mercredi 22 décembre 2010

Les contes du divan

A priori, l'écrivain et le psychanalyste pourraient paraître étroitement liés, le premier créant le rêve, et le second l'élucidant (ou essayant de le faire). Eh bien, il n'en va pas ainsi. Pour la plupart, les romanciers répugnent au divan. L'argent explique un tant soit peu une telle méfiance : payer pour raconter leur histoire alors que des éditeurs les paient pour la même chose, voilà qui dépasse leur entendement ! Aussi voudrait-on, à ces réticents-là et, au-delà, à leurs lecteurs, conseiller, sinon imposer, un livre passionnant, « Promesses de la littérature et de la psychanalyse ». Son auteur, Adam Phillips, est psychanalyste, mais, comme il est britannique, et qu'il aime Hillary Waugh le pince-sans-rire et peut-être le dérangeant Chesterton, il ne jargonne pas. C'est en toute clarté qu'il met les pieds dans le plat et prend le risque de s'aliéner les sympathies de son parti. Jugez-en par vous-même : « Il n'y a jamais eu à mes yeux qu'une seule catégorie, la littérature, dont la psychanalyse fait partie. Je pense à Freud comme à un écrivain romantique tardif. » Autant dire, et Phillips le dit, que « littérature et psychanalyse sont des formes de conviction ». Restait à en apporter la preuve. Les preuves, elles ne manquent pas, et toutes sont brillamment argumentées. Telle celle sur « Bartleby, le scribe » (l'un des « Contes de la véranda ») d'Herman Melville, fable des plus éclairantes sur l'humaine misère, dont Adam Phillips va se saisir pour comprendre la dérive d'une jeune anorexique. Ce sont des pages d'une rare intelligence, et d'un « bon sens » confondant. À l'identique, le chapitre intitulé « Quand Jacques Lacan se fait faire les mains », et qui s'appuie sur la biographie que lui a consacrée Élisabeth Roudinesco, est aussi terrifiant, et poignant, qu'une nouvelle de Palahniuk, que Phillips n'a peut-être pas lu. Mais qui devrait lui plaire. Bref, un livre littérairement épatant !

« Promesses de la littérature et de la psychanalyse », d'Adam Phillips, traduit de l'anglais par Michel Gribinski, éditions de l'Olivier

« Payer pour raconter leur histoire alors que des éditeurs les paient pour la même chose, voilà qui dépasse leur entendement ! »





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