mercredi 19 mai 2010





La Roche sur Yon
mercredi 19 mai 2010

Yvan Halimi exporte la psychiatrie en Chine
Le docteur Yvan Halimi avec la directrice de la santé publique de la province de Canton (60 millions d'habitants). Ils tiennent la charte de l'usager en santé mentale. Tout un symbole, car cette charte est un véritable « pacte entre les soignants et les familles des malades ».



La psychiatrie « made in France » s'exporte en Chine. Et c'est un Yonnais, le docteur Yvan Halimi (1), qui en est l'ambassadeur. Il revient d'une mission en Chine.

Entretien

La psychiatrie à la française intéresse les Chinois, qui regardent de près notamment la politique de secteur. Que recouvre cette politique ?

Pour schématiser, c'est considérer que la psychiatrie a des particularités à prendre en compte. Ce n'est pas comme une jambe cassée. On ne peut donc pas organiser les services de psychiatrie comme on le ferait d'un service d'urgence ou de maternité. La psychiatrie ne peut pas être « protocolisée » comme n'importe quelle autre discipline médicale. Un problème psychiatrique suppose, par exemple, d'être accompagné par le même praticien. La sectorisation, ou politique de secteur, c'est donc une organisation qui repose sur une certaine conception du soin et une éthique à part. Les cliniciens, les infirmiers ou les familles sont très attachés à la politique de secteur.

A quand remonte la politique de secteur en France ?

Elle est née après guerre. La Roche-sur-Yon a été pionnière dans ce domaine. L'asile de la Grimaudière, ancêtre de l'hôpital Georges-Mazurelle, a été l'un des premiers établissements français à mettre en place la politique de secteur en faisant tomber, de façon symbolique, les grilles de l'établissement. C'était au début des années 60, dans le prolongement d'une circulaire de 15 mars 1960.

Le modèle est aujourd'hui repris à l'échelle européenne, à travers une sorte de « constitution » de la sectorisation, dont vous êtes l'un des « pères » ?

Les préambules constitutifs ont été écrits le 22 septembre 2005. L'Allemagne a signé ce texte. D'autres pays européens comme l'Italie ou l'Espagne s'apprêtent à la signer.

Est-ce que le modèle de psychiatrie, à l'occidentale, est transposable en Chine ?

Lors de notre visite, nous leur avons dit que cette politique de secteur est le produit d'une très longue histoire. La Chine est un pays immense, avec sa culture. Pour nous, il s'agit de les accompagner dans cette mutation vers la psychiatrie telle que nous la connaissons et la pratiquons. Nous avons été pionniers dans cette approche de la psychiatrie, on a une longue expérience, et c'est ce qui intéresse la Chine. Lors de notre visite, certains responsables nous ont dit la chose suivante : pour les voitures, c'est l'Allemagne ; pour la psychiatrie, c'est vous.

Qu'est ce qui intéresse tant les Chinois dans le modèle psychiatrique français ?

Dans une dédicace signée du vice-président de l'hôpital psychiatrique de Guangzhou, celui-ci a écrit que la psychiatrie américaine, c'est la science et que la psychiatrie française, c'est la science et l'humanité. C'est un bel hommage. Je crois qu'ils attendent de nous qu'on les aide à planifier cette mutation, mais aussi qu'on les aide à former les futurs cliniciens. Les Chinois ont un tel niveau intellectuel et culturel que ça pourrait aller très vite. On sent que toute la société chinoise change en profondeur, son regard sur les malades est en train de changer. La psychiatrie moderne émerge en Chine avec une approche très pragmatique. Mais il est évident que ça ne se fera pas du jour au lendemain.

Là-bas, vous avez également présenté la Charte de l'usager en santé mentale. Que représente-t-elle ?

Elle est essentielle. C'est un véritable pacte entre les soignants et les familles des malades. Elle instaure un climat de confiance réciproque entre les malades et les professionnels. C'est autour de ce lien que peuvent se mettre en place des soins de qualité. Et puis, si elle est aussi indispensable, c'est parce qu'il ne faut pas oublier que la psychiatrie est la seule discipline qui peut impliquer une restriction des libertés individuelles. C'est un pouvoir considérable. Il faut en avoir pleinement conscience.

Recueilli par Philippe ECALLE.

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