mercredi 25 mai 2011

Comment la Sécu veut mobiliser les médecins généralistes pour lutter contre les inégalités de santé

Lors de la seconde réunion conventionnelle, l’Assurance-maladie a présenté aux représentants des syndicats de médecins libéraux ses idées pour réduire les inégalités de santé. Paiement à la performance, éducation thérapeutique et ciblage de certains territoires pourraient ainsi prendre place dans la nouvelle convention.

Les médecins généralistes peuvent agir sur les inégalités de santé? L’Assurance maladie pense que oui. La semaine dernière, lors de la seconde réunion de négociation en vue de la prochaine convention médicale, l’Assurance-maladie s’est livrée à un long rappel des notions bien établies en commençant par l’indicateur de l’espérance de vie à 35 ans : 47 ans pour un cadre dont 34 sans aucune incapacité ; 41 ans pour un ouvrier dont 24 sans aucune incapacité. De même, entre 35 et 64 ans, la mortalité est 2,5 fois plus importante entre un homme non diplômé et un homme qui a fait des études supérieures. Or, c’est le « cancer qui contribue le plus fortement aux inégalités de mortalité selon le niveau d’éducation, notamment pour les hommes » note la CNAMTS.


Autre indicateur : la mortalité prématurée varie de 1 à 1,5 selon les départements. Or, toutes ces inégalités ont plutôt tendance à se creuser. Par exemple, la mortalité par maladies coronariennes a diminué de 32 % entre 1970 et 1990, de 47 % chez les cadres et les professions libérales mais seulement de 14 % chez les ouvriers et les employés. « On considère que les déterminants des inégalités de santé se jouent bien en amont du système de soins, » admet la CNAMTS. Expositions aux risques professionnels et habitudes de vie sont d’abord en cause. Pour autant, « il ne faudrait pas en conclure trop rapidement que le système de santé ne joue aucun rôle, insiste la CNAMTS. Tout d’abord le système joue déjà un rôle par la solvabilisation des soins qu’il organise. Cependant, les services de soins peuvent, dans certains cas, ne pas corriger ou même amplifier les inégalités ». Le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont mis en place des politiques visant explicitement la réduction des inégalités de santé qui dans les deux cas utilisent comme levier le renforcement des soins primaires. C’est visiblement de ces deux exemples que Frédéric van Roekeghem voudrait s’inspirer.

Discrimination positive ?

Après ces longs préliminaires, le directeur de l’Uncam a commencé à exposer aux partenaires conventionnels ses « pistes de réflexion » sur le rôle des médecins libéraux dans la réduction des inégalités de santé s’offrant au passage un petit plaidoyer pro domo. « Le médecin traitant est le premier élément de réponse en ajoutant la dimension population à la relation individuelle médecin malade » estime Frédéric van Roekeghem. Le CAPI « qui promeut une démarche pro-active pour atteindre des résultats en population participe aussi de cette évolution, » a-t-il aussi risqué devant les syndicats qui avaient été unanimement réticents devant cette forme de contractualisation individuelle. Enfin, les « politiques menées pour maintenir une offre de soins dans les zones défavorisées constituent un autre axe » ajoute-t-il, même si lors de la même réunion il a admis le résultat plutôt maigre de l’avenant 20 (le bonus de rémunération en zones défictaires) avec un apport net de l’ordre de 50 médecins pour un coût total estimé à 19,7 millions d’euros.


Aujourd’hui, pour aller plus loin, l’Assurance maladie voudrait « renforcer le paiement à la performance avec des thèmes dont on sait qu’ils sont importants en termes d’impact sur la santé ». Lors de la précédente convention, l’idée avait déjà circulé de permettre aux généralistes de coter un acte technique pour un frottis en plus de la consultation afin d’inciter ces praticiens à en faire davantage. En revanche, l’hypothèse de centrer certains objectifs sur les populations défavorisées semble difficile à mettre en oeuvre de l’aveu même de l’Assurance maladie : peu d’indicateurs, concentration sur certaines zones et certains médecins et risque de stigmatisation. Mais, l’Assurance maladie imagine de « cibler des territoires pour y développer des actions particulières » en proposant aux généralistes d’avoir une action spécifique dans ces zones, en incitant à un travail pluridisciplinaire ou en favorisant l’éducation thérapeutique.
Véronique Hunsinger

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