vendredi 23 avril 2010







ACTUALITE MEDICALE

Le mal être psychique à la lumière du passé…
Publié le 21/04/2010

Florissante aux États-Unis où elle fait l’économie de la nosographie et des structures mentales classiques, la « nouvelle psychiatrie » délaisse la psychanalyse pour les neurosciences, les enquêtes épidémiologiques, les TCC et le « sacro-saint » DSM. Mais paradoxalement, plus elle s’éloigne de l’héritage freudien, et plus cette nouvelle vision de la psychiatrie contribue parfois à le revaloriser ! En effet, l’apport de Freud peut se résumer par un modèle où les maladies mentales s’enracinent essentiellement dans l’enfance, le passé d’un sujet déterminant et éclairant son évolution future, comme les vicissitudes de l’Histoire permettent de comprendre l’actualité, à l’échelle des peuples. Or une étude portant sur un échantillon représentatif de 9 282 adultes (et fort coûteuse, puisque chacun de ces participants fut rémunéré 50 $ pour sa collaboration) permet de confirmer cette conviction évidente pour tout « psy à l’ancienne », à savoir que les aléas biographiques ayant émaillé l’enfance (childhood adversities) entraînent des séquelles psychiatriques !

Cette étude permet du moins de quantifier ce truisme : un vécu douloureux dans l’enfance est associé à environ « 45% des problèmes de santé mentale précoces et à près du tiers des troubles plus tardifs ». Les épreuves les plus marquantes dans l’enfance proviennent surtout des dysfonctionnements familiaux (que les auteurs désignent par l’expression explicite maladaptive family functioning : fonctionnement familial inadapté). Et sans surprise, ce contexte familial prédisposant comporte des antécédents de maladie mentale chez le père ou /et chez la mère, une addiction (alcoolisme, toxicomanie), un passé judiciaire. Autres facteurs, les épreuves concernant l’enfant lui-même : violence intra-familiale, maltraitance, carences éducatives, abus sexuels… Si des « associations significatives » entre ce type d’évènements dans l’enfance et une problématique psychiatrique à l’âge adulte sont documentées depuis longtemps, les études précédentes se focalisaient souvent sur un seul de ces aléas biographiques (par exemple le décès précoce d’un parent) et sur une seule conséquence pathologique dans l’évolution de l’enfant (généralement la dépression). L’intérêt de cette nouvelle étude consiste notamment dans son aspect multifactoriel : elle montre qu’il faut tenir compte de la globalité des épreuves traversées dans l’enfance, pour mieux cerner leurs interactions et leurs effets ultérieurs sans surestimer pour autant, comme certaines études antérieures, l’incidence d’un seul facteur isolé.

Dr Alain Cohen

Greif Green J et coll. : Childhood adversities and adult psychiatric disorders in the National Comorbidity Survey Replication I. Arch Gen Psychiatry 2010 ; 67 (2) : 113-123.

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