dimanche 7 novembre 2010





L’accès aux soins minuté

22 députés UMP enclenchent le chronomètre

Le généraliste et la maternité à 30 minutes, les urgences à 20 minutes : c’est ce que demandent pour chaque citoyen 22 députés UMP dans une proposition de loi fraîchement enregistrée à l’Assemblée nationale. Le texte, sans le dire, remet en cause la liberté d’installation des médecins libéraux.


ELLE S’EN VA et elle revient, l’idée de fixer en minutes des délais-seuils d’accès aux soins. Il y a deux ans tout ronds, la mission parlementaire Bernier-Paul (le premier est député UMP de la Mayenne, le second élu socialiste de la Nièvre) consacrée à l’« Offre de soins sur l’ensemble du territoire » avait préconisé la détermination de « normes quantifiées », suggérant, entre autres, d’arrêter un temps d’accès maximal à un généraliste (entre 30 minutes et 1 heure, disait alors la mission). Quelques mois plus tard, le concept avait de nouveau surgi lors de l’examen de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST). Sans suite.

Mais le revoici qui pointe son nez. À un moment pour le moins curieux. Pendant que le législateur prend acte des trous de la démographie médicale et s’emploie via la télémédecine à trouver des solutions pour soigner les Français à distance, à un moment où il paraît clair que la majorité gouvernementale n’entend pas irriter les médecins libéraux (en particulier en touchant à la liberté d’installation), 22 députés UMP emmenés par Pierre Morel-A-l’Huissier (Lozère) viennent de faire enregistrer à l’Assemblée nationale une proposition de loi « visant à normaliser les schémas régionaux d’organisation des soins ».

Le texte tient en quelques lignes qui précisent que les futurs SROS devront viser « à ce que la durée d’accès » à un médecin généraliste « n’excède pas trente minutes de trajet automobile dans les conditions normales de circulation du territoire concerné ». Même exigence de la demi-heure pour l’accès à une maternité. Les services d’urgence ou les structures mobiles d’urgence devront, eux, être accessible en « vingt minutes » de route.

Cercles concentriques.

L’exposé des motifs de la proposition de loi est limpide. La loi HPST « s’est montrée timide sur le problème que connaissent nos territoires, les déserts médicaux et la répartition spatiale des médecins », y lit-on. Pour
« attirer les médecins dans les zones sous-médicalisées », les « mesures incitatives » n’ont pas fait la preuve de leur efficacité : « Les médecins continuent à s’installer dans trois principales régions, la région parisienne, le Languedoc-Roussillon et la Provence-Alpes-Côte d’Azur, trois régions surmédicalisées. » Or à l’autre extrémité du spectre, « la sous-médicalisation de certaines zones a des conséquences terribles pour la population qui y vit ». CQFD. Aux agences régionales de santé (ARS) de régler la question dans le cadre des SROS en traçant des cercles concentriques autour de chaque citoyen.

Si, pour l’hôpital, l’opération n’est pas révolutionnaire – en témoigne la carte (voir ci-contre) récemment élaborée par la Fédération hospitalière de France (FHF) pour délimiter les établissements « isolés » – elle passe beaucoup moins bien du côté de la médecine libérale. Comment garantir à chaque Français qu’il trouvera un généraliste à 30 minutes de chez lui sans remettre en cause le principe de la liberté d’installation ? L’Union nationale des omnipraticiens de France (UNOF-CSMF) ne voit pas vraiment et s’insurge dans un communiqué : « Les députés UMP veulent faire de l’exercice de la médecine générale un exercice administré sous tutelle visant l’exploitation 24 heures sur 24 des médecins, sans naturellement investir le moindre euro. Ceci n’est évidemment pas acceptable. »

› KARINE PIGANEAU

Le Quotidien du Médecin du : 03/11/2010

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