samedi 7 mai 2011

Psychiatrie aux armées
Publié le 06/05/2011

Si vraiment (selon le célèbre adage paradoxal de Georges Clemenceau), ‘‘La guerre est une chose trop sérieuse pour la confier à des militaires’’, les médecins aux armées peuvent du moins tenter d’en minimiser les conséquences fâcheuses sur la santé mentale des intéressés en organisant un dépistage préventif des sujets à risque, afin de ne pas envoyer des sujets fragiles au front. Mais dans le passé, explique l’éditorialiste de The American Journal of Psychiatry, ce dépistage a souvent échoué dans la prévision d’une vulnérabilité psychiatrique accrue à l’épreuve du feu.

Ce problème préoccupe donc les autorités des États-Unis qui s’efforcent d’optimiser cette dimension préventive de la médecine militaire, pour réduire chez leurs soldats (déployés actuellement en Irak et en Afghanistan) des séquelles prévisibles, trop connues lors des autres conflits, comme le fameux trouble de stress post-traumatique (post-traumatic stress disorder ou PTSD [1]). Craignant l’implication éventuelle de soldats « mentalement inaptes » (mentally unfit soldiers) dans les combats, le Congrès a incité le Ministère de la Défense à promouvoir une ambitieuse politique de prévention spécifiant des critères d’aptitude sélectifs, avant tout déploiement de militaires sur un théâtre d’opérations. En particulier, l’engagement en mission extérieure est désormais incompatible avec la notion d’antécédents psychotiques ou bipolaires, ou l’existence de traitements psychotropes (notamment le lithium).

Ce dépistage préalable à l’engagement (mental health screening) est maintenant réalisé sur une grande échelle par les forces armées américaines : pour 2010, les données officielles évoquent ainsi « 12 000 à 110 000 évaluations de santé (mentale) par mois, et en moyenne (près de) 35 000. » Et les résultats sont probants : chez les personnels servant en Irak, par exemple, on a observé « une réduction de 29 % » des réactions aux stress des combats dans trois brigades d’infanterie où ce dépistage avait été effectué au préalable, comparativement à trois autres brigades où il n’avait pas été réalisé.


Dr Alain Cohen

Hsiao-Rei Hicks M : Mental health screening and coordination of care for soldiers deployed to Iraq and Afghanistan » Am J Psychiatry, 2011; 168-4: 341-343.

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