dimanche 8 mai 2011

Chronique d’une mort annoncée

« Au XVIIe siècle, les médecins étaient des domestiques, aujourd'hui il faut qu'ils le redeviennent… » C'est ce qu'on peut entendre de certains orateurs exerçant à Sciences Po ou à l'ENA.

Dans le Courrier de l'Ouest du 26 janvier, on peut lire que les subventions pour le maintien du CAPS ne sont pas renouvelées, et que donc le système de garde mis en place par les médecins généralistes dans le cadre de la PDS, ne semble pas être une priorité pour nos organismes de tutelle. Cette situation créée donc un préjudice pour l'accès aux soins des malades.


En dernière page, on peut lire aussi dans un autre article que 99 % des gens interrogés se disent satisfaits des recommandations délivrées par les pharmaciens, et que ceux-ci souhaitent mettre en place « un coin enfant ». Ce sera un espace où seront délivrées des recommandations sur les vaccinations, l'alimentation, la prévention,…


Dans le même journal, le lendemain, on parle des IDE qui sont au contact des patients âgés déments pour finir par : « Ils vont toujours voir leur neurologue une fois par mois, ainsi que leur guérisseur en qui ils ont confiance ».


Enfin, dans le Quotidien du médecin de la même journée, on relate le fait que les agressions vis-à-vis des médecins généralistes ont augmenté de 20% en 2010.


Au total de la petite enfance aux personnes âgées le médecin généraliste est étrangement absent du paysage médiatique. On ne s étonnera donc pas de voir nos jeunes médecins déserter une profession aussi mal considérée et agressée dans la pratique de son art. Absent des médias, bientôt absent dans les esprits mais aussi sur le terrain, notre société a oublié que les médecins généralistes (homme de terrain, au contact de la population, souvent médecin urgentiste (médecin de SP), coordonnateur de maison de retraite, vacataire sur les hôpitaux ruraux, actifs sur la mise en place de l'HAD, des réseaux de soins palliatifs et gérontologiques, SIAD, addictologie, maître de stage pour étudiant en médecine … et j'en oublie), ont perdu leur identité dans la société d'aujourd'hui. Leur activité au quotidien est si lourde qu'ils ont oublié, ou non pas le temps de communiquer auprès de leurs instances , parce que leur priorité est d'être au service des malades. Il est vrai que notre profession s'est "dispersée", en acceptant, cautionnant et finançant même des médecines dites parallèles par exemple, certes présentant parfois un intérêt mais loin des préoccupations de santé publique et plutôt centré sur l'individualité. D'où la difficulté de mettre en place des politiques de préventions cohérentes de dépistage (cf la prise en charge de la vaccination antigrippale de 2010 où les MG ont été"évincés").


Nos organismes de tutelle et nos politiques ont participé à ce déclin par manque de soutien. Aujourd'hui, en urgence, on nous demande même de participer à des audits que nous devons nous-même financer !


Devant ce constat affligeant, si la profession ne prend pas la mesure des difficultés présentes, en se rassemblant autour d'un projet commun et cohérent, quelque soient les sensibilités syndicales ou autres. Si nos futurs successeurs (s'ils existent !) (les étudiants) ne s'impliquent pas dans une reforme originale, ils seront les « domestiques » d'une institution qui favorise la médecine hospitalière et institutionnelle. Onze sur douze de mes stagiaires ont cédé à cette activité où les responsabilités sont « diluées » et les horaires programmés.


Enfin, j'ose espérer que le pôle santé (où les pôles ) qui se créera à Doué-la-Fontaine répondra aux exigences d'une médecine générale dont la pratique va inévitablement changer. Il vaut mieux être les acteurs d'une réforme que les spectateurs d'un déclin de notre identité. Je serais le transmetteur de mes compétences et de mon expérience, mais il faut aller chercher nos successeurs dans les facultés auprès du département de MG, pour qu'ils s'impliquent dans la médecine qu'ils pratiqueront eux, demain.


Dr Philippe Babin
, Doué-La-Fontaine (Maine-et-Loire)

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