dimanche 27 novembre 2011

Tribune de Genève



23.11.2011

La neuropsychanalyse, un « faux-nez » pour la psychanalyse?

À la fin des années 80, dans la foulée de la parution de L’homme neuronal, le mensuel La Recherchefaisait état d’un dialogue manqué entre le psychanalyste André Green et le neurobiologiste Jean Pierre Changeux1. L’approche scientifique était accusée par le psychanalyste de « déni de la vie psychique » et plus généralement, de présenter une vision réductionniste de l’homme. En dépit de quelques tentatives isolées, le dialogue semblait impossible, d’autant que les années 90 virent, surtout hors de France, la psychanalyse et Freud remis en cause2. C’est pourquoi, lorsqu’en 19983 et 19994, Eric Kandel publiait dans la grande revue américaine de psychiatrie (Am J Psychiatry) deux articles (le second venant compléter et préciser l’objet du premier qui avait été à l’origine d’une correspondance très animée) invitant la psychanalyse à se rapprocher des neurosciences, ces parutions connurent immédiatement un certain retentissement, au point d’être traduits in extensodans une revue française d’obédience psychanalytique assez stricte (L’Évolution Psychiatrique5). Il est possible que les travaux de Kandel sur l’aplysie, un mollusque marin, qui lui ont valu un prix Nobel en 2000 pour la découverte du mécanisme de la potentialisation à long terme (LTP), support de la mémoire à l’échelle synaptique, ne constituent pas le meilleur viatique pour aborder le domaine du refoulement et de la résolution de l’Œdipe. Nonobstant, l’obtention du Nobel conférait finalement à ces considérations, somme toute assez générales, une légitimité naturelle à ouvrir des voies nouvelles6. De fait, ces deux articles contribueront à précipiter la création d’une discipline alors encore en pénible gestation aux mains de quelques initiés new-yorkais du Neuroscience and Psychoanalysis Study Group au NYPY depuis les années 90 : la « neuropsychanalyse ». Une société internationale de neuropsychanalyse est alors fondée en 2000, dont le 10e congrès annuel s’est tenu à Paris en 2010 et dont la revue « Neuropsychoanalysis » est l’organe officiel (http://www.neuro-psa.org.uk/npsa/). Les ouvrages vont suivre, avec notamment, en langue française, et particulièrement ces cinq dernières années, plusieurs livres édités chez des éditeurs généralistes7, y compris et jusque dans la collection « Que Sais-Je ? » des PUF, témoignant d’un certain dynamisme et d’un soif de reconnaissance. Découverte majeure ? Effet de mode ? Tentative de sauvetage ? Les neurosciences des émotions, l’étude des processus non conscients, l’asymétrie fonctionnelle cérébrale, parmi d’autres, sont des domaines de recherche qui n’ont pas attendu la «neuropsychanalyse » pour être sérieusement investis. Le plaquage des concepts psychanalytiques (refoulement, pulsion, Oedipe) sur les résultats issus de ces recherches apparaît dès lors comme une simple méthode interprétative, qui ne peut constituer autre chose qu’une lecture orientée – et nullement scientifique – de données élaborées dans un tout autre contexte…


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