vendredi 8 juillet 2011

L'hôpital public va-t-il dans le mur ?

Critiques. Quatre professionnels de santé livrent leurs impressions sur la fragilité du système français.

Martine Schachtel

"L'hôpital public est mal parti. Il se déshumanise."
Cadre de santé à l'hôpital européen Georges-Pompidou à Paris, cette infirmière est sur le point de prendre sa retraite. Elle vient d'écrire L'hôpital à la dérive (1).
"L'hôpital public est mal parti, il va dans le mur. J'ai accompagné son évolution : les compétences du personnel se sont accrues, les équipements médicaux se sont extraordinairement perfectionnés. Mais, paradoxalement, il se déshumanise. 

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Pr Bernard Devauchelle
"L'hôpital public n'a aucune raison de s'effondrer. C'est une question de volonté et d'hommes."
Mondialement célèbre pour avoir réalisé la première greffe de la face, le Pr Bernard Devauchelle dirige au CHU d'Amiens un service de chirurgie.
"L'hôpital public n'a aucune raison de s'effondrer dès lors qu'il est capable de donner les moyens à ses équipes d'innover et d'accomplir des progrès médicaux. Je suis plutôt optimiste. L'hôpital, c'est avant tout des hommes et des femmes. Certes, la contrainte budgétaire est importante. Certes, il y a un environnement réglementaire lourd et parfois pesant. Certes, l'esprit de certains médecins se fonctionnarise dans le mauvais sens du terme. Mais je n'ai rien contre les fonctionnaires, au contraire, je suis l'un des leurs, nous avons le sens de la gratuité et de la générosité et, tant que les équipes hospitalières garderont cette foi, l'hôpital sera capable de s'en sortir.

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Françoise Lalande
"Les problèmes financiers ne jouent qu'un rôle secondaire."
Inspectrice générale des affaires sociales, Françoise Lalande, médecin, a une longue expérience des missions d'enquête dans des établissements où se sont produits des accidents médicaux. Son témoignage étonnant a été recueilli au printemps dernier lors de son audition par une commission parlementaire.

"Les établissements de santé confrontés à des accidents ou à des dysfonctionnements réagissent toujours de la même façon : ils les imputent à une insuffisance de leurs moyens. Notre analyse montre au contraire qu'il en est rarement ainsi. La pertinence des soins peut se définir comme leur adéquation aux besoins des patients (...). La Haute Autorité de santé a identifié quatre causes principales de non-pertinence : c'est d'abord la mauvaise organisation des soins, qui se traduit, par exemple, par des temps d'attente excessifs aux urgences. Ce sont ensuite des décisions médicales inadéquates, comme des prescriptions abusives (...). Une troisième cause tient aux patients ou à leur entourage : ainsi, ce dernier peut provoquer le placement en hôpital psychiatrique de personnes âgées ou handicapées souffrant de simples troubles du comportement, qui pourraient y côtoyer des malades dangereux. Enfin, la dernière cause est le manque de structures relais, notamment pour le maintien à domicile ou pour la réadaptation. Les problèmes financiers, en revanche, ne jouent qu'un rôle secondaire.

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Alain-Michel Ceretti
"Ceux qui peuvent payer doivent payer plus."
Fondateur du Lien, association de lutte contre les infections nosocomiales, Alain-Michel Ceretti dirige aujourd'hui le Pôle santé et sécurité des soins auprès du Médiateur de la République.
"Je voyage beaucoup à l'étranger. La France y est enviée pour son système de santé, et en particulier ses hôpitaux. La démarche de gestion du risque dans nos établissements de santé a beaucoup progressé et est très avancée, en particulier en matière d'infections nosocomiales. La grande difficulté qui demeure, dans notre pays comme à l'étranger, c'est le caractère artisanal du mode de fonctionnement des médecins. Comme on peine à inculquer que le soin s'inscrit dans une démarche d'équipe et non dans celle d'un seul homme, on continue à enregistrer des incidents et des accidents médicaux. On les attribue pudiquement à des défauts d'organisation.

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Dossier réalisé par François Malye et Jérôme Vincent

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