mardi 15 novembre 2011


L'emploi des handicapés peine à décoller

LE MONDE ECONOMIE | 14.11.11 | 17h11
Après une phase de progression, le taux d'emploi des personnes handicapées stagne.
Après une phase de progression, le taux d'emploi des personnes handicapées stagne.AFP/PASCAL PAVANI
"Au cours des quinze dernières années, les représentations du handicap ont changé. Les gens considèrent moins que c'est incompatible avec l'emploi. Il est désormais possible de parler des compétences. On sent que les choses ont énormément évolué, mais ce n'est pas encore suffisant", résume Eric Blanchet, le directeur général de l'Association pour l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées (Adapt).
TOUCHÉS PAR LA CRISE
"Emploi et handicap : la question d'une seule semaine ?", demande l'Adapt en introduction de la 15e Semaine pour l'emploi des personnes handicapées qu'elle organise, du 14 au 20 novembre, avec l'Association nationale de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (Agefiph) et le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP).
Une interrogation en guise de rappel à l'heure où la crise n'épargne plus l'emploi des personnes handicapées, même si, "dans un premier temps, en 2008, il a été préservé, note Pierre Blanc, le directeur de l'Agefiph. Car les entreprises ont cherché à minimiser leurs coûts et donc à garder leur taux d'emploi de personnes handicapées". En effet, les entreprises de plus de 20 salariés doivent employerau moins 6 % de personnes handicapées, sans quoi elles sont soumises à contribution.
Une obligation légale encore loin d'être atteinte. Selon une étude publiée le 8 novembre par la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), le taux d'emploi des travailleurs handicapés s'est établi à 2,7 % en 2009. Cette année-là, 32 700 bénéficiaires de l'obligation d'emploi des personnes handicapés ont été embauchés.
C'est certes une hausse de 29,8 % par rapport à 2008, Mais c'est un chiffre trompe-l'oeil, qui tient essentiellement au nouveau mode de décompte : 13 500 bénéficiaires en plus ont pu ainsi être comptabilisés "grâce à la suppression du seuil minimum de six mois de présence pour prise en compte des embauches en CDI ou CDD. A champ constant (sans modification du mode de décompte), le nombre de nouveaux bénéficiaires se serait accru de 19 200 en 2009 (après 25 200 en 2008, soit une baisse de 23,8 %)", précise la Dares.
Et, comme pour l'ensemble des demandeurs d'emploi, les difficultés s'aggravent avec l'âge : les chiffres publiés par l'Agefiph en octobre montrent ainsi que la progression du taux de chômage (+ 14 % en un an en juin 2011) touche particulièrement les travailleurs handicapés âgés de plus de 50 ans (+ 21 %) et les personnes inscrites comme demandeurs d'emploi depuis plus de deux ans (+ 18 %). "Seules 15 % d'entre elles contractent un handicap dans leur jeunesse. Il reste donc 85 % de personnes, qui deviennent handicapées à la suite d'un accident ou d'une maladie", rappelle M. Blanc. Le vieillissement de la population entraîne de fait une augmentation des personnes handicapées.
DES FREINS PUISSANTS
Pour autant, à côté de cet effet mécanique qui influe en partie sur les chiffres du chômage, restent des freins puissants qui expliquent l'échec relatif des politiques d'accès à l'emploi. Du côté des personnes handicapées, c'est le déficit de qualification qui constitue encore la principale difficulté. 80 % des demandeurs d'emploi n'ont pas le bac, contre 58 % pour l'ensemble du public. Alors que l'accès à la formation reste pour beaucoup difficile, cette Semaine pour l'emploi est d'ailleurs placée sous le signe de l'alternance.
De nombreux acteurs jugent la formule particulièrement adaptée à la montée en qualification des personnes handicapées, "mais les dispositifs sont encore peu connus et peu mobilisés", rappelle M. Blanchet. C'est particulièrement vrai dans la fonction publique : en 2011, on ne comptabilise que 607 apprentis handicapés sur les 5 millions de fonctionnaires. "Aujourd'hui, l'emploi est une responsabilité de la société tout entière. Il est nécessaire que les progrès se fassent en amont et que les universités, les écoles, les centres de formation d'apprentis (CFA) entrent davantage dans cette dynamique", poursuit-il.
Du côté de l'entreprise, c'est sûrement la question de l'équipement qui a le plus progressé. Mais si les employeurs connaissent mieux la marche à suivre pouradapter un poste, ils sous-estiment souvent la manière dont une équipe vaaccueillir une personne handicapée. Le poids des stéréotypes reste important ; s'y mêlent des préjugés (les handicapés seraient moins performants, etc.) et des a priori positifs, aux effets négatifs.
"Si un recruteur pense qu'une personne handicapée va être plus dynamique, plus adaptable, et qu'elle est juste motivée comme tout le monde, le risque est d'êtredéçu. Ce degré supérieur d'exigence est un premier niveau de frein", souligne Guy Tisserant. Pour le directeur de TH Conseil, cabinet de conseil et de recrutement spécialisé, faire tomber les stéréotypes ne représente, en outre, que la moitié du chemin.
Certaines entreprises franchissent le cap des représentations, mais pas celui de la réalité du handicap. "Elles s'attendent à ce que la personne surcompense. Mais dire que l'on va recruter une personne handicapée pour autant qu'elle rentre dans le moule de l'organisation de travail ou atteigne un référentiel type, c'est un fantasme, poursuit-il. Une personne qui produit à 90 % parce que l'environnement n'est pas adapté est en fait à 100 % de sa productivité. Mais la différence de productivité est toujours imputée à la personne et pas à son environnement. Or le code du travail dit bien que c'est le travail qui doit êtreadapté à l'homme. En somme, on a parfois l'impression que l'on veut bienrecruter un travailleur handicapé... pourvu qu'il ne soit pas handicapé."
Une du "Monde Economie" datée mardi 15 novembre 2011.DR
Catherine Petillon

Déficience mentale : un droit au travail encore peu effectif

LE MONDE ECONOMIE | 14.11.11

Le monde du travail s'ouvre de manière inégale aux différents types de handicap. Et, pour les personnes atteintes d'un handicap mental, il reste très difficile d'accéder à l'emploi. Et tout particulièrement en milieu ordinaire.

En 2006, les personnes handicapées mentales ne représentaient que 3,6 % des placements réalisés par les Cap emploi (organismes de placement spécialisés créés par la loi Handicap de 2005). Quant à l'accès à un emploi en milieu adapté ou protégé, il souffre du manque de places dans les structures : en 2010, environ 15 000 personnes étaient en attente d'une place en établissement et service d'aide par le travail (ESAT), selon les chiffres de l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei).
Face à ce constat, l'association a publié, le 4 novembre, un Livre blanc intitulé "Travail et handicap : une équation multiforme" (disponible en ligne sur son site www.unapei.org/livre-blanc-travail-handicap-une.html). Résultat de travaux menés durant dix-huit mois, ce texte définit des "principes fondamentaux pour unavenir du droit au travail" des personnes handicapées mentales, et formule neuf préconisations pour le rendre effectif.
Si l'accès au milieu ordinaire demeure l'exception, c'est notamment parce qu' "il faut que ce soit le milieu de travail qui s'adapte à la personne, et non l'inverse. Or peu de choses sont faites pour faciliter ce cheminement, souligne Thierry Nouvel, directeur général de l'Unapei. Une personne atteinte d'un handicap mental a besoin d'un suivi sur son poste de travail. Il n'est pas forcément important, mais doit être régulier et durable. Cela demande des moyens humains."
Pour faciliter l'intégration dans l'entreprise, l'Unapei propose de développer des modules de sensibilisation et de formation pour les acteurs de l'accompagnement, afin d'adapter les dispositifs de droit commun.
INSUFFISANCE DE QUALIFICATION
L'Unapei rappelle aussi dans son Livre blanc que l'insuffisance de qualification est aujourd'hui l'un des principaux freins à l'insertion professionnelle des personnes handicapées mentales, car l'accès à la connaissance et au savoir est plus difficile pour elles. L'association souhaite donc créer un centre de ressources chargé de développer des politiques de formation. Son objectif :"Favoriser et développer l'insertion sociale, l'adaptation des compétences aux besoins des marchés et l'ouverture vers le milieu ordinaire."
Plaidant pour une plus grande individualisation des parcours, l'Unapei rappelle également que, si le nombre de personnes qui accèdent au milieu ordinaire doitprogresser"le mouvement du "tout ordinaire" est en décalage avec la réalité du handicap mental. (...) La politique européenne et internationale en matière de droit au travail des personnes handicapées mentales privilégie largement l'accès au milieu ordinaire. Si elle est adaptée aux personnes possédant les capacités et l'autonomie requises, cette approche ne répond pas aux besoins des trois millions de personnes recensées en Europe accueillies aujourd'hui en milieu de travail protégé ou adapté".
Catherine Petillon

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