dimanche 26 septembre 2010







LA PROFESSION DE PSYCHOTHÉRAPEUTE RÉGLEMENTÉE ?
23/09/2010

Voilà un décret du 20 mai 2010 qui veut organiser la profession de psychothérapeute. Cette profession n’était jusqu’à ce jour, ni réglementée, ni reconnue. Aucun diplôme spécifique n’était nécessaire pour poser sa plaque.

LE DÉCRET RELATIF À L'USAGE DU TITRE DE PSYCHOTHÉRAPEUTE


Voilà un décret (nº 2010-534 du 20 mai 2010) qui veut organiser la profession de psychothérapeute. Cette profession n’était jusqu’à ce jour, ni réglementée, ni reconnue. Aucun diplôme spécifique n’était nécessaire pour poser sa plaque.

Il existait cependant une loi adoptée en 2004 (nº 2004-806 du 9 août 2004) qui précisait que la conduite d’une psychothérapie nécessitait soit une formation théorique et pratique en psychopathologie clinique, soit une formation reconnue par les associations de psychanalystes. L’usage du titre était réservé à ceux qui se sont fait inscrire au registre national des psychothérapeutes. Mais les textes d’application ne sont jamais parus. Une nouvelle loi, en 2009, est venue préciser les choses (nº 2009-879 du 21 juillet 2009) et un décret du 20 mai 2010 vient d’être pris en application.

La loi de 2009 a repris les termes de la précédente en rajoutant des conditions de diplôme. Pour pouvoir exercer cette profession il faut avoir suivi une formation qui n’est accessible qu’avec un diplôme de niveau doctorat donnant le droit d'exercer la médecine en France ou d'un diplôme de niveau master dont la spécialité ou la mention est la psychologie ou la psychanalyse. Par ailleurs, des dispenses sont prévues pour les psychiatres et les psychologues. Enfin, la liste professionnelle est devenue départementale. Le décret est venu préciser tout cela. Malheureusement, sans doute mal rédigé, il pose plus de problèmes qu’il n’en résout.

L'inscription sur la liste départementale des psychothérapeutes est subordonnée à la validation d'une formation en psychopathologie clinique de 400 heures minimum et d'un stage pratique d'une durée minimale correspondant à cinq mois. L'accès à cette formation est réservée soit aux titulaires d'un diplôme de niveau doctorat, donnant le droit d'exercer la médecine en France soit un diplôme de niveau master dont la spécialité ou la mention est la psychologie ou la psychanalyse.

La première difficulté concerne le stage.
Celui-ci ne peut être accompli sur le lieu de travail de la personne en formation. Ce qui ne manquera pas de poser des problèmes aux stagiaires ayant déjà une activité professionnelle. Or nous savons tous qu’un bon psychothérapeute ne sort certainement pas de la faculté, mais qu’il a besoin avant tout d’une certaine expérience de vie. En outre, il devra être accompli dans un établissement de santé sans qu’il y ait comme condition qu’il porte sur une activité psychothérapeutique. Voilà un point qui va poser débat.

Autre difficulté, les formations nécessaires pour se prévaloir du titre de psychothérapeutes concernent avant tout la psychopathologie.
Et il y a manifestement une confusion dans l’esprit du rédacteur entre celle-ci et la psychothérapie. Rappelons que la seconde s’intéresse aux traitements et pratiques de soins, ce que ne fait pas la première qui étudie le psychisme humain. Il en résulte que cette formation à vocation pratique ne sera que théorique et n’apportera aucune garantie sur la maîtrise des techniques thérapeutiques dispensées. C’est pour le moins extrêmement regrettable, même si cette confusion est en partie corrigée dans le tableau des formations annexé au décret. Une meilleure rédaction aurait eu le mérite d’éviter aux juristes d’avoir à vérifier que le contenu des formations correspondra bien aux exigences de la loi.

Il faut noter que les psychiatres sont dispensés et de formation finale et de stage, que les psychologues cliniciens auront respectivement 150 heures et deux mois à faire, les médecins non-psychiatres, 200 heures et deux mois, les psychologues non cliniciens, 300 heures et cinq mois de stage, les psychanalystes, 200 heures et deux mois.
Là encore, une rédaction hâtive va poser une difficulté. Le terme de psychologue clinicien est employé sans être défini.
Or si le terme de psychologue est défini par la loi, et qu’il est attribué à tout professionnel détenant un Master 2 professionnel de psychologie, aucun texte n’indique ce qu’il faut entendre par clinicien. Peut-être a-t-on voulu faire référence aux textes réglementant l’accès des psychologues à la fonction publique hospitalière. En effet pour pouvoir être titulaire de cette fonction il faut avoir un DESS (master 2 professionnel aujourd’hui) dit de « psychologie clinique » et défini par différents textes (décret du 31 janvier 1991 et du 22 avril 1994). Malheureusement d’une part ces textes ne font pas référence à la notion de psychologue clinicien, qui n’est qu’une construction d’usage, de seconde part le décret du 20 mai 2010 ne vise pas ces textes. Au surplus cette distinction entre deux catégories de psychologues est contraire à la loi, puisque l’article 52 de la Loi n°2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique fait état seulement des personnes autorisées à faire usage du seul titre de psychologue dans les conditions définies par l'article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985.

Les établissements dispensant la formation finale seront agréés par l’Etat suivant un cahier des charges national et après avis d’une commission régionale spécialisée, désignée par l’Agence régionale de santé et comprenant au moins deux professeurs d’université en psychiatrie, psychologie, ou psychanalyse, les autres membres devant représenter ces trois activités.

Des dispositions transitoires, sommes toutes assez classiques sont prises pour tenir compte des situations acquises. Les professionnels justifiant d'au moins cinq ans de pratique de la psychothérapie

De même, il est surprenant de voir que les psychanalystes, dont la profession n’est pas réglementée, le titre pas protégé, avoir les mêmes privilèges que les médecins ou psychologues. Il est vrai que le décret prévoit que ne peuvent bénéficier de la dispense partielle prévue pour les psychanalystes que ceux d’entre eux qui sont enregistrés sur les annuaires de psychanalystes. Mais comme rien ne réglemente lesdits annuaires… Alors à quand une réglementation réelle pour la psychanalyse ?

En définitive, voilà une mesure voulant assainir une profession, qui pose plus de problèmes qu’elle ne va en résoudre.

DAURIAC Eric
Avocat - Limoges (87)

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