jeudi 6 janvier 2011

Retour vers le lithium
Publié le 30/12/2010   

La prévention des rechutes est le principal objectif dans les troubles bipolaires de type I (alternance d'épisodes maniaques et dépressifs). On dispose essentiellement pour ce faire de 3 armes thérapeutiques, le lithium, les anti-épileptiques au premier rang desquels se situent le valproate de sodium et les neuroleptiques de seconde génération.

Au fil des années, la part du lithium dans les prescriptions a très sensiblement diminué (des 3 quarts entre 1992 et 1999 aux Etats-Unis) tandis que celle du valproate était multipliée par près de 3. Ceci s’explique en partie par le fait que la plupart des recommandations privilégient aujourd’hui en première intention le valproate et conseillent le passage au valproate ou à une association lithium-valproate en cas de rechutes fréquentes sous lithium.

Cependant, malgré le long recul dont nous disposons avec ces médicaments, leurs indications en monothérapie ou en association ne sont pas étayées par des essais randomisés d’ampleurs et de durées suffisantes.

C’est pourquoi un groupe international indépendant a initié en 2001 l’étude BALANCE (pour Bipolar Affective disorder :Lithium/ANtiConvulsant Evaluation).

330 patients tolérant les deux traitements

Trois cent trente patients souffrant de trouble bipolaire de type I pour lesquels un traitement préventif des rechutes paraissait indiqué ont été inclus dans cet essai randomisé ouvert. La randomisation avait été précédée par une période de « run-in » de 4 à 8 semaines au cours de laquelle ont été sélectionnés des patients tolérant l’association lithium-valproate et observant correctement leur traitement (prise de plus de 70 % des médicaments prescrits). Ces malades ont alors été assignés au hasard à l’un des trois groupes suivants :

- lithium à une posologie permettant une concentration plasmatique entre 0,4 et 1 mmol/L (n=110),
- valproate à une posologie entre 750 et 1 250 mg/j (n=110),
- association lithium-valproate.

Le critère principal de jugement (validé par des observateurs ignorant le groupe auquel était assigné les patients) était la nécessité d’une intervention (modification thérapeutique ou hospitalisation) pour l’apparition d’un trouble de l’humeur (épisode maniaque ou dépressif). Le suivi a duré deux ans.

Une supériorité du lithium et de la bithérapie

Cinquante-quatre pour cent des patients sous l’association, 59 % des malades sous lithium seul et 69 % des sujets sous valproate ont nécessité une nouvelle intervention thérapeutique. Ceci correspond à une réduction significative du risque de rechute de 41 % avec la bithérapie par rapport au valproate seul (intervalle de confiance à 95 % [IC95] entre -17 et -58 % ; p=0,0023) et de 29 % avec la monothérapie par lithium par rapport au valproate seul (IC95 entre - 49 % et 0 ; p=0,0472). En revanche la supériorité de l’association sur le valproate seul n’était pas significative (p=0,27). Une même tendance en faveur du lithium ou de la bithérapie a été constatée pour tous les sous groupes de patients (en fonction du nombre et de la nature des épisodes de troubles de l’humeur dans les antécédents) et lorsque l’analyse ne portait que sur les rechutes maniaques.

Des conséquences pratiques importantes


Même si, pour des raisons logistiques, cette étude n’a pas été conduite en double aveugle, pour ses auteurs elle permet de tirer certaines conclusions utiles en pratique clinique. Chez les patients qui tolèrent le valproate et le lithium, les traitements de première intention les plus efficaces sont le lithium ou la bithérapie lithium-valproate. En cas de rechutes fréquentes sous lithium, l’association au valproate pourrait être préférable au valproate seul.

Il faut par ailleurs souligner le fait qu’aucune des trois thérapeutiques testées ne donne, pour la majorité des patients, des résultats durables à moyen terme, puisque, même avec la bithérapie, plus de la moitié des malades ont nécessité une nouvelle intervention thérapeutique sur une période de 2 ans. Il reste donc à évaluer dans le cadre d’essais comparatifs d’autres molécules et d’autres associations.

Quant à la tolérance des schémas thérapeutiques testés, elle ne pouvait être valablement évaluée par BALANCE puisque les malades avaient été sélectionnés pour leur absence d’effets secondaires sous l’association.

Quelles que soient les limites de ce travail, il doit être salué comme une tentative remarquable d’éclairer le choix des cliniciens de façon objective.
Dr Nicolas Chabert

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