jeudi 13 octobre 2011

Lundi 10 octobre 2011
Mont-de-Marsan

Prise en charge à haut risque

La première fugue d'un détenu admis dans le pavillon psychiatrique spécialisé de Sainte-Anne a ouvert le débat de sa sécurité. Le personnel est sous tension.

Prise en charge à haut risque

Quoi qu'on en dise, quoi qu'on en pense, l'évasion d'un détenu est toujours traumatisante. Et elle l'est d'autant plus lorsque ce dernier, comme ce fut le cas mercredi dernier (1), s'enfuit d'une unité psychiatrique.

L'inauguration il y a un an et demi d'un service spécialisé au sein de l'enceinte Sainte-Anne, à Mont-de-Marsan, devait permettre de limiter ces risques. L'objectif a-t-il été atteint ? La première fugue de l'un des patients (lire par ailleurs) a rouvert, en tout cas, le débat de la sécurité qui entoure les hospitalisations des détenus et des prévenus de la prison de Pémégnan.

La problématique n'est pas nouvelle. Elle avait encore refait surface lors de l'évasion de deux autres détenus en février 2010. Les soignants, « sous tension », dénonçaient à l'époque « des moyens inadaptés ». Force est de constater que le dispositif « sécurisé » mis en place par le centre hospitalier Layné n'a pas réglé tous les problèmes.

Alors certes, c'est quand même mieux que si c'était pire. Mieux qu'avant en tout cas. Dans l'esprit du directeur général de l'hôpital public, l'existence de ces six chambres est même « une grande chance » pour Mont-de-Marsan. Alain Sœur s'était d'ailleurs vivement battu auprès du ministère de la Santé pour obtenir l'enveloppe de 1,4 million d'euros nécessaires à son aménagement.

Le personnel soignant, lui, est nettement moins enthousiaste.

En première ligne
Avec ou sans cette unité spécialisée, infirmiers, aides-soignants et agents de service sont toujours en première ligne. Et la simple vue des barreaux malmenés de chacune des six fenêtres réservées aux détenus suffit à comprendre que la tâche n'est pas facile.

Chacun avec ses mots, les représentants majoritaires du personnel que sont la CGT et le syndicat SUD dénoncent « des problèmes récurrents de manque de personnel, particulièrement à Sainte-Anne ». Ils évoquent également « des défaillances techniques signalées depuis plusieurs mois » (fuite de la climatisation dans les faux plafonds, dysfonctionnement de l'alarme, etc.). Bref, pour les deux syndicats, cela ne fait aucun doute, « la direction a une part de responsabilité dans ce qu'il s'est passé ».

Le directeur, qui a reconnu dans ces mêmes colonnes vendredi qu'il y avait des « failles à corriger », rappelle de son côté que la mise en place de cette unité « hors norme » avait été étudiée par des représentants de la santé, de la police et de l'univers pénitentiaire. Qu'il l'avait fait évoluer régulièrement. Et que « grâce à cet outil, l'hôpital Layné est mieux loti que les autres hôpitaux pour assumer la responsabilité de la prise en charge des détenus ».

La chose n'est pas ou peu contestée, mais dans les services de Sainte-Anne « seul le soutien entre collègues permet de tenir le coup », assure la voix du syndicat SUD, Jean-Jacques Richard. Chaque agression ou tentative d'évasion ajoute un peu de tension, de crainte, d'anxiété. L'image, pourtant lointaine, de ce détenu qui avait fabriqué une arme de poing avec une lame de rasoir et une brosse à dents est encore présente dans tous les esprits. Un très mauvais souvenir…

Le représentant CGT, Nicolas Bordes, précise à ce sujet qu'une réunion organisée la veille de la fugue avait mis en évidence « une fatigue générale des soignants et une crainte particulière dans ce pavillon qui accueille les détenus mais aussi des personnes hospitalisées sous contrainte, dont certains criminels jugés irresponsables ». Cette tension se fait d'autant plus forte la nuit lorsque l'unité du pavillon « sécurisé » n'est plus protégée que par un seul soignant. Et c'était justement le cas mercredi dernier.

Une lourde responsabilité
« Le problème en psychiatrie, c'est que contrairement à la médecine générale où les détenus sont gardés par les forces de police, les soignants ont la double responsabilité de leur santé et de leur garde, reconnaît Alain Sœur. Mais l'hôpital ne sera jamais une prison, ce n'est pas sa vocation, et heureusement. »

L'ouverture prévue d'une Unité interrégionale d'hospitalisation spécialement aménagée de 40 lits, à Cadillac, en Gironde, pourrait changer la donne. « Pour ma part je reste très attaché au fait que cette unité puisse se maintenir ici, à Mont-de-Marsan, car c'est un dispositif de proximité qui répond à un vrai besoin », insiste néanmoins le directeur.

Aujourd'hui à Mont-de-Marsan ou demain à Cadillac, la vraie question demeure sans doute celle formulée par l'infirmier CGT de Sainte-Anne, Nicolas Bordes : « Est-ce vraiment à nous, soignants, de nous adapter pour accueillir à l'hôpital ce type de population ? »

Et cette phrase qui résonne à nouveau. « Si tu veux t'évader, il faut que tu passes par Sainte-Anne… » « Ils se passent le mot, ils nous le disent », assure Nicolas Bordes.
(1) Le fugitif qui faisait l'objet d'un mandat de recherche national a été rattrapé après un vol, vendredi, à Bordeaux. Il a été incarcéré au centre pénitentiaire de Gradignan.

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