mardi 15 novembre 2011


09/11/2011
Jean-Marie Delarue

“Les droits de la défense doivent l’emporter sur les considérations budgétaires”

Le contrôleur général des prisons, Jean-Marie Delarue, s’inquiète du recours accru à la visioconférence dans les audiences de détenus. Il appelle les ministères de la Justice, de la Santé et de l’Intérieur à ne pas abuser de cette technique qui permet des économies.

Dans votre dernier avis (cliquez ici pour télécharger le document) sur l’usage de la visioconférence, en lieu et place des audiences physiques, vous pointez un usage accru du recours à cette technique. Qu’en est-il réellement ?
Toutes les prisons, sauf les plus anciennes, sont aujourd’hui équipées de salles de visioconférence. Les tribunaux de grande instance et les cours le sont également, tout comme un nombre de plus en plus important d’hôpitaux psychiatriques. Dans tous ces établissements, l’usage s’est accru, même si l’on ne dispose pas de chiffres détaillés quant au nombre et à la nature des audiences qui se font par ce moyen. On estime que la visioconférence représente environ 6 % des audiences, soit un peu plus que les 5 % fixés dans une circulaire du ministère de la Justice. Mais personne ne peut le certifier.

Le regrettez-vous ?
Je souhaite que les ministères concernés – Justice, Santé et Intérieur – étudient la question de près. Le recours à la visioconférence touche les lieux de privation de liberté pour étrangers, la procédure pénale – y compris l’exécution de la peine –, mais aussi les hôpitaux psychiatriques depuis la loi du 5 juillet 2011. C’est cette dernière extension qui va toucher des publics particulièrement vulnérables et qui nous a décidés à précipiter la publication de notre avis.

Le développement de la visioconférence est poussé par la nouvelle législation sur la psychiatrie et le besoin de faire des économies en limitant les extractions et transferts de détenus. Or vous notez dans votre avis que faire des économies n’est pas un motif suffisant…
Si je peux comprendre les exigences budgétaires amenant à une diminution des effectifs affectés aux extractions judiciaires, le droit fondamental de la défense doit l’emporter sur ces considérations. Je ne transigerai pas sur ce point. Diminuer le volume des extractions, d’accord, mais pas au point de méconnaître les droits de la défense.

Le législateur doit-il intervenir pour encadrer cette pratique ?
Il ne doit pas y avoir de visioconférence sans texte et c’est pourquoi il faut encadrer la visioconférence lors des demandes d’asile formulées par les étrangers faisant l’objet d’une mesure de rétention administrative. Sur le terrain, c’est à chaque président de juridiction ou responsable de centre de détention de décider dans quel cas la visioconférence peut être admise ou non, sur la base des principes, listés dans l’avis, et dont pourrait s’inspirer le législateur.

Propos recueillis par Xavier Sidaner

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