dimanche 30 janvier 2011

Un généraliste lutte contre les claques et les fessées

À Romainville, en Seine-Saint-Denis, un généraliste a lancé une campagne d’information en partenariat avec la « maison des parents » afin de dissuader les parents de donner des coups aux enfants. Des « violences ordinaires » banalisées mais réelles, selon lui.

Jusqu’à 80 % des parents frapperaient leurs enfants : 50 % régulièrement et 30 % rarement. Lorsque le Dr Gilles Lazimi évoque ces chiffres, il pense d’abord aux familles dont il est le médecin. Dans sa ville de Romainville, où il exerce depuis près de vingt-cinq ans, d’abord en libéral puis au centre médico-social, il vient de lancer une campagne d’information afin d’inciter les parents à « élever leurs enfants sans violence ». Une vingtaine de grandes affiches-120 sur 160 cm- sont actuellement disposées dans la commune. Et tous les lieux d’accueil de la municipalité ont également accroché des affiches, en format plus réduit, dans leurs locaux.

Elles montrent des ours en peluche abîmés qui représentent les enfants victimes de coups de leurs parents. Il ne s’agit pas forcément de maltraitance au sens pénal mais plutôt de « violences ordinaires » : des tapes sur les mains, des claques, des fessées mais également des remarques ou des punitions humiliantes. Tout ce que ce généraliste de Seine-Saint-Denis, ancien militant de la lutte contre les violences (il fut notamment en 2006 le coordinateur de la campagne télévisée contre les « violences faites aux femmes ») veut dénoncer. La campagne d’affichage, réalisée avec le soutien de la Fondation pour l’Enfance, est accompagnée d’une série de conférences, autour de la « maison des parents » de Romainville. La première a été animée par une généraliste à la retraite, Jacqueline Cornet, fondatrice et présidente de l’association « Ni claques, ni fessées ».

Cette dernière a notamment étudié les parcours des adolescents victimes d’accidents de la route. Les jeunes issus des familles les plus autoritaires et donneuses de coups prennent davantage de risque et sont plus souvent blessés dans des accidents de la circulation, selon ces travaux. Pour le Dr Lazimi, cette étude n’en est qu’une parmi tous les travaux scientifiques qui démontrent que les coups fragilisent les enfants sur le plan psychologique et physique. « Une étude menée à Hong Kong suggère que les anciens enfants frappés souffrent davantage de maladie inflammatoire à l’âge adulte », insiste ce généraliste de Romainville.

Les médecins semblent encore peu familiers de ces problématiques. Actuellement, 1 % des enfants font l’objet d’un signalement pour maltraitance. Or seulement, un signalement sur vingt est fait par un médecin. « Entre la violence ordinaire et la maltraitance, la frontière est parfois tenue », remarque le Dr Lazimi. Le passage de l’un à l’autre n’est heureusement pas systématique mais on ne peut jamais l’exclure.

Il reste néanmoins toujours difficile pour un médecin, fût-t-il « de famille », de s’immiscer dans les relations entre les parents et les enfants. Le Dr Lazimi dit qu’il ne « faut jamais demander directement à un parent s’il donne des coups à son enfant, » mais qu’on peut « distiller des petites choses » au cours d’une consultation. Ainsi, lorsqu’un très jeune enfant pleure pendant qu’il est examiné, « le médecin peut aborder la question des pleurs et commencer par rappeler à la jeune mère que c’est un comportement tout à fait normal chez un tout-petit » conseille le Dr Lazimi. La consultation permet également d’observer le comportement des parents. Quand un enfant court dans le cabinet comment réagissent les parents ? Quelles expressions utilisent-ils pour parler de lui en sa présence ? « Quand une mère dit « c’est une peau de vache » ou « il m’a encore fait une fièvre », on peut la reprendre et engager le dialogue » estime ce généraliste qui rappelle inlassablement aux parents que « les coups n’ont jamais aidé à grandir ».
Véronique Hunsinger

www.niclaquesnifessees.org

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire