mercredi 8 décembre 2010


Psychiatrie. Prolonger un internement dépendra du juge27 novembre 201027 novembre 2010

L'hospitalisation pour troubles mentaux d'une personne, décidée sans son consentement à la demande d'un tiers, ne pourra plus être prolongée au-delà de quinze jours sans l'intervention d'un juge.

62.155 patients sont actuellement hospitalisés sans leur consentement et à la demande d'un tiers en psychiatrie. La moitié de ces internements, environ 30.000, seront frappés d'illégalité, à compter du 1eraoût 2011. Tel en a décidé, hier, le Conseil constitutionnel. Pour la première fois, les Sages rendaient une décision concernant les droits et libertés des malades mentaux. Et pour la première fois, ils ont censuré un article du Code de la santé publique régissant le maintien de l'internement d'un patient à la demande d'un tiers qui ne prévoit pas l'intervention d'un juge. Jusqu'à présent, la loi permettait deux types d'hospitalisation sous contrainte: l'hospitalisation à la demande d'un tiers (famille, proche...) sur la base d'au moins un certificat médical, et l'hospitalisation d'office ordonnée par le préfet ou le maire en cas de péril imminent. A partir du 1eraoût 2011, un simple certificat médical ne suffira plus pour les cas d'internement sous contrainte à la demande d'un tiers. Après quinze jours d'hospitalisation, seul un juge sera apte à dire si un patient doit rester ou pas en psychiatrie.

Neuf mois pour adopter la loi

Le Conseil s'est basé sur l'article66 de la Constitution qui exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire, «gardienne de la liberté individuelle». Un principe déjà appliqué pour la garde à vue ou la rétention administrative des étrangers. Le Parlement a désormais neuf mois pour voter un texte mettant en œuvre cette décision du Conseil. Autre conséquence : le projet de réforme de la loi concernant les personnes faisant l'objet de soins psychiatriques, examiné en mai en conseil des ministres, qui devra également être adapté. Les sages du Palais-Royal avaient été saisis de ce sujet par une patiente.






 
Le juge, une contrainte constitutionnelle pour l’hospitalisation à la demande d’un tiers

Publié le 30/11/2010     
En vertu de la révision de la constitution de l’été 2009, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) peut être soulevée par tout citoyen à l’occasion d’une procédure judiciaire. Aussi, en septembre dernier, le Conseil constitutionnel a-t-il été invité à se pencher sur la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux qui précise notamment les conditions de l’hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT).

Abrogation de l’article L 337 du Code de la Santé Publique

Sans tarder, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision ce vendredi 26 novembre. Elle abroge partiellement les dispositions de la loi de 1990. Si les sages ont considéré comme conformes à la constitution les dispositions concernant l’admission à l’hôpital, s’ils ne se sont pas prononcés sur l’hospitalisation d’office qui ne figurait pas dans le champ de la question renvoyée par le Conseil d’Etat, ils ont considérés comme contraires à la constitution (et notamment à son article 66) les modalités de maintien de l’HDT au-delà de quinze jours. Cet article 66 impose en effet que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l’autorité judiciaire « gardienne de la liberté individuelle ». Or, la prolongation d’une HDT, qui relève d’une privation de liberté, semble s’opposer à ce principe. Aussi, le Conseil constitutionnel exige la suppression de l’article L 337 du Code de la Santé Publique qui dispose : « Dans les trois jours précédant l'expiration des quinze premiers jours de l'hospitalisation, le malade est examiné par un psychiatre de l'établissement d'accueil. Ce dernier établit un certificat médical circonstancié précisant notamment la nature et l'évolution des troubles et indiquant clairement si les conditions de l'hospitalisation sont ou non toujours réunies. Au vu de ce certificat, l'hospitalisation peut être maintenue pour une durée maximale d'un mois ». Pour le Conseil Constitutionnel, il est nécessaire pour garantir le droit des personnes hospitalisées qu’un juge intervienne.

Nouvelle loi avant août 2011

La décision du Conseil Constitutionnel impose au gouvernement de faire adopter d’ici le 1er août 2011 de nouvelles dispositions précisant les conditions de l’intervention du juge. Le Garde des Sceaux, les ministères de l’Intérieur et de la Santé ont confirmé qu’ils allaient s’engager dans ce sens. Une loi sur l’hospitalisation sous contrainte est de fait déjà en préparation.

Exception européenne

Cette position du Conseil Constitutionnel s’aligne sur celle du Commissaire européen aux droits de l’homme qui, dès 2006, après une visite en France avait considéré que « comme toute privation de liberté, l’hospitalisation d’office ou à la demande d’un tiers » ne devrait « être établie que par un juge et non par la seule autorité administrative » à l’exception de situation d’urgences pouvant justifier des décisions provisoires validées par les autorités administratives. A travers ce constat du Commissaire européen était rappelé que dans la plupart des pays européens la question de l’hospitalisation sous contrainte est confiée à un juge.

Un débat attendu de longue date

Ce changement majeur qu’impose le Conseil à la France a suscité des avis nuancés chez les professionnels de santé. Certains ont redouté que l’intervention du juge ne soit vécue par les malades comme une descente aux enfers supplémentaires. L’engorgement des tribunaux et l’absence de compétence des juges en la matière ont également été évoqués. Mais pour beaucoup, cette évolution est positive. « Introduire un arbitre dans la prise en charge est une bonne chose », estime ainsi un psychiatre hospitalier parisien cité par le Figaro. « Cela évitera certains abus et soulagera le médecin d'une lourde responsabilité », ajoute-t-il. De son côté, le Syndicat des psychiatres d’exercice public se félicite de voir enfin ouvert « le débat sur la judiciarisation des soins sans consentement (…) comme nous l’avions réclamé depuis longtemps ».


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