samedi 28 janvier 2012


Harcèlement : "l'école va devoir réfléchir à sa mission éthique"

Créé le 25-01-2012 

Philippe Jeammet, professeur de psychiatrie de l’adolescent, réagit au lancement de la campagne de l'éducation nationale contre le harcèlement scolaire. Interview. 

Philippe Jeammet, professeur de psychiatrie de l’adolescent (1), est le président de l’Ecole des parents et des Educateurs d’Ile-de-France, l’un des partenaires de la campagne contre le harcèlement à l’école lancée par l’Education nationale mardi 24 janvier. Il répond aux questions du "Nouvel Observateur". 

L’enquête du sociologue Eric Debarbieux, publiée à l’automne dernier, a montré qu’à l’école primaire et au collège, un élève sur dix est victime de harcèlement.

- En effet, comme s’il fallait que les élèves provoquent les adultes à travers ces comportements extrêmes, à l’instar du "binge-drinking" ou des rites de bizutages. Comme si on ne pouvait plus se contenter de faire ses dents en étant indiscipliné et irrespectueux, et qu’il fallait se valoriser en humiliant, en créant des liens aux dépens d’un plus faible. Quitte à le détruire. Les sentiments de peur, de menace, de solitude, nés du harcèlement ont des effets délétères. Ils détruisent le sentiment de sa valeur. Ils empêchent d’existe.

Pour la première fois, l’institution fixe des limites…

- Elle affirme clairement, sans ambiguïté, qu’agir ainsi est inacceptable, intolérable, criminel. Jusqu’à présent, les adultes, les professeurs en particulier, prêtaient peu attention à ces conduites de persécution, au nom de la liberté de chacun. Mais éviter de prendre parti n’était pas neutre. C’était déjà une réponse éducative qu’ils faisaient aux adolescents. Cela revenait à laisser faire, à cautionner en somme. En ne fixant pas de repères, l’école pratiquait une forme d’abandon. Elle signifiait aux adolescents : "A vous de vous débrouiller". Désormais, l’école va devoir réfléchir à sa mission éthique.

Peut-on espérer éradiquer le harcèlement scolaire ?

- C’est un horizon à atteindre. Les professeurs devront affirmer haut et fort que l’école n’est pas là pour démolir les plus fragiles. Et ils devront l’enseigner à leurs élèves. L’empathie et la bienveillance sont des conduites qui ne s’inventent pas. Elles s’apprennent. Aujourd’hui, l’homme s’est éloigné du règne animal, il a pu déréguler son lien à ses instincts, mais en contrepartie, il est devenu un être de valeurs, qui se construit dans l’échange avec l’autre, et dans un nécessaire rapport à ce qui fait autorité.
Propos recueillis par Caroline Brizard
(1) Auteur de "Pour nos ados, soyons adultes" (Odile Jacob, 2008)

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