samedi 20 mars 2010

Mes notes du cours de Jacques-Alain Miller des 17-02 et 17-03

mbelilos


http://mbelilos.wordpress.com/2010/03/17/notes-du-cours-de-jacques-alain-miller-du-17-mars/











Jacques-Alain Miller,
au Théâtre Dejazet à Paris,
le 17 février 2010


17-02 « Vie de Lacan »
J’essaie d’attraper Lacan par le trop, par le plus, et maintenant j’essaie de l’attraper par le un, le un dont il a fait abondamment enseignement.A vrai dire, j’ai toujours essayé d’attraper Lacan. J’ai essayé de l’attraper pendant des années de l’attraper par son enseignement, conçu comme ce qui demandait à en être transmis, dans la mesure où cet enseignement – qui avait fait sensation sur le moment- offrait néanmoins un certain nombre d’obstacles à être entendu comme je pensais qu’il devait l’être. Et j’ai été moi-même attrapé dans cette explication de Lacan.

Le moment était venu de m’affronter à ce qui reste intransmissible par l’explication, à savoir une singularité que j’ai toujours reconnue, admise, à laquelle je me suis plié, dans la dimension de la relation personnelle : « Ca c’est Lacan, je ne le changerai pas ».

Donc je l’ai profondément admis, admis dans sa fantaisie, comme le prix à payer pour ce qu’il pouvait délivrer de savoir et de révélation.

C’est un fait que, si je me retourne sur le passé, j’ai été hostile à ceux qui lui faisaient des problèmes, j’ai dû penser qu’il méritait qu’on ne lui en fasse point, et qu’on dégage la voie sur laquelle il s’avançait.

J’ai donc adopté ses détestations, ses animosités et je me suis, moi-même, efforcé – je ne pourrais dire mieux que par cette expression commune – je me suis efforcé de lui simplifier la vie. J’ai aspiré certainement à ne pas être pour lui un problème. Évidemment, il n’était pas en mon pouvoir de m’effacer concrètement comme problème. Si j’y repense, j’en fus un, fugitivement.

Un soir de la Saint Sylvestre, à Guitrancourt, nous roulions dans une voiture conduite par sa fille. C’est une nuit où un certain nombre de personnes sont avinées, il faut croire. Le véhicule où je me trouvais fut percuté violemment par l’arrière et moi, qui occupais la place du passager, je fus projeté contre le pare-brise. Pendant que le chauffard s’éclipsait, la partie droite de mon occiput se mit à gonfler, jusqu’à atteindre des proportions importantes, et quand la police arriva, on jugea indispensable de me conduire à l’hôpital, alors que j’étais parfaitement conscient, histoire de s’assurer d’éventuels dégâts qu’avait causés le choc.

On me laissait entrevoir que, peut-être, j’avais un traumatisme fatal à mon intelligence. On me déposa donc dans la nuit dans une salle où hurlaient un certain nombre d’infirmes victimes de tels traumatismes, et je me dis que je n’en avais peut-être plus pour très longtemps à être lucide, ce qui fait que je m’emparai d’un ouvrage que je promenais avec moi, l’Ethique de Spinoza – je lisais ça à 20 ans- et je me dis que ce serait une belle fin que de s’éteindre au milieu du LivreI I .

La conductrice du véhicule alerta son père de ce qu’il m’était advenu, que j’étais retenu entre la vie et la mort de mon intellect, à l’hôpital de Mantes-la–jolie. Elle me communiqua la réaction du-dit Lacan sur le moment, la réaction « ex tempore », réaction qui me resta gravée jusqu’à aujourd’hui et qui fut la suivante : « Tout pour m’emmerder ».

Le Docteur Lacan, arguant de sa qualité de médecin, se déplaça à mon chevet quelques moments plus tard et, m’observant en train de lire L’Ethique de Spinoza, recommanda que je sois immédiatement libéré. Et, avec mon énorme bosse, et en dépit de celle-ci, je fus relâché.

Depuis lors je n’ai pas gardé de séquelles de cet incident, je n’ai pas gardé de séquelles qui du moins m’empêchent de paraître devant vous.

Mais j’en ai gardé l’idée que ce n’était pas la compassion qui était le premier mouvement de Lacan, et que ce type d’incident, il le rapportait avant tout, sinon à lui-même, au moins à savoir si ça constituait ou non un obstacle ou une aide dans le chemin qu’il traçait.

Tout le temps que je l’ai connu, c’est-à-dire, 16 années, je me suis employé à ne pas l’emmerder, et à faire en sorte que beaucoup d’événements qui avaient lieu autour de lui – je l’ai connu à ce moment-là dans son école- lui fassent le moins de difficultés possible. J’ai été en rapport actuel, vivant, avec quelque chose du un de Lacan, avec un certain « unisme » de Lacan, qu’au fond j’ai non seulement parfaitement supporté, mais que j’ai trouvé allégeant, allégeant de me véhiculer dans une zone où l’altruisme était envisagé comme illusion. Et pour tout dire ça m’a donné à un certain goût du réel.

Si j’ai donné d’abord, à l’orée de ce cours, un moment aux « Vies de Plutarque », c’était pour déjouer l’attente d’une biographie à la mode scientifique ou pseudo- scientifique, qui aurait déroulé une chronologie . Une Vie à l’antique est faite pour fixer une position subjective, dans le registre de l’éthique. Qu’est-ce que l’éthique ? C’est un rapport aux valeurs, comme on dit , mais au fond l’éthique c’est un rapport à la valeur de jouissance. Ce rapport, c’est celui que je vise sous le nom de « Vie de Lacan ». Seulement, il y a un os. C’est que « L’éthique de Lacan » s’inscrit en faux contre l’éthique que nous héritons de notre tradition antique et chrétienne. L’éthique de Lacan, si on la juge, si on l’étalonne au regard des siècles, c’est une éthique déviante, elle est – je l’ai souligné- à l’opposé de l’éthique traditionnelle. Car l’éthique de Lacan repose sur la négation de l’axiome « mèden agan »[ Μηδέν Άγαν], rien de trop.

Et de ce fait, se dessine une autre voie qu’on pourrait vouloir emprunter, et qui consisterait à tenter une psychanalyse de Lacan. Comment ne pas y penser puisque Lacan est psychanalyste ? comment ne pas être titillé par l’idée d’interpréter Lacan, il faut reconnaître qu’il s’y prête. Sans doute, n’a-t-il rien laissé qui ressemble à une autobiographie, mais à partir de 1951 et jusqu’à sa mort- 30 ans plus tard-, il a fait séminaire.

Il s’est voué à parler pendant près de 20 ans toutes les semaines, et puis ensuite à partir du séminaire XVII, tous les 15 jours.

Je me souviens du moment où, devant moi, il soupirait de la charge que lui donnait ce séminaire, je lui suggérai qu’il ne tenait qu’à lui de le donner tous les 15 jours. Il ne me répondit pas, mais je constatai à la rentrée suivante qu’il avait détendu son rythme.

Nous avons de ce qu’il pouvait penser un témoignage hebdomadaire, sur presque 30 ans.

Ces Séminaires se déroulaient comme une quasi-improvisation, sur la base d’un canevas, préparé, encadré, il lui arrivait souvent de préparer autre chose, et quand c’était dans le même fil, de laisser de côté un certain nombre de développements qu’il aurait pu faire.

Peut-on parler durant 30 ans en improvisant sur un canevas sans se trahir ? Et c’est sans doute ce qui a lancé sur sa trace un certain nombre d’élèves qui font la chasse à ses lapsus ou à ses erreurs. Comment n’y en aurait-il pas ? Ils m’en veulent aussi de gommer ces lapsus et ses erreurs dans la version que je donne de cet enseignement.

Il est très singulier que la pensée de Lacan ait pris la tournure du Séminaire, bien qu’on y soit aujourd’hui habitué. C’est qu’il avait le désir, qu’il a explicité, d’apporter à chaque fois du nouveau, de ne jamais répéter ; ce qui veut dire que l’enjeu pour lui à chaque fois était de surprendre. Il se campait dans la posture, qui était celle dans laquelle on l’attendait, d’un fauteur de surprises. Et surprendre, c’est déjouer la prise. Jusqu’à 80 ans, depuis l’âge de 50 ans, il a à la fois voulu se présenter devant un public, s’exprimer, et rester insaisissable. Il y avait là une attente d’autant plus intense qu’on le savait imprévisible. Sans doute, il n’y avait pas que son Séminaire, il lui arrivait d’écrire, mais son Séminaire était néanmoins son exercice majeur, son mode d’expression privilégié, au point que lui-même a pu présenter ses Écrits comme un sous-produit de son Séminaire ; comme des rebuts de son élaboration qu’il avait déposés dans son écriture, ou bien parce qu’il n’avait pas trouvé le temps de les développer en public, ou parce qu’il avait eu le sentiment qu’à les développer, ils seraient accueillis avec réticence, et qu’il lui fallait insister, qu’un point sensible était touché qui demandait à être cerné par l’écriture. Et donc, s’il a été parfois son propre Platon , c’est tout de même le mode oral de l’enseignement qui a marqué la vie de Lacan à partir de ses cinquante ans, et le mode oral implique que c’était devant un public. Il n’était pas tenu de s’exprimer devant un public, ce n’était pas un universitaire. Il y avait là un choix, un choix de penser en public, de rapporter en public, pour un public ce qu’il avait pu penser, et je prends au sérieux l’expression qu’il avait pu avoir pour qualifier ce qu’il accomplissait là, quand il parle de l’exploit – c’est son mot- que représente chacune des leçons de son Séminaire. L’exploit, il faisait un exploit hebdomadaire, ce mot le montre attaché à une position que je qualifierai de triomphe. Il y avait chez Lacan un goût, un appétit de triomphe, dans ce que représentait le public. Ce public, je dirais c’était le sens commun. Ce fut d’abord le sens commun des psychanalystes, quand l’auditoire était concentré sur ses élèves, les membres de la Société française de psychanalyse – la SFP- et quelques petits apports extérieurs. Ensuite, quand il déplaça son séminaire à l’Ecole Normale supérieure, ce fut le sens commun de la masse cultivée, la masse intellectuelle, – disons le sens commun du Quartier latin. Le public où il s’agissait d’obtenir un triomphe, contre une masse de préjugés, c’est à ça qu’il s’adressait : la concrétion du prêt-à-penser, c’est cet Autre-là qu’il s’agissait de stupéfier, de bousculer, de déjouer. Une fois qu’il avait apporté le nouveau qui n’était pas préinscrit dans les préjugés et qu’à sa façon il avait fait passer, après-coup le public se trouvait habité d’un massif « Je n’en veux rien savoir », comme animé d’une mauvaise volonté, comme le lieu du refoulement. Le public de Lacan, c’était pour lui l’incarnation du refoulement. Ce qui veut dire que sa position à lui, était celle du « retour du refoulé ».

Quand je dis « public » cela demande à être nuancé, car le public c’était aussi lui-même, le public figurait aussi bien ce qu’il avait déjà pensé et enseigné. Le public matérialisait en quelque sorte sa propre conversion de sa pensée en inertie. En triomphant du public, de sa réticence, de son incompréhension, en médusant le public, c’était avec lui-même qu’il débattait, ce qu’il m’est arrivé d’appeler jadis « Lacan contre Lacan ». Un séminaire de Lacan, c’était la déprise de Lacan, ce par quoi Lacan n’était pas lacanien. Comme il l’a dit lui-même, être lacanien, il laissait ça aux autres, à ceux qui se nourrissaient de ce qu’il avait pensé avant. Le triomphe, c’était le résultat espéré de ce que chaque séminaire comportait de forçage, Lacan ne s’occupait pas de donner à penser, il se vouait à interrompre la routine de la pensée. Au fond, répéter à l’identique lui paraissait toujours être marqué d’un oubli. Et donc, ce n’est pas répétition que de repenser, en revenant à l’origine. Si son enseignement a pu à un moment se placer sous le slogan de retour à Freud, c’est un mouvement qui s’inscrit comme démenti à la répétition. Retour à Freud n’était aucunement répéter Feud, retour à Freud voulait dire repenser Freud. Dans cette « repensée », il y avait un élément qui ne peut pas complètement être voilé, un certain triomphe sur Freud, repenser Freud mieux que Freud n’avait pensé. De telle sorte que chaque leçon du Séminaire, que la forme du livre invite à lire, comme dans la continuité avec ce qui précède et comme un préliminaire à ce qui suit, chaque leçon de séminaire est un franchissement. C’est en quoi la forme livre n’est qu’un dépôt de ce qui se jouait semaine après semaine. C’est bien cette allure de franchissement donné à l’enseignement, qui autorisait Lacan à dire qu’il faisait la passe constamment. Chaque leçon du séminaire vaut comme clôture de ce qui a été dit, comme point de vue d’après-coup, par rapport à quoi Lacan ne s’oblige pas du tout à la continuité mais jouit des libertés que l’après-coup délivre. Autrement dit, chaque prise de parole de Lacan était supportée par un « Je me sépare », « je me sépare de ce que j’avais pensé et dit . »

Pour le suivre il faut recomposer ce processus par quoi il avance par ruptures incessantes, qui sont camouflées, qui sont camouflées par la revenue des même signifiants. De telle sorte qu’il peut paraître qu’il redit la même chose, parce qu’il emploie les mêmes mots, si on est plus attentifs, on s’aperçoit que la disposition de ces mots, leur articulation, leur mode de faire système, est incessamment modifié.

Ce n’est pas une psychanalyse de Lacan qu’il s’agit de tenter, c’est de cerner sa position d’énonciation, et si on la cerne au plus juste, on est amené à dire ce qui m’est venu la dernière fois, que cette position est celle d’un seul contre tous, et ce tous, contre lequel il se dresse, inclut lui-même . L’insistance avec laquelle il revient sur ses axiomes électifs -la structure de langage de l’inconscient, le signifiant qui représente le sujet pour un autre signifiant- toutes ces formules où il ressere sa visée, l’insistance même qu’il met à forger des formules et à les faire revenir, tout cela dénonce, démontre, le caractère ondoyant, labile, de son approche. Les Ecrits viennent comme des fixations, qui sont comme des repères, dans ce qui est tissé, de coupures et de revirements et modifications incessantes. Son énonciation de « seul contre tous, y compris moi-même » est essentiellement polémique, elle se pose contre. Elle va jusqu’à le diviser contre lui-même. Ce qui a faire surgir, pour qualifier la position d’énonciation de Lacan, le terme de solitude. Lacan n’a nullement aspiré à être chef d’école. Si on a cette illusion, si c’est le Lacan qu’on décrit le plus souvent, le Lacan directeur de l’Ecole Freudienne de Paris, entre 1964 et en 1980, qu’il fonda et décida de dissoudre, – si c’est ce portrait que l’on conserve, c’est qu’il a accédé à la notoriété, à la très grande notoriété en 1966 avec la parution de ses Ecrits, le déplacement de son séminaire à l’Ecole normale supérieure en 1964, et la fondation de l’Ecole freudienne en juin 64. C’est dans cette conjoncture que Lacan a été livré au public, qu’il est devenu un homme public. Et donc, si on le photographie à ce moment-là, si on le filme pour les années qui ont suivi, on en fait un portrait en chef d’école, en roi, ou en dictateur.

Le Lacan que je présente, celui dont je crois pouvoir recomposer la position n’est cela que secondairement. Mon Lacan, si je puis m’exprimer ainsi, c’est d’abord un solitaire et j’en vois le témoignage, dans la phrase fameuse, par laquelle il commente la création de son Ecole. Je ne dis pas l’Ecole Freudienne de Paris, car il l’avait nommée d’abord -vous pouvez vous reporter aux textes parus- l’Ecole française de psychanalyse, mêmes initiales EFP. Il ne l’avait pas nommée tout de suite l’Ecole freudienne de Paris, car il se méfiait. Il n’avait pas la moindre confiance, au départ, dans ceux qui allaient se placer sous ce drapeau. Comme il l’a dit : « J’avais gardé ça en réserve », histoire de voir ce que ça allait provoquer, cet appel qu’il lançait. Il avait pris toutes les précautions surtout pour que ce ne soit pas du tout démocratique. Il en avait déposé les statuts, avec un conseil d’administration tout à fait extérieur au milieu analytique, sur lequel la foule- la foule réduite, ça faisait 500 (?)personnes – qui allait peupler cette invitation, n’avait aucune prise. Ce n’est que quelque dix ans plus tard, que quelqu’un s’aperçut, en effet, que le conseil d’administration était composé de la première femme de Levi-Strauss, de Merleau-Ponty qui était décédé et de quelques autres noms tout à fait étrangers au milieu, et qu’entretemps l’on s’était gardé de toutes les procédures des lois et réglements de la loi des associations de 1901. Ca a fait tout un ramdam et ce n’est que plus tard que furent rédigés des statuts conformes aux lois en vigueur. Lacan avait commencé son école par la méfiance, la méfiance à l’égard des autres, et il tenait avant tout à préserver sa liberté d’action, sans se lier les mains par des formes très strictes.

Ce qu’il a pu formuler de sa volonté d’être Autre malgré la loi se vérifie au moment même de la fondation de l’Ecole freudienne de Paris, quand il dit : « Je fonde l’Ecole française de psychanalyse de Paris », alors qu’il fonde l’Ecole freudienne de Paris. Là se place une incise qui a retenu mon attention : « Je fonde, aussi seul que l’ai toujours été dans ma relation à la cause psychanalytique… ». « Aussi seul que je l’ai toujours été », c’est une incise qui avait à l’époque – en juin 1964-, sa valeur d’actualité. Certains de ses élèves parmi les plus notables, – ceux qui se considéraient eux-mêmes comme de jeunes maîtres – étaient sur le point de s’associer entre eux, pour fonder l’école où serait abrité Lacan. Ils avaient renoncé à être membres de l’Association Internationale de Psychanalyse, l’IPA, à passer par les fourches caudines qui avaient été disposées à cette fin, et ils admettaient qu’il ne le seraient jamais. Mais en retour, ils entendaient, eux, petite oligarchie, fonder une école.

L’Acte de fondation de Lacan, ce fut un court-circuit, ça avait la valeur « de moi, pas vous », « c’est moi qui fonde, pas vous ». « Aussi seul que je l’ai toujours été, vous ne me faite pas compagnie, je ne le fais pas avec vous ». J’en assez senti l’accent pour, par la suite, insister sur le syntagme « L’Ecole de Lacan ». Parce que Lacan avait présenté son Ecole comme fondée par lui, aussi seul qu’il l’avait été, j’avais considéré que ce qui s’inscrivait dans cette dynamique, ne devait pas me la faire considérer comme l’école de ceux qui sont dedans , mais comme procédant de l’Acte de fondation de celui que j’appelais un « solitaire ».

Dans les Autres Ecrits, son « Discours à l’Ecole freudienne de Paris », fin 1967, rédigé en 1968, où Lacan plaide pour sa proposition de la passe, répercute sa solitude initiale, puisque ce qu’il énonce à ce moment est en rupture avec toutes les formes convenues aux yeux de ceux qu’on appelait « les titulaires de société ». Dans le débat qui précède son discours – un document que je pourrais peut-être publier, Lacan s’en était servi pour composer son discours, et, n’en ayant plus usage il me l’avait donné à tire documentaire – dans ce débat quelqu’un lui faisait reproche. Et Lacan répond, page 263 : « Si j’étais seul, seul à fonder l’Ecole [....]me suis-je cru le seul pour autant ? Je ne l’étais plus, du moment même où un seul m’emboîtait le pas, pas par hasard celui dont j’interroge les grâces présentes. » Il visait celui qui lui faisait reproche de s’être dit aussi seul. « Avec vous tous pour ce que je fais seul , vais-je prétendre être isolé ? »

Ce passage, je l’ai trouvé sophistique. Lacan dit, « Je ne suis plus seul dès lors qu’un autre dit, je te suis. » Au fond, ça ne dément pas, mais ça confirme que ce qu’il fait, il le fait seul. C’est précisemment parce qu’il le fait seul qu’on est porté à croire à être le seul à le suivre, et le reproche fait à Lacan d’être seul , de se croire seul , recouvre l’infatuation d’être seul à le suivre. Lacan a beau jeu de formuler :« Il n’y a pas d’homosémie entre le seul et seul ». Homosémie, ça veut dire, ça n’a pas la même signification. Ca ne dément pas sa position d’avoir été seul, et de l’avoir toujours été dans la psychanalyse. En quoi, n’y a-t-il pas homosémie ? L’énoncé « Je suis seul », veut dire « il n’y en a pas d’autre ». L’énoncé :« Je suis le seul » ne peut se poser que dans la mesure où je suis en rapport avec tout ce qu’il y a , et par rapport à ce nombre, je me distingue comme « le seul à faire ceci , le seul à être capable..». Ce que Lacan souligne, c’est qu’en effet, en fondant une école, il est passé de la solitude à la primauté. « Ma solitude, c’est justement à quoi je renonçais en fondant l’Ecole ». Là, je me contente de prendre Lacan à la lettre. Je ne piste pas un lapsus, je suis un écrit de Lacan, tous les termes confirment que c’est ainsi qu’il pense sa position. Fonder une école pour lui, ça a été échanger la solitude vraie pour la primauté. Jusqu’en 1964, Lacan a pensé et a agi dans la solitude. On peut dire que c’est à cette date que commence la calomnie, qu’elle prend son essor, et que l’on décrit un Lacan attaché à écraser les autres.

Rien n’est plus loin de ce que l’on peut percevoir du désir de Lacan, sinon de sa passion, sa passion, ce dont lui-même a pâti. La calomnie a commencé avant. Il ne faisait rien comme les autres. Il faut apercevoir que pour un Lacan, devenir chef c’est un renoncement. Pensez à ce personnage, certes un peu kitsch, mis en scène par Nietzsche, ce Zarathoustra qui vit dans sa caverne dans la montagne, et qui à un moment se met en route pour enseigner les autres. Il renonce à la solitude et ça lui coûte. Je m’appuie là-dessus pour dire que je ne repère pas chez Lacan la passion de dominer, de diriger en écrasant. La seule direction qui l’intéressait, c’était celle de son propre entendement.

La passion de Lacan, moi, j’en trouve l’index, l’indice dans les premières phrases de son écrit intitulé « Propos sur la causalité psychique », dans le recueil des Ecrits, page 152. Cet écrit, je ne sais pas s’il a été rédigé avant ou après les événements , marque le retour de Lacan devant un public au retour de la 2ème guerre mondiale. Pendant l’occupation, il avait gardé le silence. A la Libération, il livre deux petits écrits à caractère marginal l’un, « Le temps logique », et l’autre sur « La logique de la suspicion », qui figure dans les Autres Ecrits. C’est en 1946, avec: « Propos sur la causalité psychique » qu’il renoue avec un public en discutant avec son vieux camarade d’études Henri Ey de la causalité psychique. C’aurait pu être le début de son enseignement, mais ça attendra encore cinq ans.

C’est le moment où il sort de son silence. Il n’a pas été un héros, il a caché des résistants, mais ne n’a pas été lui-même. Dans la solitude, il a recomposé son savoir des mathématiques, son savoir du chinois, et il a pensé la psychanalyse, à quoi désormais il se vouait.

Une petite phrase m’a toujours frappé, comme étant l’indication d’une passion à lui, une phrase qui qualifie son attitude dans les années précédentes : « Je suis abandonné- d’après Fontenelle- à ce fantasme d’avoir la main pleine de vérités pour mieux la refermer sur elles. » Je ne vais pas développer sur la personne de Fontenelle [ 1657-1757] deuxième partie du XVIIème siècle, secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences, à qui l’on doit ces mémorables Entretiens sur la pluralité des Mondes, présenté de manière galante. J’avais à l’époque recherché le texte où figure "avoir la main pleine de vérités". Lacan confesse le ridicule de ce fantasme, il admet même que ça marque ses limites, il n’exclut pas que ce soit de sa part une défaillance par rapport aux exigences du mouvement du monde, et que sa recherche ait pu pâtir de cette position, de cet enferment dans la solitude du savoir, c’est pourquoi il parle de passion.

Cette notation indique la position primordiale de Lacan, comme étant la solitude dans son rapport à la vérité et au savoir. Le partage de la vérité que seul on a acquise, ce partage qu’on appelle l’enseignement de Lacan, c’est une concession faite aux autres en leur permettant d’assister à l’élaboration qui se fait seul.

Lacan qui crée une Ecole, Lacan qui crée des cartels, ce Lacan est aussi bien celui qui pense que ce qu’il fait, il le fait seul. Celui qui, à l’endroit du nombre, garde une méfiance d’aristocrate. Page 285, ( ?) des Ecrits, on a cette notation que j’ai évoquée la dernière fois, j’ai dit que je vous la donnerai comme citation, où Lacan dit « Faire état du petit nombre de sujets qui supportent la création serait céder à la perspective romantique ». Il se défend de céder à cette perspective, mais il l’énonce. C’est un petit nombre de sujets qui supporte la création. La création est d’un autre ordre que la répétition et la routine. Il a un mouvement de recul devant cette perspective, c’est romantique. Ce serait croire aux grands hommes, il n’y a pas à mettre en balance ce qui est de l’ordre de la qualité et ce qui est quantité. L’enseignement de Lacan prend justement sa valeur, dans ce mouvement contrarié d’ ouvrir la main pour savoir dispenser les vérités qu’on a élaborées seul. Quand il commence à enseigner, cinq ans plus tard, avec « Fonction du champ de la parole et du langage », il consacre un moment de son texte, à la fonction de l’enseigneur, et on ne peut pas se défendre d’entendre ici, seigneur de l’enseignement.

La fonction de l’enseigneur des notions qui s’amortissent, quand elles sont utilisées par le nombre, il faut en dégager le sens et pour en dégager le sens, il faut faire retour sur leur histoire.Faire retour sur l’ histoire, cela prendra la forme de son retour à Freud, d’un retour à l’origine de l’actualité, réflexion sur le sujet dans l’actuel, au présent. Son enseignement sera tendu entre ces deux pôles : Freud et l’aujourd’hui, ici et maintenant C’est ainsi que cette solitude, la solitude de Lacan, c’est une solitude qui s’est déployée avec Freud, ou sous l’égide de Freud.

Quel commentateur a-t-il été ? Il s’est mesuré à Freud. Il a d’emblée cherché ce qui manquait à Freud, ce que Freud avait manqué. Autrement dit, il n’a suivi Freud que dans la dimension de ce qu’il appelé, dans les derniers temps de sa vie- un « transfert négatif ». C’est déjà le casdans son écrit des « complexes familiaux » , où il utilise la notion de complexe, qu’il reprend de Freud, pour la généraliser. Quand il écrit « Au delà du principe de réalité », il reproche à Freud de restreindre l’objet de la psychologie, au fait du désir ; d’essayer d’écrire une relativité générale de l’objet de la psychologie. Ensuite, il cherchera à donner à la psychanalyse, un nouveau fondement avec le langage. Aussi, je vois la passion de Lacan traverser son enseignement, la passion qu’il subit d’être seul, et en même temps, son mouvement propre est celui d’échapper à la clinique, que promet la passion d’être seul.

Si Lacan a commencé par une clinique de la paranoïa, dans sa thèse de psychiatrie – c’est peut-être le premier concept sur lequel il a enseigné -, s’il a ensuite promu le thème de la connaissance paranoïaque, s’il a choisi dans Hegel de donner cette valeur au moment de la reconnaissance, c’est précisément parce que sa pensée s’est dressée contre la paranoïa. Sa passion d’être seul est précisément une « paranoïa renoncée », et son enseignement, sa doctrine du sujet, est précisément ce par quoi, il y a comme une cure de Lacan, et c’est la valeur également que je donne à la scission qu’il opère du moi et du sujet : le moi tel qu’il l’a cerné est gros de paranoïa, et le sujet tel qu’il a d’abord amené, est fonction de l’Autre, est fonction intersubjective.

J’en infère que le débat foncier de Lacan est son débat avec sa passion d’être seul, et à cet égard, de la même manière qu’il peut dire que Gide s’est accompli avec le message de Goethe, Lacan s’est accompli avec le message de Hegel, c’est-à-dire , avec une dialectique qui lui a permis de renoncer à la passion d’être seul, dès avant la fondation de l’Ecole freudienne de Paris, de renoncer à la méconnaissance qui va avec la passion d’être seul.

Je vous retrouverai le 17 mars.

Publié dans art, miller-lacan |



17-03
« Vie de Lacan »
Je me suis la dernière fois arraché cette phrase « la paranoïa renoncée de Lacan ». Ce sont des choses qui ne viennent pas ex-tempore devant vous, c’est quand je réfléchis à ce que je vous dirai. J’ai décidé de lâcher ça.

Ce mot de paranoïa accolé au nom de Lacan ne pouvait qu’inquiéter, certains s’en sont indignés. Je rassure les inquiets. Lacan n’était pas paranoïaque. Je prends tous les risques car la mémoire de Lacan est entourée de toutes les calomnies, fait partie du discours de Lacan ; elles sont moins suspectes que l’éloge de Lacan, qui repose sur des malentendus. Les calomnies ne vont pas assez loin, ce sont des calomnies au petit pied. Lacan mérite mieux. Il en sera ainsi jusqu’à la fin des temps. C’est un espoir qu’il reste inavalable, ingérable, dans la mort, comme il le fut dans sa vie. On s’en plaignait assez qu’il ne se laissât point manœuvrer, qu’il conduise les différends jusqu’ au point de rupture, qu’il soit immodéré, qu’il repousse les arrangements. Son enseignement est scandé par ses refus.Il ne prend pas son parti des résistances qu’il éprouve pour justifier quelque tempérament que ce soit. Il relance sa mise initiale en la maintenant indéfiniment au niveau de la même incandescence.

Le très beau vers classique « tel qu’en lui-même l’éternité le change ». Cette vie achevée révolue, on pense à ça ce changement en soi-même.Si on y réfléchit ce qu’on appelle une analyse a à voir avec « se changer en soi-même ».

Une analyse est faite pour vous « changer en vous-même », c’est la visée d’une analyse, de lever les refoulements, on entrevoit des vérités pour qu’émerge le « tel qu’en soi-même » qui se laisse cerner en 5 heures de temps, 5 heures d’énoncés clairs dans ce qu’on appelle « la passe » où l’on tire les leçons de ce qu’elle vous a appris, ce qu’elle vous a changé.

Bien au-delà d’un diagnostic, qui n’est qu’un fait de classement.

La clinique n’est , qu’un ensemble de tiroirs névro-psycho, faite pour rassurer le thérapeute.

L’analyse on peut le constater au-delà de la clinique, on rabat, on lamine, ce que l’expérience psychanalytique a de plus aigu. C’est la valeur que je donne au « tout le monde est fou », ça porte vers un au-delà de la clinique ; ça dit que tout le monde est traumatisé. Il y a quelque chose qui et pour tout le monde, pour l’ensemble de ce qui parle. Pour ceux qui ont la parole « fonction et champ ». ce qu’il y a pour tout cela c’est un trou.

Lacan n’a pas cessé de le présenter, c’est au niveau de tout le monde, de l’universel, de la nécessité. Et ça on peut le démontrer, quand on pose les axiomes de l’ordre du démontrable. Lacan a utilisé le tableau pour démontrer cette nécessité d’un trou dans ce qu’il a appelé « l’univers du discours »

Il m’est arrivé d’exposer ce que la logique du signifiant de l’univers du discours, que cet univers manque de fondements, tremble sur sa base.

Trou discursif se répercute comme ouverture. Trou et ouverture sont corrélatifs. Quand vous écoutez quelqu’un en analyse, vous repérez ce trou, différent pour chacun. Cet énoncé universel se différencie au niveau de chacun, pas du registre de la nécessité, mais de la contingence, ça se constate, pour le sujet ca se rencontre pour tout le monde. Il y a cette place faite au hasard dont une rencontre primordiale qui s’inscrit à la place de ce trou nécessaire et ensuite développe ses effets.

Ceux qui viennent en analyse pâtissent d’un trou discursif nécessairement livrés à la contingence. Ce que je distingue du trou « ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire, c’est un impossible » et le contingent vient en opposition. Ce qui ne cesse pas,de ne pas s’écrire, ça diffère toujours, ça s’analyse, un par un, tout le monde est fou, ce n’est pas comme dire : « toutes les vaches sont grises ou noires ». Chacun l’est de façon singulière.

A proprement inclassable. Lacan n’a pas inventé la passe pour qu’on classe les sujets.

Il n’y a qu’un classement « le tout le monde est fou ».

De quelle façon c’est compatible avec ce que le sujet fasse,au niveau du « tel qu’en lui-même » pour que ça se dépose, chacun est une exception. Ce que nous appelons du nom propre de Lacan, Jacques Lacan, 1901-1981, c’est quelqu’un dont il est patent que de son vivant, il s’est assumé comme une exception, c’était sa façon de renoncer à la paranoïa.

C’est comme ça que je traduis : « il y a de l’Autre malgré la loi » ». Ça évoque pour moi, un couplet que je voulais placer, un mot d’esprit de Martin Heidegger sur Aristote : « Aristote est né, il a vécu, il est mort ». C’est l’essence d’une biographie.

Je vois là que ironie supérieure. Ce qui tient à la vie organique, animale, n’est rien à côté de la pensée, il ne se distingue pas des autres animaux. Ces 3 phrases disent implicitement que la pensée vient de surcroît à cette vie.

Rien n’est plus distinct de la perspective psychanalytique de ce qu’est une vie. Selon une modalité qui n’était qu’à lui, sa pensée avait affaire avec sa jouissance.
Aristote auquel Lacan n’a pas cessé de se rapporter. Aristote à portée de sa main, dans sa vie il n’y avait que ça.

Dans la bibliothèque du Dr Lacan, à un endroit, à côté de la porte d’entrée, il y avait les dictionnaires de langues, Bloch et Wartburg, et au même endroit Aristote en grec, en français, c’était du même ordre. Pour l’un, l’index de la doxa, à laquelle il se rapportait, passée dans St Thomas qui l’avait intégré à la doctrine canonique de l’Eglise, témoigne de la flexibilité du signifiant- Aristote n’en pouvait mais. Ni Kant ni Descartes ne se sont dépris de la pensée scolastique.

Traitement préliminaire de la psychose, il s’efforce de sortir la clinique psychanalytique de la prison aristotélicienne, où elle réduite, laminée.

Un dialogue avec Aristote, une extraction d’avec Aristote, nous sommes encore trop aristotéliciens. La pensée et l’âme pour Aristote, la pensée tient au corps, elle n’en est que la forme. La séparation pour Lacan, la pensée comme ex-istante à l’âme par rapport à ce que l’on recherche dans l’harmonie de l’âme et du corps. La sagesse se règle sur cette harmonie supérieure de l’âme et du corps, cherche à la rétablir, cette hygiène est aristotélicienne, par les bouts de la gymnastique physique et spirituelle dont se multiplient les manuels.

Tout ça a pour principe cette illusion qu’il y a une totalité qui réunit les fonctions de l’âme et du corps, une harmonie, cette totalité même. Au fond la psychanalyse s’inscrit en faux contre cette sagesse du siècle. La pensée s’introduit de l’extérieur dans cette paire âme et corps. Dans « Télévision » pour cisailler le corps ; d’autre part pour embarrasser l’âme aristotélicienne, je ne peux pas m’empêcher de penser ça conduit à dire que la pensée épinglée vient en trop comme la jouissance. La pensée témoigne d’un embarras avec la jouissance, la pensée est un traitement de la jouissance.

De ce fait l’expression de « Vie de Lacan » conduit à s’interroger sur la pensée de Lacan. Dans « Vie de Lacan », autre sens, autre tonalité, angle inédit sur cette pensée.

Comme l’envers de ce que j’ai professé depuis le début.

J’ai professé la pensée de Lacan pour tous, je me suis évertué à dégager « sa vérité objective » quant à Freud, quant à la psychanalyse. En y repensant, je ne vois rien à renier à cet effort. Je passe à sa vérité subjective. La pensée de Lacan comme traitement de son embarras avec la jouissance, comme impliquant son sinthôme, son mode de jouir. Dans son tout dernier enseignement, Lacan fait une place à son sinthôme et ce que pourrait être l’incidence de son sinthôme tel qu’il était amené à le présenter.
Tout cela est scabreux, tenir le fil, je n’ai jamais pris les choses comme ça, n’y ai jamais songé. En relisant Lacan une fois de plus, j’ai laissé tomber ce qui n’était pas opératoire. La pensée de Lacan n’allait pas de soi, que ça prenne la tournure d’un enseignement, à partir de 1959 et tenir le coup pendant 30 ans, n’était pas une vocation de jeunesse. A toujours insisté sur le fait qu’on le lui a demandé, pouvait être une coquetterie, ce qui est un topos dans la la littérature gréco-latine , l’auteur vient s’excuser sur scène. S’agissant de Lacan, je ne vois pas pourquoi on lui refuserait que cette réticence ait été authentique.: solitaire du savoir. Chez les grands mathématiciens gardent leurs papiers et les sortent des décennies après: Gaus. On a chez Lacan dans « Propos sur la causalité psychique », la main qui se referme sur les vérités. Un certain »garder pour soi », pourquoi les autres auraient besoin de savoir, dans la chaleur du séminaire, Lacan enchaînant année après année. Pas d’enseignement jusqu’à l’âge de 50 ans, a commencé dans son salon du 3, rue de Lille, nous n’étions pas plus de 30, serrés. L’enseignement n’est pas une aspiration mais un renoncement à la jouissance solitaire du savoir. Pour chaque séminaire préparerait plus que ce qu’il pourrait présenter au public. Quand il évoque l’enseignement dans les « Écrits »- page 297, en 1970, il fait part de sa réticence. Le savoir est autre chose que ce que l’enseignement imagine. L’enseignement est un obstacle au savoir et en particulier pour l’analyste « à ce qu’il sache ce qu’il dit ». Ce que dit l’analyste en tant qu’analyste est interprétation n’est pas enseignement , peut espérer que ses principes lui interdisent d’espérer que son discours soit pris comme un enseignement. Quand il traite la question, l’analyste n’a rien à faire de l’enseignement. Lacan fait entendre « mon enseignement c’est une interprétation », grand effet de la conjecture, ne se laisse pas universaliser à tire-larigot. je me suis consacré à le transformer en enseignement ce qui était interprétation, à le détacher de la conjecture. Les autres faisaient enseignement de ce qui était matière à interpréter. Un enseignement qui est interprétation.

J’avais l’idée de ne pas répéter et de poursuivre une avancée. J’ai interprété.Ce n’est pas les autres qu’on interprète, c’est soi-même. Ce qui explique que Lacan ayant crée une école, ne s’est pas voulu de disciples, n’était pas animé de quel libido dominandi.
Il avait assez de ressort pour être un homme politique: un tyran. A moi, il a dit » Vous êtes gauchiste, alors soyez Lénine ».

Lacan ne s’est pas voulu de disciples; je rédige en ce moment "Logique du fantasme", je vois la répugnance de Lacan pour l’idée même de disciple.

En février, 1967, recevant Jakobson, il lui demande ce que c’est que se former à être linguiste, quelles conséquences ça a pour le sujet de se soumettre à une discipline de pensée. Jakobson se dérobe « Oh, la la ». C’est la réponse que contient la question. Une certaine inflexion, pas une ascèse « ca a un sens le mot disciple…pour moi ca n’en a pas »

Discipline psychanalytique n’a pas de disciples. Notre parole n’exige pas de disciples. Un disciple est formé à partir d’un enseignement. Vise un effet subjectif qui excède les limites de l’enseignement: la structure du langage. La linguistique et la psychanalyse, la formation ne donne pas de disciples « un cachet original ». Sur un mode distinct qui porte l’empreinte de sa discipline de pensée avec un cachet original.

Lumière crue sur le statut d’une école, comme formation. Chef d’école, a été une concession, a cédé aux effets de transfert. Le renoncement à la solitude, solitude renoncée, exception assumée. Octobre 67- page 245 des Écrits Avec la » Proposition de la passe ». Comment Lacan présente l’Ecole, la seule qu’il ait fondée, l’Ecole freudienne de Paris, au groupe de ceux pour lesquels est plus précieux que la reconnaissance de l’IPA. Exception précieuse unique dans la psychanalyse, ils ont dit Lacan, et Lacan, a dit l’Ecole. S’il y a ici du collectif, on ne joue pas à la démocratie, à l’exception que constitue son travail, au choix que constitue un certain nombre, leur fait la grâce de leur fonder l’Ecole, a pris consistance. La consistance d’un enjeu a fait l’objet d’un choix, sans rival, pas un autre , c’est un fait ailleurs on ne se soucie que de conformité à la doxa, à Aristote , conforme selon la loi, ce lui qui nous vaut au statut du « sans rival ». A fait de sa passion de l’exception « le statut de la psychanalyse ». Le sinthôme c’est celui de la solitude qui aurait pu prendre le symptôme de la paranoïa, effet de quart de tout., a fait glisser les sujet de la paranoïa à l’exception. Sa thèse consacrée à la paranoïa, son premier enseignement dont il a la charge de cours, le consacre à la connaissance de la paranoïa pure. C’est le stade du miroir où ce qui est clinique c’est la rivalité inaugurale, impossible à supporter(pp36-37, Autres Ecrits.) Intrusion lorsqu’il se connaît des frères , St Augustin, un des topos de Lacan.

Le stade du miroir, expérience de paranoïa primitive, sublimer dans le symbolique. Texte de Freud sur la jalousie, Agressivité, thème de l’époque de l’egopsychology. Conçoit la psychanalyse en termes paranoïaques, comme une « paranoïa dirigée ». Les différents imagos de l’autre qui ont été pour lui, premières orientations paranoïaques de la clinique de Hegel, comme référence plane, discours propre à transcender le délire de la bonne âme, le désordre qui la constitue et le rejette sur le monde. L’Autre est impossible à supporter, le semblable , l’Autre peut passer pour le traitement de la paranoïa avec passage de l’imaginaire au symbolique. Se réfère à Durkheim, sociologue de l’époque. Le socius est là. 1964 avant dernier texte des Écrits » La primauté.. » On ne lui parle pas ça parle de lui.Le style est continuellement polémique. Un sujet qui s’exprime avec la méconnaissance des conformismes. Continuelle polémologie, adresser en position hostile, apaisement dans le Discours de la Science. Le mathème comme remède à la paranoïa. A l’âge de 13 ans reproduisait l’Ethique de Spinoza. Postulation vers le mathème….

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