.12

"Un Français sur cinq consomme chaque année au moins une benzodiazépine ou une molécule apparentée", a indiqué l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), le 16 janvier, dans un état des lieux sur la consommation de cette classe de médicaments aux vertus anxiolytiques et hypnotiques.

Entre 2006 et mi-2011, plus de 25 millions de personnes (60 % sont des femmes) ont pris ce médicament qui est régulièrement pointé du doigt car les Français en consomment beaucoup. Ils font partie de la classe des psychotropes, comme les antidépresseurs ou les neuroleptiques.
Commercialisées depuis les années 1960, pas moins de 134 millions de boîtes ont été vendues en 2010, dont la moitié d'anxiolytiques (Xanax, Lexomil, Temesta, Lysanxia...) et 37,6 % d'hypnotiques (Rohypnol, Noctamide...) et apparentés (Stilnox, Imovane). Selon leurs propriétés, les 22 benzodiazépines actuellement sur le marché sont indiquées pour traiter l'anxiété, les troubles sévères du sommeil, l'épilepsie, les contractures musculaires douloureuses. Certes, la consommation des anxiolytiques diminue globalement (- 1,8 % par an depuis 2002), tandis que celle des hypnotiques (somnifères) est stable, mais elle reste élevée.
La France se situe en effet en deuxième position des pays européens pour les anxiolytiques, après le Portugal, et au deuxième rang également pour les hypnotiques, derrière la Suède. Pourtant ces produits ne sont pas anodins et comportent des risques et des effets négatifs, pointe l'Afssaps.
Car si ces traitements sont indispensables pour de nombreux patients, indique l'Afssaps, ils peuvent entraîner des troubles de la mémoire et du comportement, une altération de l'état de conscience et des fonctions psychomotrices. Des effets qui sont accrus chez le sujet âgé.
Ainsi, le professeur Bernard Bégaud (de l'université Bordeaux-II) faisait part dans nos colonnes de ses inquiétudes sur les effets nocifs de certains anxiolytiques (Le Monde du 24 décembre 2010) : "Cinq études montrent qu'un usage prolongé chez les sujets âgés peut favoriser la survenue de démences de type maladie d'Alzheimer." Une étude est en cours pour confirmer ces résultats. De plus, l'Afssaps montre, parmi les autres effets secondaires, une augmentation des chutes pouvant causer des fractures chez les personnes âgées.
La durée du traitement dans cette classe d'âge dépasse bien souvent celle des recommandations.
D'autre part, "l'usage de benzodiazépines expose à un risque de dépendance psychique et physique qui s'accompagne d'un syndrome de sevrage à l'arrêt du traitement", souligne encore l'agence du médicament.
Surtout, il existe une utilisation problématique des benzodiazépines avec un usage abusif chez les toxicomanes. Par ailleurs, ces médicaments peuvent êtreadministrés à l'insu d'une personne ou sous la menace à des fins de viol, de vol... En outre, l'usage de cette classe de molécule accroît les risques d'accident de la route. La durée d'utilisation préoccupe également les autorités sanitaires : 52 % des sujets prennent des anxiolytiques ou des hypnotiques plus de deux ans, avec ou sans interruption de traitement. Or, la durée de traitement est, selon les recommandations, limitée, à douze semaines pour les anxiolytiques et à quatre semaines pour les hypnotiques.
De plus, le traitement par benzodiazépines est dans 21,1 % des cas associé à un antidépresseur. Et 21 % des patients ont eu au moins une fois un traitement avec plusieurs benzodiazépines en même temps.
Dans ce contexte, l'Afssaps propose des mesures pour limiter la consommation et favoriser leur bon usage. Une ordonnance sécurisée est notamment obligatoire pour certaines benzodiazépines, comme c'est le cas pour les stupéfiants.
Une autre piste consiste à diminuer la taille des boîtes de ces médicaments, afin de réduire le risque d'abus. Des messages clairs doivent être adressés aux professionnels de santé : bien évaluer la première prescription, limiter les posologies, la durée du traitement et réévaluer régulièrement sa pertinence, ne pas associer plusieurs benzodiazépines.
Enfin, selon l'Afssaps, "les thérapeutiques non médicamenteuses comme la psychothérapie doivent également être prises en compte".
Pascale Santi

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