mercredi 6 octobre 2010




Les députés durcissent le droit au séjour des étrangers malades

Pour durcir le droit au séjour des étrangers malades, les députés de la majorité ont retrouvé le chemin de l'hémicycle, lors du quatrième jour de l'examen du projet de loi Besson sur l'immigration, l'intégration et la nationalité, à l'Assemblée nationale, mardi 5 octobre.

Alors que l'hémicycle était quasi vide et presque léthargique, les bancs se sont remplis et les discussions se sont animées à l'approche de l'adoption d'un dispositif concernant les étrangers atteints de pathologies graves, c'est-à-dire ceux «dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité», selon la définition inscrite à l'article L313-11-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers. Thierry Mariani s'est énervé, Éric Besson lui a tapoté le dos pour le calmer, l'opposition s'est égosillée, et l'article 17 ter remanié par le gouvernement, soutenu par la majorité, a été voté, en première lecture (112 voix pour, 82 contre).

Depuis la loi Chevènement de 1998, ces personnes, malades par exemple du sida, d'une hépatite, d'un diabète ou d'un cancer, obtiennent une carte de séjour temporaire lorsqu'elles ne «peuvent effectivement bénéficier d'un traitement approprié» dans leur pays d'origine. En commission des lois, le député UMP Thierry Mariani – et rapporteur de la loi – avait fait adopter un amendement stipulant qu'elles ne puissent en bénéficier qu'en cas d'«inexistence» du traitement dans leur pays d'origine.

Ce qui changeait complètement la donne, dans la mesure où, pour les patients, la question n'est pas de savoir si les médicaments existent, mais s'ils y ont accès. Dans de nombreux pays, les traitements sont théoriquement disponibles, mais les personnes qui devraient en bénéficier ne peuvent les acheter pour de multiples raisons: soit parce qu'ils sont trop chers, soit parce qu'ils sont disponibles en quantité insuffisante, soit encore parce que la distance avec le lieu de distribution est trop élevée pour se les procurer.

Face au tollé provoqué par cette initiative, notamment dans le milieu associatif et médical, le gouvernement, au cours du débat, s'est voulu conciliant, en remplaçant «inexistence» par «indisponibilité». C'est cette version, retouchée par Éric Besson, qui a été votée. Moins restrictive que celle voulue par Thierry Mariani, elle n'en constitue pas moins une régression par rapport à la situation actuelle, parce que «disponible» n'est pas synonyme d'«accessible».

Comme régulièrement lors de l'examen du projet de loi, le député UMP des Yvelines, Étienne Pinte, est monté au créneau le premier. «Dans beaucoup de pays, a-t-il souligné, les traitements existent, mais ils sont réservés à une élite. Si le traitement existe mais que l'intéressé ne peut y accéder en pratique, les conséquences d'une exceptionnelle gravité sont inéluctables: aggravation de la pathologie, progression des complications, voire décès.» Selon lui, une modification législative conduirait à deux types de situation: «Certaines (personnes) repartiront ou seront renvoyées dans leur pays d'origine avec les risques que cela comporte pour elles-mêmes mais également pour les autres, certaines resteront en France en situation de très grande précarité», avec des implications négatives en matière de santé publique.

Membre du groupe sida à l'Assemblée nationale, Martine Billard (Parti de gauche) a jugé «ficti(f)» le «pseudo recul» proposé par Éric Besson. Pour elle, «inexistant ou indisponible, le résultat est le même» car «que se passe-t-il si la personne n'a pas les moyens de se payer les traitements ou si elle habite loin de la capitale où les médicaments sont disponibles ?» En référence aux quelque 29.000 étrangers concernés par cette mesure, soit 0,8% des étrangers installés de manière régulière en France, le centriste Dionis du Séjour a estimé que «nous avons les moyens de les soigner» et qu'il en allait de «l'honneur du pays» de ne pas les mettre en danger.

Des régularisations «au fil de l'eau»


Pour justifier son dispositif, Thierry Mariani a lui hésité sur la stratégie à adopter: d'un côté il a assuré que cet article «ne changerait rien» et qu'il consistait en une simple clarification juridique, de l'autre il a fait planer la menace d'une mise en péril du système de protection sociale en déclarant qu'en cas de rejet, «chaque étranger qui ne bénéficie pas d'une sécurité sociale aussi généreuse que la nôtre pourra venir s'installer en France». «J'en ai assez de prendre des leçons de morale qu'elles viennent de la gauche comme de la droite», a-t-il lancé, perdant son sang-froid, alors qu'il avait tout fait, jusque-là, pour apparaître consensuel.

Même si certains, comme Claude Goasguen l'ont trouvé trop timoré, Éric Besson, lui, n'a pas eu à hausser le ton. Jouant la «nuance», selon son expression, il est parvenu à faire voter une disposition que plusieurs gouvernements de droite ont, en vain ces dernières années, essayé d'imposer par décret.

Fructueuse, la journée l'a été pour le ministre de l'immigration, qui, après avoir fait adopter, la semaine dernière, l'extension de la déchéance de nationalité et la création de nouvelles zones d'attente, a continué de dérouler son projet de loi comme il l'entendait. Les élus ont ainsi voté une proposition du gouvernement visant à faciliter les reconduites à la frontière de ressortissants européens, autorisés à un séjour de moins de trois mois, représentant «une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale».

Ils ont aussi donné leur feu vert à un article sanctionnant de 7 ans de prison et 30.000 euros d'amende les mariages «gris», selon le terme du ministre, à savoir les unions «fondées sur une tromperie volontaire de l'étranger sur ses sentiments et son intention matrimoniale aux dépens de son conjoint qui a été abusé dans sa bonne foi».

La surprise, au fond, est peut-être venue du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, qui a présenté un amendement – rejeté  – proposant la régularisation «au fil de l'eau» des sans-papiers résidant en France «habituellement depuis plus de cinq ans», pour peu qu'ils ne soient «pas en état de polygamie».

Allant au-delà de la position officielle du PS prônant «une large régularisation sur la base d’une procédure assouplie et simplifiée (...), selon des critères clairs et transparents, prenant en compte notamment les liens de travail, la scolarisation des enfants, une durée significative de présence, une intégration effective», cette initiative n'a pas échappé à Éric Besson, qui a considéré, avec ironie, qu'elle allait «éclairer de manière intéressante la campagne» pour l'élection présidentielle de 2012, si elle était intégrée dans le programme socialiste.

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