mercredi 6 avril 2011

Pour urbaniser les villes névrosées, faire un gros câlin

04/04/2011

Indus deuxURBANISME ABSURDE- Il psychanalyse les villes. Une vingtaine déjà couchées sur le divan, travaillées par l'absurde, et la poésie.  Marseille, Vierzon, ou Lille. "C'est comme une personne, à part qu'elles ont 1000, 1500 voire 2500 ans", note le pince sans rire Laurent Petit. L'un des huit commandements du psychanalyste urbain prévient : "L'analyse urbaine se fait toujours par tâtonnements successifs. Il faut donc que la ville accepte de se faire tâter un peu partout".  Exposition des trouvailles issues de l'exploration tactile des citadines névrosées,  à la maison folie de Wazemmes, à Lille, et conférence demain soir au Prato. Cela s'appelle Youpi Yeah, parce que l'urbanisme psychanalysé sera résolument joyeux.

La psychanalyse commence, comme attendue, par une prise de position horizontale... sur des transats. L'habitant de la ville auscultée est prié de s'allonger là, et de remplir un "questionnaire chinois". Si la ville était un animal, un fruit, si la ville a une qualité, même une seule... et qu'est-ce qui lui ferait plaisir pour son anniversaire, à la ville ? "Nous voulons déclencher un élan poétique", frime le conférencier, Laurent Petit, grand dans sa blouse blanche. "Sinon, on nous parle de crottes de chien et de problèmes d'insécurité, ce qui ne nous intéresse pas."

Aux murs, les plans de cadastre de Wattrelos. "La ville a une forme de lapin", note-t-il. Lecteurs, nous vous le confirmons, c'est vrai. "Le lapin, c''est signe de fécondité. Wattrelos a justement connu les vagues d'immigration belge qui sont venues peupler Roubaix et Tourcoing." Et puis tiens, comme on en parle de ces deux-là... Laurent Petit les scinde en syllabes : Tour/ et Rou(e)/, des "symboles du travail", affirme-t-il. Et /coing et /baix ? Des fruits, bien sûr. Donc deux villes nées du fruit de leur labeur... CQFD. Avec cependant une toute petite hésitation sur le /baix de Roubaix, où on pourrait entendre un "Bêêêê" de mouton, référence au passé lainier de la cité textile.


Et c'est comme ça que l'ANPU, agence nationale de psychanalyse urbaine, dissèque les âmes de nos villes "polytraumatisées", avec des "centres d'affaires phalliques" inquiétants, un "trafic automobile asphyxiant" et des tristes friches industrielles. Car les cités ont bien du mal à faire face au lourd deuil de leur passé industriel, d'où la nécessité de consoler les grands ensembles urbains désolés, avec de gros câlins (voir photo). L'Agence se bat contre la mainmise du Monopoly : "les enfants croient que l'urbanisme se fait à coups d'argent, alors que plutôt que de parler de spéculation immobilière, il faudrait parler d'imaginaire". Justement, elle imagine, aussi, des solutions. Notre préférée : l'AAAH (à pousser comme un cri de soulagement), l'Autoroute astucieusement aménagée en habitation. Le calcul est simple : si on construit des immeubles sur l'emprise foncière des autoroutes, on peut y caser deux millions d'appartements de 100m2. Si on compte trois personnes par appartement, "on loge l'équivalent de la population française sans toucher à la campagne". Simple comme crier Youpi Yeah.

Stéphanie Maurice

Youpi Yeah jusqu'au 15 mai. Entrée libre, à la maison folie de Wazemmes, 70 rue des Sarrasins.
Conférence World Analysis, le 5 avril à 20h au Prato, 6 allée de la Filature, à Lille. De 5 à 17 euros.

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