mardi 6 décembre 2011


TRIBUNAUX. PERSONNE NE SE BOUSCULE POUR RENFORCER LA LISTE DES EXPERTS.La justice manque de psys

le 05/12/2011

En Saône-et-Loire, il ne reste plus que trois experts psychiatres pour deux tribunaux.  Photo S. F.
En Saône-et-Loire, il ne reste plus que trois experts psychiatres pour deux tribunaux. Photo S. F.






Surcharge de travail, rémunération trop faible, la mission d’expert psychiatre auprès des tribunaux ne suscite plus de vocation, alors que les juridictions en ont de plus en plus besoin.

Ils étaient quatre, et l’un d’eux vient de décider d’arrêter. En Saône-et-Loire, sur la quarantaine de psychiatres en exercice, personne ne se bouscule pour renforcer la liste d’experts auprès de la Cour d’appel de Dijon et travailler pour les magistrats de Chalon ou Mâcon. Une situation similaire à celle de nombreuses juridictions où la démographie médicale n’est pas à la fête. « Il y a une diminution d’experts médicaux, et un déficit en psychiatrie, confirme Christophe Rode, procureur de la République à Chalon. Nous avons souvent besoin d’eux et cela peut entraîner des retards dans des dossiers. À l’instruction, l’expertise psychiatrique peut être le dernier acte à mener ». « On les missionne régulièrement, pour des permissions de sortie ou des aménagements de peine, explique un juge d’application des peines chalonnais. Il ne faut pas tout ramener à une question de moyens, mais cette évolution est inquiétante ».

Des demandes venant de Roanne, Auxerre, Moulins

Un manque que les récentes évolutions législatives n’ont fait qu’accroître. Les procédures dans lesquelles une expertise psychiatrique doit être demandée se sont multipliées. « Auparavant, on ne réalisait des expertises que pour les délinquants sexuels, rappelle le docteur Gérald Alloy, expert depuis 1985. Aujourd’hui, pour éviter la récidive, les expertises se font selon la durée de la peine du condamné. Nous expertisons aussi en amont dès qu’une qualification est criminelle ou que la personne est sous tutelle, car on ne juge pas un malade ». Une situation « paradoxale » : « il y a de moins en moins d’experts et on multiplie les demandes ! Le législateur ne se rend pas compte ». « C’est dramatique, car pour qu’un détenu puisse bénéficier d’un aménagement de peine, il faut une expertise, poursuit le docteur Gérald Alloy. On reçoit des courriers de juges d’Auxerre ou de Roanne qui cherchent des psychiatres. Dans certaines régions, il y a même des détenus qui demandent à changer de prison car ils ne parviennent pas à en voir un ».
Les tribunaux sollicitent régulièrement les conseils de l’ordre, sans grand succès. « Le problème est lié à la démographie médicale, analyse le docteur François Copreau, vice-président du conseil de l’ordre des médecins de Saône-et-Loire. Les médecins ont moins de disponibilité. En plus, ils doivent suivre une formation continue pour être expert, et ce travail n’est pas très bien rémunéré ».

Peur de l’engrenage et d’être « épinglé »

Les missions sont chronophages : il faut parfois se rendre à Varennes-le-Grand, ou sur le lieu d’une garde à vue, puis rédiger un rapport qu’il faudra peut-être présenter devant une cour d’Assises. « Quand il y a peu d’experts, si l’un accepte une mission et que les magistrats sont satisfaits, ils vont le solliciter de plus en plus, poursuit le docteur Copreau. C’est un engrenage que beaucoup préfèrent éviter ». Le docteur Alloy, qui travaille en milieu hospitalier, passe ses samedis matins « à la prison » et « dicte ses rapports le dimanche », craint que les expertises finissent par se faire à Paris ou à Lyon, sans connaissance du contexte des faits ni des magistrats. « Quand j’ai été formé, ça faisait partie de notre travail, rappelle-t-il. Je considère ça comme une responsabilité sociale. Mais les jeunes ne veulent plus prendre le risque de se faire épingler, comme cela arrive après certains faits-divers. » L’expert tente malgré tout de transmettre la fibre à ses internes. Car ces missions sont aussi « passionnantes » : « Nous rencontrons beaucoup de gens différents, et c’est intéressant de faire un diagnostic rapide et compréhensible. Avec nous, beaucoup de ces personnes sont écoutées pour la première fois. On ne se contente pas des faits : on les replace dans le cadre de leur vie »
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