mercredi 27 avril 2011

A Paris, trois cents parents désemparés et un psy pour leur répondre

25.04.11


Lundi 4 avril, 20 h 20. Lycée privé Saint-Michel de Picpus, à Paris. Des dizaines de parents ont investi le hall. Les réseaux sociaux sont sur toutes les lèvres. "Mes filles de 12 et 15 ans sont sur Facebook. J'ai l'impression qu'elles s'exposent trop, témoigne Valérie. Je ne maîtrise pas ce réseau, d'où ma présence ce soir." Avant même d'avoir démarré, la réunion "Les réseaux sociaux, 6 milliards d'amis chez vous" organisée par l'Association parents d'élèves de l'enseignement libre (APEL) est un succès d'audience : à 20 h 30 pétantes, près de 300 parents investissent le grand amphi. "Facebook est arrivé dans la vie des familles en deux ans, explique l'organisatrice Brigitte Thierry. En tant que parents, nous sommes un peu désemparés."
Puis débutent les interventions. Thomas Rohmer, président de l'agence Calysto, spécialisée dans les usages du Web, aligne des chiffres dans un silence religieux : à peine 3 enfants sur 10 discutent avec leurs parents de ce qu'ils font sur Internet et 75 % des plus de 13 ans ont un compte sur Facebook.

C'est au tour du psychiatre et psychanalyste Serge Tisseron d'intervenir. Il énumère les trois messages fondamentaux à transmettre aux enfants : sur Internet, tout peut tomber dans le domaine public, rien ne s'oublie et tout est sujet à caution. Pères et mères, trop heureux d'avoir une information concrète, copient soigneusement ces maximes.

Thomas Rohmer invite les parents à lire à leurs enfants les conditions d'utilisation de Facebook. On y apprend que le réseau mondial exploite les données personnelles à des fins publicitaires. Un père prend la parole : "Quels sont les recours pour enlever des photos personnelles mises par d'autres personnes ?" La question restera sans réponse. "J'utilise Facebook comme mes enfants, explique un autre. Je suis allé voir une page sur La Vache qui rit et l'on m'a demandé d'être ami avec elle. Je ne comprends pas pourquoi Facebook me pose de telles questions."

"Je n'y comprends rien"

Anne-Sophie Bordry, directrice des affaires publiques de Facebook, rectifie : "On ne vous a pas demandé d'être "ami", mais "fan"." Elle conteste l'utilisation abusive des données personnelles et explique que, à l'inverse des programmes de fidélité des grands magasins qui savent tout de nous, Facebook utilise un "agrégateur anonyme de données", et les publicités y sont ciblées. Dans l'assemblée, une dame murmure : "Je n'y comprends rien." Serge Tisseron réintervient. "On peut tout de même se poser la question : les services que m'apporte Facebook valent-ils la peine de donner des informations intimes me concernant ? Il n'y a pas à accepter d'être pisté." Salve d'applaudissements.

Les questions s'enchaînent. "Quels sont les rapports de Facebook avec la CNIL ?""Combien de comptes sont fermés chaque année en France ?" Anne-Sophie Bordy ignore cette information. Le père insiste. "La transparence serait de pouvoir quantifier cela." Une question fuse : "Ma fille accède à Facebook par son téléphone portable. Doit-on vivre avec ces 150 amis dans la poche, à table ?" Rires.

Il est 23 h 30. La réunion se termine et plusieurs mains sont encore levées. Dehors, la mère d'une élève de 12 ans est dépitée. "On est passé à côté du sujet, estime-t-elle. Je ne suis pas une mère sévère, mais il faut tout de même donner des limites. Si l'on ne veut pas que les enfants s'éternisent sur l'ordinateur, on n'en met pas un à disposition tout le temps. Et on limite le téléphone. J'ai eu l'impression de voir une assemblée de parents dépassés."

Le seront-ils moins avec la campagne lancée par la Ville de Paris ? Des professionnels vont débattre avec les parents de la place des écrans dans la vie de leurs enfants et "accompagner les familles dans une réflexion sur les positionnements éducatifs les plus adaptés".
Laure Belot


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