dimanche 3 octobre 2010



Pas encore réformée, l’hospitalisation sous contrainte va être passée au crible par le Conseil constitutionnel
Publié le 30/09/2010

La loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation, qui définit notamment la procédure d’hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT) en psychiatrie n’a jamais été examinée par le Conseil constitutionnel, aucune saisine parlementaire n’ayant été déclenchée en ce sens. Il paraissait donc impossible que les sages se penchent un jour sur ce texte. Cependant, depuis la révision de la constitution de l’été 2009, la loi organique du 10 décembre 2009 et deux décrets d’application promulgués en février 2010, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) peut désormais être soulevée par tout citoyen au cours d’une procédure judiciaire. C’est dans ce cadre, ayant à se prononcer sur le cas d’une patiente contestant une décision d’HDT devant les tribunaux administratifs, que le Conseil d’Etat a été interrogé sur la constitutionnalité de la loi du 27 juin 1990 et qu’il a estimé en l’espèce que cette législation devait être présentée au Conseil constitutionnel.

Gagner du temps

Cet examen inattendu pourrait retarder la réforme de la loi de 1990, déjà l’objet d’un projet de texte qui devait initialement être débattu par le Parlement à l’automne et dont l’examen a été repoussé en 2011. Ce contre temps créé par l’intervention du Conseil constitutionnel et ce retard du calendrier législatif ont de quoi satisfaire aussi bien le ministère de la Santé, dont les préoccupations à la veille d’un remaniement ministériel paraissent quelque peu détachées pour l’heure de ces questions, qu’une partie de la psychiatrie très hostile au projet de réforme.

Mais c’est un homme

On le sait, ce dernier contient une mesure phare : la création de soins psychiatriques sous contrainte. Cette perspective est très fortement contestée par le collectif dit des trente-neuf qui réunit autant de syndicats et associations dédiés à la psychiatrie et qui y voit une dérive sécuritaire. Regrettant profondément que la révision annoncée de la loi de 1990 se limite à s’intéresser aux seuls soins sous contrainte, il a lancé ce week-end lors d’un meeting intitulé : « Quelle hospitalité pour la folie » un appel contre cette loi baptisé « Mais c’est un homme ». Le collectif des 39 rappelle dans ce texte, dont le titre renvoie au « Si c’est un homme » de Primo Levi qu’un « fou est d’abord un homme ».

Garde à vue psychiatrique


Au-delà de ce rappel de principe, aucun des dispositifs proposés par le gouvernement ne trouvent grâce aux yeux du collectif. Ainsi la période d’observation de 72 heures au sein d’une unité psychiatrique, prélude à la prise en charge, est décrite comme une « garde à vue psychiatrique ». Concernant les soins ambulatoires sous contrainte, qui pourraient être décidés par un psychiatre, après alerte par exemple de la famille, il estime qu’ils risquent de « détruire (…) la confiance et la proximité entre le patient et l’équipe soignante ». Le collectif affirme par ailleurs que cette disposition « réduit les soins à l’observance d’un traitement médicamenteux (…) menace la sécurité des patients en les laissant seuls à l’extérieur (…) réduit la place de l’équipe soignante au profit d’un protocole de soins standardisé et attaque les libertés publiques en faisant du contrôle et de la contrainte les outils privilégiés de cette réforme ». Cependant, cette hostilité affichée pourrait ne pas refléter l’opinion générale des praticiens. Un sondage réalisé sur notre site en avril a en effet révélé que 87 % de nos lecteurs professionnels de santé sont favorables à une loi instaurant des soins psychiatriques sous contrainte.

Plus de secteurs et plus de nomination spécifique des psychiatres

Pour autant, opposants farouches à la réforme proposée et partisans du nouveau dispositif dessiné pourraient se retrouver pour protester aux côtés de ceux qui avant tout dénoncent la désorganisation de la psychiatrie. C’était le principal objet de la grève lancée ce mardi par l’Intersyndicale des psychiatres publics (IPP). La réforme des soins sous contrainte n’était en effet avant-hier pas seule en cause, les transformations de l’organisation de la psychiatrie sous l’égide de la loi Hôpital patient santé territoire (HPST) était également fortement dénoncée. Celle-ci a en effet entraîné « la fin des renouvellements des chefferies de secteurs » et met un « terme aux procédures de nominations spécifiques des praticiens hospitaliers en psychiatrie au mépris des nécessités d’indépendance médicale ». Les représentants des psychiatres assurent en outre que la loi HPST a pour conséquence la « désorganisation des secteurs par l’organisation en pôles ».
 
Aurélie Haroche

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