samedi 16 juillet 2011

Vie et mort secrètes du fils "schizophrène" du chef historique des communistes italiens


ROME CORRESPONDANT -
C
'est une histoire triste comme la fin des illusions. Aldo Togliatti, le fils du leader historique du Parti communiste italien (PCI), Palmiro Togliatti (1893-1964), est mort samedi 9 juillet dans une clinique psychiatrique de Modène (Emilie-Romagne). Il avait 86 ans, fumait comme un pompier, faisait des mots croisés et des parties d'échecs en solitaire. De la trop lourde hérédité de son père, surnommé "le meilleur", il n'avait que les traits physiques. "C'était le portrait de son père, écrit Miriam Mafai dans Botteghe oscure, addio (Mondadori, 1996), mais avec plus d'incertitude dans le regard, plus d'hésitation dans la démarche, quelque chose d'irréparablement vacillant."

Son décès, qui n'a été annoncé par la famille qu'après les obsèques, aurait pu passer inaperçu. Interné depuis 1980, Aldo Togliatti n'a été longtemps qu'un prénom sur une fiche d'admission. Il a fallu une enquête du journal La Gazzetta di Modena, en 1992, pour révéler l'identité de ce pensionnaire à qui un cadre local du PCI rendait visite une fois par semaine.


Né le 29 juin 1925, Aldo passa sa jeunesse en exil. Il découvre Moscou et le sinistre Hôtel Lux, le quartier général du Komintern, où sont hébergés les dignitaires des partis frères en exil. En 1937, ses parents le délaissent pendant trois ans lors de la guerre d'Espagne. Ses lettres, alors, témoignent d'un profond désarroi. A l'école, il fréquente les enfants de Mao, de Tito et de Dolores Ibarruri Gomez, connue sous le nom de la Pasionaria.


Diplômé en ingénierie, il rentre en Italie à la fin de la guerre, en 1945. Un autre événement l'accable. Ses parents se séparent, et Palmiro s'en va vivre avec Nilde Lotti, future présidente de l'Assemblée. Aldo reste avec sa mère, Rita Montagnana, et s'enferme peu à peu dans la lecture. "Il a lu beaucoup plus de livres que moi, disait son père. Mais je ne réussis pas à le comprendre."


Parfois, il fugue. En 1950, on le retrouve au port de Civitavecchia, où il prie un marin hollandais de le prendre à bord. Une autre fois, c'est au Havre qu'il cherche à s'embarquer pour fuir les souvenirs des nuits hantées de l'Hôtel Lux. A la mort de sa mère, en 1979, la santé mentale d'Aldo s'altère. Les psychiatres diagnostiquent une "schizophrénie avec tendances autistiques". Un an plus tard, il entre à la clinique Villa Igea, d'où il ne ressortira plus. Dans ses Mémoires, Massimo Caprara, le secrétaire de Palmiro Togliatti, se souvient d'une visite à Prague avec Aldo : "Je n'ai pas l'impression qu'il ait été communiste", écrira-t-il.
Philippe Ridet

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