« L'hôpital a franchi une étape »
Alain Debetz a quitté la direction du Centre hospitalier des Pyrénées, qu'il avait rejointe deux mois après le double meurtre d'une infirmière et d'une aide-soignante.
Alain Debetz, cadre supérieur de santé, dirige depuis hier deux hôpitaux, à Saintes et à Saint-Jean-d'Angély, et deux maisons de retraite de Charente-Maritime. Un nouveau directeur arrivera au CHP en avril-mai 2011, l'intérim de direction sera assuré par Christophe Gautier, directeur de l'hôpital François-Mitterrand de Pau.
Presque six ans après son arrivée, le 11 février 2005 - deux mois après le double meurtre des soignantes - Alain Debetz quitte un établissement en plein renouveau. Il y a une semaine, la veille de son départ, il inaugurait un hôpital de jour pour adolescents (« Sud Ouest » du 30 novembre).
« Sud Ouest ». Vous quittez l'établissement sur une inauguration, c'est plein de symboles ?
C'est un maillon supplémentaire dans une chaîne de réalisations qui n'a pas cessé depuis mon arrivée, qui s'est faite dans un contexte particulier. Il ne s'est pas passé une année sans un projet que nous n'aurions pu mener sans les collectivités et sans les équipes, c'est indéniable. Pour cela, il faut des gens qui participent et qui proposent. Or les projets proposés étaient toujours mesurés et calibrés.
Cela va continuer ?
Aujourd'hui, nous avons une feuille de route assez bien tracée jusqu'en février 2011. On sait ce qu'il reste à faire. Quand on est arrivé, la feuille était blanche.
Pourquoi ?
Avant le drame, l'hôpital était dans une grande difficulté. Le drame a tout bousculé. Quand je suis arrivé ici, il y avait un grand questionnement sur le sens et sur le devenir.
L'avenir était-il menacé ?
Non, mais sa mission, sa fonction, son assise même, oui. Les relations internes ont été reconstruites. J'ai pu bénéficier d'une excellente entente du corps médical, capable de faire des choix. Il y a un vrai dynamisme médical et les soignants sont de grande qualité. L'Agence régionale de santé considère le CHP comme un établissement tonique, notamment sur la prise en charge ambulatoire, les partenariats.
Le « drame » est-il oublié ?
On ne peut pas oublier, mais l'hôpital a franchi une étape. Nous approchons de la date anniversaire (1) et nous pensons aux victimes, à leur famille, on ne peut pas oublier, mais l'hôpital doit continuer et avancer.
Les annonces sur les mesures de sécurité ont-elles été suivies d'effet ?
Deux vigiles tournent 24 heures/24 dans des véhicules et interviennent sur chaque situation à la demande. Il y a en plus un vigile statique toute la nuit au poste de garde. La présence dans les pavillons a été renforcée. La nuit, nous avons l'effectif nécessaire pour assurer la sécurité des patients. Nous avons en plus une équipe d'intervention de nuit de trois personnes.
Si les réalisations sont un succès, les relations avec les organisations syndicales le sont moins ?
Il y a un vrai dialogue dans l'établissement. Le projet social a été signé en 2006 par l'ensemble des organisations syndicales. Tous les objectifs sont remplis. Certains sont à renforcer.
Les syndicats vous font donc un mauvais procès ?
Il y a, parfois, la volonté de donner l'illusion que tout va mal et de monter en exergue certaines situations. Ce n'est pas parce qu'on gesticule dans la rue qu'on ne s'assoit pas à la table des négociations. Il faut surtout être attentif aux gens qui proposent.
Êtes-vous confiant dans l'avenir de la psychiatrie en France ?
Il faut considérer la psychiatrie comme un domaine médical. Nous avons à traiter des patients, ce ne sont pas des personnes qu'on enferme. On ne s'évade pas d'un hôpital psychiatrique, on peut fuguer, mais la plupart des patients sont consentants. Il faut faire confiance aux professionnels qui sont sérieux, investis, mais je crois que la psychiatrie pourra se maintenir en alliance avec d'autres professionnels et des partenaires. Les alliances permettent de s'adapter et de faire en sorte que l'hôpital ne se referme pas sur lui-même. La période de l'asile est totalement révolue.
(1) Chantal Klimaszewski et Lucette Gariot ont été tuées dans la nuit du 17 au 18 décembre 2004 sur leur lieu de travail par Romain Dupuy.
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