mercredi 9 novembre 2011


Les homicides conjugaux en France : bilan de l’année 2010

La délégation aux victimes du ministère de l’Intérieur vient de réaliser le bilan annuel (2010) des « morts violentes au sein du couple », à partir de l’exploitation des synthèses de police judiciaire transmises par les services de police et de gendarmerie, complétés le cas échéant par un dépouillement de la presse nationale et régionale. Par homicide conjugal, on entend ici les assassinats, les meurtres et les coups et blessures volontaires suivis de mort commis à l’encontre d’un conjoint, concubin, pacsé ou d’un « ex » dans ces trois catégories (pour autant qu’on le sache aux premiers stades des enquêtes). Cette étude importante et appréciable est réalisée depuis 2006 et les précédentes synthèse sont disponibles sur Internet. Nous nous sommes procuré ce document encore inédit concernant l’année 2010 et en livrons les principaux résultats pour lemonde.fr.

Mesure et caractéristiques du phénomène
En 2010, les services de police et de gendarmerie ont recensé 173 homicides conjugaux en France (métropole et outre-mer), ce qui représente un peu plus d’un cinquième (22 %) de l’ensemble des homicides. Entre un cinquième et un quart selon les années.
Les femmes constituent 84 % des victimes (146 personnes décédées) mais on relève aussi 28 hommes tués par leur compagne ou ex-compagne. En 2010, il n’y a pas de cas de couples homosexuels mais c’est arrivé les années précédentes. Il n’apparaît pas de tendance sur les 5 années, les chiffres variant un peu chaque année autour d’une stabilité globale (mais au sein d’un ensemble d’homicides qui ne cesse de baisser depuis un quart de siècle contrairement aux idées reçues).
Il s’agit dans la grande majorité des cas de meurtres et non d’assassinats, c’est-à-dire de violences non préméditées, survenues dans l’émotion du moment, émotion décuplée une fois sur deux par la consommation d’alcool, de stupéfiants et/ou de médicaments psychotropes. Selon les premières informations recueillies par les services de police et de gendarmerie, ces émotions ont été provoquées le plus souvent par 1) des situations de séparation (surtout pour les homicides commis par les hommes), 2) des disputes aux motifs divers, 3) de la jalousie, 4) l’état de maladie mentale d’au moins l’un des conjoints, 5) l’état de maladie grave (Alzheimer, parkinson, sclérose en plaques, tétraplégie, cancer...) ou de fin de vie d’au moins l’un des conjoints (avec, dans certains cas, un homicide que l’on peut en réalité rapprocher d’une forme d’euthanasie). Mais l’on voit que ces notions restent un peu floues.
Auteurs et victimes
Si tous les milieux sociaux sont concernés, il apparaît clairement que deux groupes sociaux sont surreprésentés parmi les auteurs d’homicides conjugaux : les chômeurs ou sans emploi (33% des cas) et les retraités (environ 30% des cas). On peut penser ici que cette absence d’activité créé inversement un huis clos conjugal quotidien qui exacerbe les conflits. Il est du reste fréquent (mais non chiffrable avec précision) que l’homicide conjugal soit une sorte d’aboutissement d’une situation de conflit et de violences répétées, parfois depuis des mois voire des années. Logiquement, ce crime est donc également un crime d’âge mûr voire d’âge avancé : l’essentiel se joue entre 30 et 60 ans. Un sixième des victimes avaient même plus de 70 ans, tandis que les jeunes de moins de 20 ans ne sont quasiment pas concernés par cette forme de criminalité.
Cette sorte de sédimentation conflictuelle et violente entre des hommes et des femmes particulièrement proches, la nature des émotions et des affects en jeu, permet aussi de comprendre une autre spécificité de ces crimes qui est l’importance de la proportion des auteurs qui se suicident ou tentent de se suicider après leur geste criminel. En 2010, ce sont 42 % des auteurs qui l’ont fait (dont presque un tiers qui s’est tué après avoir tué son conjoint).
Ajoutons enfin que des enfants peuvent également être concernés par ces homicides conjugaux, soit qu’ils en soient victimes également au passage (5 cas en 2010), soit plus fréquemment qu’ils aient été témoins des meurtres (16 cas en 2010). 
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Illustration : queen_maude_first - flickr - licence cc

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