dimanche 3 avril 2011

L'Ile-de-France, une région riche mais touchée par de fortes inégalités de santé


I
l faut se méfier des bons résultats. Certes, l'Ile-de-France affiche un meilleur état de santé de sa population que la moyenne nationale et bénéficie d'une offre de soins très développée. Mais à y regarder de près, le tableau n'est pas si bon. "Les fortes inégalités de santé dans la région n'avaient jamais vraiment été mises en évidence. Il y a des réalités qu'on ne peut plus ignorer", relève le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS), l'ancien ministre socialiste Claude Evin.

Créée il y tout juste un an, l'ARS d'Ile-de-France s'est consacrée à dresser un bilan minutieux de la situation sanitaire. Elle devait présenter son diagnostic et ses futures priorités, mercredi 30 mars, à la conférence régionale de la santé et de l'autonomie, où siègent les représentants des professionnels de santé et des usagers. "La caractéristique la plus préoccupante du paysage sanitaire francilien tient à l'importance des disparités de santé sur le territoire", relève son plan stratégique de santé, soumis à la consultation.

Dans cette région où cadres et professions intellectuelles sont surreprésentés, l'état de santé de la population est loin d'être homogène. Ici comme ailleurs, les inégalités sociales et de santé sont fortement liées. Ainsi, on vit en moyenne deux ans de plus dans les Hauts-de-Seine qu'en Seine-Saint-Denis. D'une commune à l'autre, parfois au sein d'un même département, l'espérance de vie peut varier de sept ans. D'où l'importance pour l'ARS de dresser des constats territoire par territoire, pour ensuite adapter les moyens, notamment en prévention, aux besoins. En bref, de faire du "sur-mesure", comme le dit Claude Evin.

Dans la région, les points noirs sont nombreux. Globalement, les indicateurs de santé sont au-dessus de la moyenne nationale. Mais on constate par exemple un plus fort taux de cancer des femmes et de mortalité infantile, alors que, sur ce point, le taux régional a longtemps figuré parmi les plus bas de France. La prévalence des pathologies infectieuses (VIH, tuberculose) y est aussi plus forte.

Si la région est riche et dynamique, une grande part de sa population est cependant très vulnérable (travailleurs pauvres, migrants, familles monoparentales...). En outre, le mode de vie de nombreux Franciliens est le facteur d'une santé dégradée : exposition aux nuisances sonores et à la pollution de l'air, surtout à Paris et dans la petite couronne, logements insalubres... Le temps de transport entre le domicile et le travail est aussi plus long dans la région parisienne que dans les autres, une heure et demie en moyenne, ce qui accroît le stress et la fatigue. En outre, les enfants y sont davantage touchés par l'obésité et le surpoids qu'en province.

L'ARS a aussi analysé la situation selon certaines pathologies. Ainsi, pour le cancer, les situations sont très disparates, avec, par exemple, une surmortalité par rapport à la moyenne régionale dans le Val-d'Oise, la Seine-et-Marne et la Seine-Saint-Denis. Pour ce dernier département, l'ARS évoque un problème d'insuffisance d'accès aux soins et de diagnostics tardifs.

Les inégalités sont tout aussi flagrantes en matière d'offre de soins, une donnée d'ailleurs corrélée, zone par zone, à l'état de santé de la population. Cette offre est "abondante mais complexe et souvent déséquilibrée", juge l'ARS.

C'est en matière de soins de ville que les problèmes sont les plus criants et pourraient s'accentuer. L'Ile-de-France est certes la région la mieux dotée en médecins, après Provence-Alpes-Côte d'Azur. Mais il s'agit surtout de spécialistes, qui sont très mal répartis sur le territoire - dans certaines communes, il n'y en a aucun.

L'offre de médecine générale, elle, est encore plus fragile, avec une densité très inégale. Paris compte ainsi 119 médecins généralistes pour 100 000 habitants, contre seulement 69,8 en Seine-Saint-Denis. En outre, l'Ile-de-France doit faire face à deux phénomènes croissants : beaucoup de généralistes se sont spécialisés, par exemple en homéopathie ou en acupuncture. Et parmi les médecins libéraux, la proportion de ceux pratiquant des dépassements d'honoraires est plus forte qu'ailleurs. Ce qui constitue une autre limite à l'accès aux soins, notamment pour les ménages les plus modestes.

Il n'y a pas que les médecins : c'est toute l'offre de premier recours qui inquiète l'ARS. Dans certaines zones, la trop faible présence des professionnels paramédicaux installés en libéral, surtout les kinésithérapeutes et les infirmières, pose problème, notamment pour le suivi des personnes âgées restant à domicile. Or cette population devrait s'accroître dans les prochaines années, alors que la région est sous-dotée en maisons de retraite, comme elle l'est également en structures d'accueil des personnes handicapées.

Il y a donc beaucoup à faire pour mieux répartir l'offre de soins et toucher plus facilement les populations fragiles. Outre les soins de ville, il faut aussi se pencher sur l'offre hospitalière qui, du fait du poids de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, est concentrée sur la capitale. "A l'heure du Grand Paris, il va falloir poursuivre le rééquilibrage hospitalier entre capitale et périphérie", estime M. Evin.
Laetitia Clavreul

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