jeudi 8 avril 2010




Pousseur du RER: "De tels drames n'ont rien d'inéluctable"
Par Estelle Saget,
publié
le 06/04/2010

Après le décè
s d'un voyageur poussé contre un RER, le psychiatre Yann Hodé revient sur ces accidents qui impliquent des patients souffrant de schizophrénie.

Ce décès était-il évitable ?

Les médias ont précisé que le "pousseur" souffrait d'une schizophrénie et qu'il avait arrêté son traitement. Sa mère avait signalé à plusieurs reprises sa dangerosité. Il y aurait donc eu, en théorie, des possibilités de prévention. En pratique, des événements de ce
type sont rapportés presque annuellement dans la presse, et pourtant de nombreuses familles continuent à se plaindre de ne pas trouver d'aide lorsque leur proche malade a un comportement dangereux. Dans ce domaine, chacun essai de se défausser sur l'autre. Les services de police ou de gendarmerie lorsqu'ils sont alertés disent que cela dépend de la psychiatrie, la psychiatrie répond souvent qu'elle ne peut pas aller chercher une personne, qu'il faut qu'on l'amène à l'hôpital pour qu'elle puisse agir. Les médecins généralistes ne sont pas toujours bien formés à analyser la dangerosité de certaines situations et ils se plaignent d'être parfois très seuls face à des services hospitaliers qui ont quelques peines à les entendre. Des drames comme celui du RER parisien, pourtant, n'ont rien d'inéluctable.

Pourquoi ne pas avoir hospitalisé cet homme, de force si nécessaire, avant que le pire se produise ?

Le respect de la liberté individuelle entraine une réticence, légitime, à prendre des mesures pouvant paraitre comme liberticides. Nous avons plus à craindre un contrôle excessif de toute déviance comportementale que le risque - rare - d'agressions graves par des personnes malades. L'influence salutaire de la réflexion de Foucault sur le contrôle que la société veut exercer sur des individus nous a appris à être prudent face à des mesures d
e pseudo bon sens qui procéderaient d'une logique opprimante pour l'individu. En même temps, ne pourrait-on pas intervenir plus souvent de façon préventive sans pour autant prendre un risque d'atteinte à nos libertés ? Entre les positions sécuritaires, inadaptées, et les positions non interventionnistes, dogmatiques, n'y aurait-il pas la place pour des positions plus humbles et ouvertes au dialogue, pour la recherche d'une meilleure prévention possible dans le respect de la protection de la liberté des individus ? C'est ce que pensent de nombreuses familles de malades. Elles sont confrontées au quotidien à des anomalies de comportement tellement manifestes de leur proche qu'elles ne comprennent pas les réticences auxquelles elles font face pour le faire soigner contre sa volonté.

Pourquoi les familles ne sont-elles pas écoutées ?

Leur parole est souvent suspecte car elle est jugée partiale par les équipes médicales. Ces dernières ont un point de vue certainement moins affectif mais non moins partial, car elles ne voient pas au quotidien la réalité des troubles du malade. Sans en faire une généralité, de nombreux professionnels de la psychiatrie ont tendance à ne pas écouter ce que disent les familles. Dans une étude récente réalisée auprès
de 33 parents participant à un programme psychoéducatif pour soutenir leur proche souffrant de schizophrénie, 40% d'entre eux se disaient plutôt insatisfaits de leur demande d'aide auprès des médecins et 36% insatisfaits de la communication avec le médecin qui suit leur proche. Et même si cet échantillonnage n'était pas représentatif, les associations de familles de malades rapportent suffisamment de cas de difficultés de communication des familles avec la psychiatrie pour penser que ces situations ne sont pas rares. Cette difficulté à prendre en compte les familles et à les écouter contribue à une mauvaise évaluation des risques réels liés à l'état du malade. Notre médecine est une médecine qui donne la primauté à l'individu dans une relation duelle médecin-malade et c'est un mode de fonctionnement que la grande majorité d'entre nous ne voudrait pas voir remise en cause. Quelque soient les relations que nous pouvons entretenir avec notre famille, nous préférons avoir la maitrise de la façon dont nous voulons ou non l'associer dans la connaissance de notre état de santé et dans les décisions afférentes. Dans cette logique, la famille est habituellement ignorée du médecin.

Peut-on espérer un changement ?

De plus en plu
s de médecins sont aujourd'hui attentifs aux appels de détresse des familles. Des efforts sont encore à faire mais c'est l'ensemble de la société qui doit changer. Que chacun ouvre ses yeux, son esprit et son cœur, qu'il ne reste pas sur ses préjugés et ses connaissances anciennes alors que la compréhension des maladies mentales a été profondément changée en à peine plus de deux décennies. Souvent perçues à tort comme des maladies de l'âme plutôt que comme des maladies du cerveau, elles posent des questions éthiques difficiles. Les malades souffrant de schizophrénie représentent 1% de la population (20 personnes dans un village de 2000 habitants), mais un pourcentage dix fois supérieur des personnes incarcérées et des personnes en situation de grande précarité. Rappelons-le, les maladies mentales ne sont pas rares, elles n'arrivent pas qu'aux autres, elles ne sont pas un échec personnel, beaucoup se soignent très bien, et elles n'ont rien d'infamant. Encore faut-il avoir la curiosité de s'informer sur elles, sur les progrès des neurosciences. C'est une bonne façon de contribuer à une société plus humaine.

Le Dr Yann Hodé est psychiatre à l'hôpital de Rouffach (Bas-Rhin).







SOCIÉTÉ
06/04/2010

«Pousseur» du RER : pouvait-on éviter le drame?
Par MARIE PIQUEMAL

La mort d'un voyageur poussé vendredi contre une rame de RER continue de susciter le débat, sur le mode «le drame aurait-il pu être évité?». La mère du jeune homme schizophrène auteur présumé des faits, en est persuadée. Et dénonce, par la voix de son avocate, «de graves dysfonctionnements». Les pouvoirs publics auraient-ils pu intervenir, et dans quel cadre? Eléments de réponse.

Y a-t-il eu un dysfonctionnement ?

Roselyne Bachelot, la ministre de la Santé devait saisir ce mardi l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) pour s'assurer que «tout a été bien respecté» dans cette affaire. Et le ministère de commenter, avant même l'ouverture de l'enquête: «Il s'agit d'une saisine classique. On est très sereins.»

«Il faudra quand même que des personnes s'expliquent», tempête de son côté Geneviève Touati, l'avocate de la mère de l'auteur présumé des faits. «Il y a eu un dysfonctionnement quelque part. Ma cliente a aujourd'hui le sentiment aigu que ce qui est arrivé aurait pu être évité. Elle a vu l'état de son fils se dégrader de jour en jour. Elle a essayé d'alerter le service de soins de l'hôpital où son fils était traité, mais aussi la police de sa commune, une élue... Il n'y a pas eu de réponse à la hauteur du problème.»

L'avocate s'interroge surtout sur la rupture de soins. «Comment se fait-il que ce jeune homme, diagnostiqué comme schizophrène depuis 2005 et soumis à une injonction de soins, ne se soit pas rendu aux rendez-vous fixés à l'hôpital des 6 février et du 6 mars? Et qu'il n'ait reçu un rappel à l'ordre par courrier que le 31 mars, lui exigeant de se présenter au psychiatre le 7 avril !»

Peut-on forcer une personne à se soigner ?

Sur ce point, le droit pourrait évoluer. Aujourd'hui, l'obligation de soins est limitée. «C'est une difficulté à laquelle on est souvent confronté. Souvent, des parents nous appellent ne sachant quoi faire. On leur demande de venir avec le patient à l'hôpital mais s'il refuse, on ne peut pas l'obliger, explique Florence Thibaut, professeur de psychiatrie à Rouen. En tant que psychiatre à l'hôpital, on n'a pas le droit de se rendre au domicile des patients. On essaie de le convaincre, mais dans la grande majorité des cas, on ne peut pas le forcer à accepter un soin.»

Reste alors la possibilité — encadrée par la loi — de demander une hospitalisation sous contrainte. Deux procédures existent dans l'état actuel du droit. L'hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT), qui peut être un membre de la famille, un proche ou personne agissant dans son intérêt (à l'exclusion des personnels soignants ou de direction de l'établissement hospitalier), nécessite deux certificats médicaux attestant la dangerosité de l'individu.

Or, en l'espèce, «aucun tiers ou membre de sa famille n'a fait la demande pour qu'il soit hospitalisé sous contrainte», soulignait lundi soir le ministère de la santé. Sauf que, note l'avocate, «la mère n'avait pas les moyens d'obliger son fils à se rendre chez le médecin pour qu'il atteste de son état.»

Il existe aussi l'hospitalisation d'office, mesure d'ordre public ordonnée par le préfet du département (préfet de police à Paris). Ou par le maire en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes. La loi du 4 mars 2002 subordonne l'hospitalisation d'office à trois conditions : l'existence d'un trouble mental, la nécessité de soins de ce trouble, et une atteinte grave à l'ordre public.

Ce cadre juridique aurait pu être adapté au cas du «pousseur». Mais y avait-il «atteinte grave à l'ordre public» avant qu'il commette son geste ? «Vu ce qu'on connaît du dossier, il est impossible de répondre», explique le Dr Pierre Paresys, vice-président de l'union syndicale des psychiatres. Qui ajoute: «Ce n'est pas parce que la famille dit qu'il est dangereux que c'est forcément le cas».

Mais la législation pourrait changer, à en croire un projet de loi, révélé par Libération du 26 mars, qui envisage de développer «les soins obligatoires», y compris quand le patient n'est pas hospitalisé. On ne parlerait alors plus d'hospitalisation libre ou forcée, mais de soins avec ou sans consentement...«Ce n'est pas un hasard si le gouvernement réagit autant aujourd'hui sur ce drame», dénonce Pierre Paresys, regrettant que les médias suivent. «C'est tout à fait exaspérant. Pourquoi ne parle-t-on pas plutôt de la violence de Mme Bachelot qui détruit le service public hospitalier?»






A LA UNE
Publié le 06/04/2010
Reuters


Enquête des services de santé sur le "pousseur" du RER

Tout en écartant a priori tout dysfonctionnement, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a saisi mardi l'Inspection générale des Affaires sociales (IGAS) de l'affaire du "pousseur" du RER.

Il s'agit d'une saisine classique destinée à vérifier que "tout a bien été respecté", a-t-on précisé au ministère.

La mise en examen le week-end dernier d'un homme qui avait projeté un voyageur contre une rame, sur un quai du RER, a fait rejaillir le débat sur l'obligation de soins psychiatriques.

L'avocate du meurtrier présumé, âgé de 28 ans, a dénoncé des "dysfonctionnements" au sein de la police et des services médicaux, soulignant que ces derniers avaient été alertés par la mère de la dégradation de l'état psychiatrique de son fils.

"J'avais tiré le signal d'alarme, je sentais que mon fils pouvait commettre l'irréparable à chaque instant", a déclaré la mère du jeune homme aux journalistes.

Mais "aucun tiers ou membre de la famille" du jeune homme n'a fait de demande pour qu'il soit hospitalisé sous contrainte, seul moyen de prendre en charge un malade malgré lui, souligne-t-on au ministère.

Le meurtrier présumé n'était donc sous le contrôle d'aucun établissement de soins, a-t-on ajouté.

Le débat sur l'obligation de soins ressurgit chaque fois qu'une personne plus ou moins déséquilibrée est impliquée dans un faits divers.

En 2008, Nicolas Sarkozy avait vivement réagi à la mort d'un étudiant poignardé dans les rues de Grenoble (Isère) par un pensionnaire en fugue d'un hôpital psychiatrique.

Le chef de l'État avait demandé la préparation d'un arsenal de mesures pour sécuriser les hôpitaux psychiatriques et un projet de loi destiné à réformer les conditions d'hospitalisation en psychiatrie.

Selon Libération, daté de mardi, le hasard du calendrier veut que ce projet de loi soit prêt à être présenté aux syndicats du secteur de la psychiatrie, avant d'aller devant le Parlement.

Actuellement, l'hospitalisation peut être faite à la demande d'un tiers ou décidée d'office par un préfet ou un maire dans un souci d'ordre public.

Le projet propose de faciliter l'obligation de soins à domicile du patient, avec pour menace son hospitalisation forcée s'il ne suit pas son traitement.

Cette mesure est susceptible de s'appliquer "à de très nombreux cas", écrit le quotidien, tout en se demandant si la psychiatrie publique, qui souffre d'un manque de moyens, sera en situation de l'appliquer.

Parallèlement, le projet prévoit un recours plus facile au juge des libertés et de la détention si le patient estime qu'il est victime d'une privation injuste de liberté.

Gérard Bon
, édité par Sophie Louet






L’IGAS saisie sur le suivi psychiatrique du « pousseur » du RER


Y a-t-il eu des dysfonctionnements des services médicaux, comme l’estiment la mère et l’avocate de l’homme de 28 ans qui a tué un voyageur du RER, le 2 avril, en le poussant violemment contre une rame qui entrait à la station ? Roselyne Bachelot a décidé de saisir l’Inspection des affaires sociales (IGAS), pour s’assurer que « tout a été bien respecté », précise-t-on au ministère de la Santé. La polémique est en tout cas relancée sur l’obligation de soins et la loi sur l’hospitalisation sous contrainte en cours de réforme (« le Quotidien » de ce 6 avril).

Le meurtrier présumé était, d’après son avocate, Geneviève Touati,« schizophrène et souffrant de troubles profonds ». Suivi au centre Les Murets, à La Queue-en-Brie (Val-de-Marne), il avait refusé en février l’injection mensuelle que prévoyait son traitement. Sa mère aurait alors alerté les services médicaux et la police, mais, affirme Me Touati, « la réponse donnée n’a pas été à la hauteur de la situation ».


« Aucun tiers ou membre de sa famille n’a fait la demande pour qu’il soit hospitalisé sous contrainte,
précise le ministère de la Santé. Il n’était donc sous le contrôle d’aucun établissement de soins. »


La mère du jeune homme, qui l’hébergeait, avait signalé le cas à la mairie de Fontenay-sous-Bois, où elle réside. La mairie avait alerté le psychiatre traitant et le commissariat et, le 23 mars, conseillé à la mère de prévenir la police. Cette dernière est intervenue dans l’appartement et a emmené le jeune homme puis l’a relâché. « Lors d’une intervention à domicile de ce type, le seul fondement pour une hospitalisation sous la contrainte est une demande de la famille, d’un tiers ou du maire », a rappelé à l’AFP la préfecture de police, ajoutant qu’« à la date du drame, cette demande n’avait pas été formulée ».

› R. C.
Quotimed.com, le 06/04/2010






05-04-2010
Michel Bénézech: "Notre législation est inadaptée"

Michel Bénézech, psychiatre, expert en psychiatrie criminelle, revient sur le meurtre d'un usager du RER, poussé sur la voie par un déséquilibré, et les conséquences de cet acte.


Le drame du RER A ne met-il pas en lumière la question du suivi des personnes souffrant de graves pathologies mentales ?
Je pense qu'il serait injuste et maladroit de jeter l'opprobre sur le corps médical dans cette affaire. Il faut dire ce qui est : en terme de suivi des personnes présentants des troubles psychiatriques lourds, nous avons une législation inadaptée. Je n'accuse personne, mais c'est le cas. Dans ma carrière, des affaires similaires à celle du RER A, où les proches avaient prévenus les autorités sur la dangerosité d'une personne, j'en ai vu des centaines. A force de faire du juridisme et de l'administratif, on provoque des catastrophes. Les chiffres parlent pourtant d'eux mêmes : sur 100 personnes, il y a un psychotique, et sur 100 meurtriers, il y a dix psychotiques.

Que préconisez vous ?
Au lieu de légiférer à tour de bras sur des lois complexes et multiples, allant du code pénal à celui de la santé publique, il faudrait une loi unique de défense sociale, de traitement et de réinsertion. L'objectif visé serait que toute personne qui a commis des actes graves sous l'emprise de troubles psychiatriques, et qui serait jugé comme tel par une commission ad hoc, pourrait être soumis à un contrôle médico-judiciaire régulier et obligatoire. Avec une loi efficace, on pourrait prévenir et éviter des drames, particulièrement lorsque l'entourage signale aux autorités des comportements suspects.






Mis à jour 08-04-2010

"Ne vous croyez pas menacés par les malades mentaux"

Qui sont les "pousseurs" ? Quel suivi pour les personnes souffrant de troubles psychiatriques ? Gérard Lopez, psychiatre, expert auprès des tribunaux a débattu avec les metronautes.

Fredo : Bonjour. A votre avis le drame du RER aurait-il pu être évité ?
On sait que les schizophrènes qui arrêtent leur traitement rechutent. Ceux qui ont commis des actes graves peuvent en commettre d'autres et méritent une surveillance soutenue. Mais il est impossible de prévoir un acte de violence. Dans le cas de ce patient, il aurait fallu que les personnels du secteur alertés par sa mère tentent de le rencontrer pour lui donner son traitement ou à défaut l'hospitaliser sans consentement. Mais c'est plus facile à dire après parce que le secteur psychiatrique est débordé et manque de moyen.

Mina : J'ai lu, dans votre article, qu'il était question d'une personnalité de "pousseur". Peut-on vraiment parler de personnalité ou de passages à l'acte très particuliers ?
Il n'y a pas de personnalité "pousseur", souvent ce sont des psychotiques (schizophrènes) qui se sentent persécutés et entendent des voix qui leur commandent d'agir.
La psychiatrie manque de moyens en hommes surtout : on forme peu de psychiatres depuis de nombreuses années et la situation risque de devenir très préoccupante.

Lolo77 : C'est quoi au juste la schizophrénie ?
Une maladie psychiatrique qui atteint 1 % de la population. On pourrait dire que c'est un délire flou d'adolescent ou jeunes adultes perdus dans leur monde coupé de la réalité et qui nécessitent des soins précoces pour éviter une invalidation avec désocialisation.

Sally : Si on est témoin d'une telle scène, ou de quelqu'un d'agité qui semble dangereux, comment faut-il réagir ?
Bien entendu, si on peut maitriser la personne... mais il faut aussi appeler les secours et alerter la police.

Inès : La psychiatrie a-t-elle vraiment les moyens de soigner ce genre de personne ?
Oui, la psychiatrie dispose de moyens pour soigner la schizophrénie : des médicaments antipsychotiques efficaces et des psychothérapies institutionnelles et individuelles.

Nuck : Ce genre de criminel est-il irrécupérable ?
Non, mais il faut faire en sorte qu'ils n'arrêtent pas leur traitement comme ils ont tendance à la faire parce qu'ils nient être malades ou qu'ils ne supportent pas les désagréments des médicaments (ralentissement, sécheresse de la bouche, constipation, etc.). Ce type de surveillance est difficile et nécessite une coopération entre le secteur psychiatrique et la famille. En cas d'arrêt du traitement, il faudrait hospitaliser le malade sans son consentement, comme prévu par la loi.

Apple : Si la psychiatrie peut soigner comment se fait-il qu'il y ait autant de malades dans les rues, dangereux en plus ?
Les schizophrènes ne sont pas beaucoup plus dangereux que les gens dits normaux. On exagère leur dangerosité. Seul un petit nombre est dangereux, ceux qui commettent des actes violents quand ils rechutent.

Ninio : Ca arrive souvent la situation de non assistance dans laquelle s'est trouvée la maman du pousseur ? Silence de l'hôpital, de la police... On fait quoi dans ces cas là ?
En ce qui concerne ce cas particulier, j'ignore s'il y a eu un dysfonctionnement : l'enquête le dira et elle servira peut être de modèle pour améliorer les choses. Je dois dire qu'il est possible de faire appel à un psychiatre au moment de la garde à vue comme cela est organisé dans le 93 et le 91 par exemple, et ce dernier peut alors faire hospitaliser une personne dangereuse en urgence contre son consentement.

Miche : Un nouveau projet de loi prévoit des soins forcés pour les malades psychiatriques. Qu'en pensez-vous ?
Cela existe depuis toujours et c'est une nécessité. On peut faire hospitaliser un malade qui a besoin de soins urgent à la demande de la famille par exemple ou un malade dangereux.

Sandro : Le pousseur est-il "irresponsable" pénalement d'après vous ?
Cela me parait probable s'il délirait parce dans ce cas son discernement était aboli : ce sont des experts psychiatres qui en décideront à la demande des autorités judiciaires.

Apple : Qu'est-ce la mère de ce garçon aurait pu/dû faire ? De façon générale, comment éviter de tels drames ?
Il semble que la mère se soit démenée et qu'elle ait fait ce qu'elle a pu. J'ai cru comprendre que la police s'était dérangée à son domicile et qu'elle avait trouvé un malade calme. Peut être aurait-il fallu que la police fasse appel à un psychiatre sur réquisition comme cela peut se faire, notamment dans le 91 et le 93, mais aussi ailleurs. Le psychiatre aurait pu décider de faire hospitaliser le malade. Mais c'est plus facile à dire après que sur le moment, les policiers n'étant pas médecins.

Jony : Le pousseur a t-il conscience d'avoir commis un crime ? Que va-t-il se passer pour lui maintenant ?
S'il en a conscience, il est partiellement responsable et sera jugé. S'il croit qu'il était menacé son discernement était aboli, il ne sera pas jugé. Ce sont les experts qui en décideront. Après traitement, il comprendra qu'il obéissait à un délire.

Nickup : De quelle façon faudrait-il légiférer à votre avis ?
Comme je viens de le dire : responsable partiellement ou irresponsable.

Apple : La psychiatrie ne manque t-elle pas de trop de moyens pour pouvoir vraiment répondre à sa mission ?
Si, la psychiatrie manque de moyens en hommes surtout : on forme peu de psychiatres depuis de nombreuses années et la situation risque de devenir très préoccupante.

Mufa : Travaillez-vous vous aussi avec des schizophrènes ? Comment les soignez-vous ?
Le traitement de la schizophrénie est bien connu, codifié, efficace : il est le pain quotidien du psychiatre hospitalier.

Ilanne : Quelle est votre analyse de ce drame en tant que psychiatre.
Il faudrait pouvoir surveiller les schizophrènes qui deviennent violents quand ils arrêtent leur traitement et pour cela avoir plus de moyens en hommes

J'ai passé un bon moment avec les lecteurs de Metro. J'espère avoir contribué à éclairer leurs lanternes. Si certains d'entre eux veulent en savoir davantage, qu'ils lisent le "Dictionnaire des Sciences criminelles" paru chez Dalloz ou "psychocriminioloie" paru aux éditions Dunod. Bonne journée à tous : ne vous croyez pas menacés par les malades mentaux, mais plus par la circulation routière par exemple : soyez prudent.

Marie Morizot
Metrofrance.com

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