samedi 21 janvier 2012


Êtes-vous prêts pour le paiement à la performance ?


Le P4P est généralisé depuis le 1er janvier et l’Assurance-maladie vient de confirmer que seuls 2,7% des généralistes ont refusé le dispositif. Cette nouvelle forme de rémunération offre une prime aux médecins, variable selon leur implication dans la coordination des soins, leurs résultats de santé publique ou le taux de leur prescription en génériques. « Le Généraliste » est allé à la rencontre de confrères qui ont opté pour le nouveau dispositif.

Une petite révolution dans le monde de la médecine libérale ! Intégré à la nouvelle convention, le P4P a donc fait son apparition dans 97 % des cabinets de médecins généralistes, un taux d’adhésion un peu plus élévé que chez les spécialistes. Selon les chiffres que l’Assurance-maladie a annoncé lors de la Commission paritaire du vendredi 20 janvier, à fin décembre 2011, seuls 2,7 % des généralistes ont envoyé une lettre de refus par lettre recommandée avec accusé de réception à leur CPAM pour se placer en dehors de ce nouveau dispositif. Ils en avaient la possibilité jusqu’au 26 décembre. Record de refus pour le Finistère qui a enregistré, tout de même, un taux d’adhésion autour de 85%.

Dans ce dispositif, entré en vigueur au début de 2012, les médecins seront désormais évalués sur 29 objectifs basés sur la gestion du cabinet, le suivi des pathologies chroniques, la prévention et la maîtrise des dépenses de santé, et toucheront une prime en fonction de leurs résultats. L’objectif, pour l’Assurance-maladie, est d’inciter les médecins à suivre les recommandations de la HAS et de récompenser leurs « bonnes pratiques ». Ils pourraient ainsi toucher jusqu’à 9 100 euros ! Voire au-delà pour ceux qui auraient une très grosse patientèle médecin traitant. « C’est théoriquement possible, si on a beaucoup de patients et que l’on est très bon médecin mais la moyenne tournera plutôt autour de 4 500 euros », tempère Mathilde Lignot-Leloup, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins à la CNAMTS.

Ceux qui ne sont pas équipés informatiquement pourront tout de même participer. Puisque l’équipement informatique, même s’il est une condition sine qua non pour remplir les cinq premiers indicateurs qui rémunèrent l’organisation du cabinet, n’est pas indispensable pour le reste des items.

Les indicateurs étant indépendants les uns des autres les non-informatisés seront donc évalués sur le reste des indicateurs qui relèvent de leur pratique médicale. Il sera néanmoins plus facile pour ceux qui disposent d’un logiciel médical de produire leurs propres statistiques. Et de les comparer à celles établies par la CPAM. La question de la procédure à suivre en cas de contestation devrait d’ailleurs être discutée très prochainement avec les représentants des syndicats.

Comment la rémunération sera-t-elle calculée ?

A côté de ces cinq premiers indicateurs qui concernent l’organisation du cabinet du médecin traitant (synthèse annuelle, dossiers informatisés, logiciel d’aide à la prescription homologué, etc.) s’ajoutent des objectifs médicaux, dont certains sont déclaratifs également. La prime sera calculée à partir des résultats atteints par les médecins qui devront donc fournir à la CPAM leurs résultats cliniques sur ces cinq indicateurs (quatre concernant la glycémie et le LDL-cholestérol pour le diabète et un pour l’hypertension).

« Nous faisons confiance aux médecins pour avoir une approche déontologique », assure-t-on à l’Assurance-maladie qui ne s’interdit pas une vérification a posteriori des chiffres donnés par les médecins.

Les 19 autres indicateurs concernent soit la prévention, le dépistage (cancer, vaccins...) et le suivi des maladies chroniques, soit la maîtrise des dépenses de santé (avec, comme dans le Capi, une incitation à prescrire des médicaments génériques). Cette fois, c’est l’Assurance-maladie qui les calculera. L’Espace Pro sur ameli.fr permet aujourd’hui au médecin de consulter ses propres statistiques liées aux remboursements de la Sécu pour le régime général, pour l’instant basé sur les indicateurs du Capi. Tandis qu’avec l’adaptation de son logiciel au dispositif du P4P, le praticien pourra suivre sa propre activité en temps réel depuis son poste de travail avec les chiffres qu’il aura lui-même saisis. « C’est quelque chose qui intéresse beaucoup les médecins parce qu’ils peuvent ainsi regarder ce qu’ils font à partir de leurs logiciels », relève le président de MG France, Claude Leicher. Une extension intéressante « pour que le médecin puisse comparer ses chiffres avec l’Assurance-maladie et qu’il puisse se défendre », insiste aussi Michel Chassang, président de la CSMF.

Seul problème : les extensions de ces logiciels ne sont pas encore prêtes. Un retard qui agace les syndicats. « L’impatience est en train de gagner les médecins », prévient Christian Jeambrun. Un constat également partagé par la FMF. « Les éditeurs vont être prêts dans les six mois à venir alors qu’ils auraient dû déjà l’être. Et, donc, les médecins ne vont pas pouvoir percevoir la prime I (indicateurs de modernisation du cabinet) parce que ces éditeurs ne sont pas prêts », explique Jean-Paul Hamon.

Mises à jour trimestrielles

Interrogée, la CNAMTS déclare ne pas pouvoir prendre l’engagement de livraison des extensions de logiciels à la place de leurs éditeurs. Mais elle se veut rassurante. Les médecins n’auront pas besoin d’attendre la fin de l’année pour connaître leurs statistiques. Les premiers résultats individuels seront remis aux médecins à partir d’avril et disponibles dans l’espace pro d’Ameli à partir de juin, assure-t-elle, en promettant, par ailleurs, des mises à jour trimestrielles concernant les items sur la prévention et les maladies chroniques (sauf bien sûr pour les cinq items déclaratifs).

En plus des contraintes informatiques, certains des indicateurs du P4P sont déjà critiqués par les médecins. Comme ceux relevant davantage, selon eux, de la patientèle plutôt que du praticien. « Par exemple, pour l’indicateur du cancer du sein, le médecin ne peut pas savoir quelles patientes ont bénéficié ou non du dépistage », explique Christian Jeambrun. D’autres souhaitent au contraire que de nouveaux indicateurs apparaissent dans la convention. Pour Claude Leicher, « l’indicateur de travail en équipe de soins de premiers recours devrait intégrer la nouvelle forme de rémunération parce que cela se fait au bénéfice du patient soigné ».

Des modifications qui pourraient faire l’objet de négociations à venir avec l’Assurance-maladie qui « n’exclut pas » la possibilité d’avenants sur les objectifs. Mais pour l’heure, les médecins seront bel et bien évalués sur les indicateurs existants et rémunérés à partir de mars 2013. Avec un avantage pour les capistes inscrits à l’été 2010 puisqu’ils pourront bénéficier du cumul des deux dispositifs pendant quelques mois.
Dossier réalisé par Caroline Laires-Tavares et Giulia Gandolfi

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