dimanche 28 février 2010




Samedi 27 Février 2010

MONT-DE-MARSAN. L'unique psychiatre de la prison de Mont-de-Marsan explique que les moyens pour le suivi des détenus sont dérisoires

Un psy pour 690 détenus au centre pénitentiaire

Le docteur Yves Coignoux est l'unique psychiatre de la prison de Mont-de-Marsan.

L'évasion, mardi, de deux détenus hospitalisés à Sainte-Anne replace sous les feux de l'actualité la problématique du suivi psychiatrique des personnes incarcérées. Au lendemain de la fugue des deux jeunes hommes, des représentants syndicaux des surveillants du centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan s'interrogeaient sur le bien-fondé de certaines hospitalisations d'office (HO). Lesquelles sont ordonnées sur arrêté préfectoral suite à un certificat des médecins de l'unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA), un service hospitalier chargé du suivi sanitaire des détenus qui se trouve au coeur de la prison et est composé de trente personnes (1). En clair, les personnels pénitentiaires soupçonnent que des détenus profitent de la vague de suicides qu'a connue l'établissement carcéral montois lors des dernières fêtes de fin d'année pour feindre un mal-être et être transférés à Sainte-Anne, d'où il est assez aisé de s'échapper. Au-delà de la polémique, cette opinion a le mérite de soulever deux questions importantes : dans quelles conditions des hospitalisations d'office de détenus sont ordonnées et, plus généralement, comment fonctionne la prise en charge psychiatrique des prisonniers de Mont-de-Marsan ?

« Pas une science exacte »

Responsable de l'Ucsa, le médecin Marie-Christine Harambat apporte des éléments de réponse. « Les HO ne se font pas n'importe comment. Elles n'interviennent que dans un cas : celui où l'on estime que l'état du patient est incompatible avec l'incarcération et nécessite une prise en charge plus poussée qu'une consultation. » Le patient est vu par le psychiatre de l'unité, mais ce n'est pas lui qui décide de l'hospitalisation d'office. C'est un autre médecin, l'un des trois généralistes de l'Ucsa, qui la délivre après avoir rencontré à son tour la personne. « Tout ceci est très réglementé et on ne fait pas des HO à tout va. Elles n'ont d'ailleurs pas augmenté depuis les événements de fin 2009 », poursuit Marie-Christine Harambat. Depuis l'ouverture du centre pénitentiaire, 66 hospitalisations d'office ont été ordonnées pour 54 détenus. Les médecins peuvent-ils se faire berner ? « La médecine et la psychiatrie ne sont pas des sciences exactes. Quand on a un doute sur la santé mentale de l'un de nos patients, car pour nous ce sont des patients et non des détenus, que vaut-il mieux : qu'on le fasse hospitaliser ou qu'on se dise qu'il nous ment et qu'on le retrouve pendu le lendemain dans sa cellule ? Mieux vaut prévenir que guérir. La prévention fait d'ailleurs partie de notre mission », insiste la responsable de l'Ucsa.

Un psy pour 690 détenus

Une part primordiale même, mais qui est très difficilement applicable au sein du centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan qui ne dispose que d'un seul psychiatre pour 690 détenus. Or, on sait que les besoins sont énormes en milieu carcéral.

Ainsi, un rapport sur la prévention des suicides en prison, commandé par les ministères de la Justice et de la Santé et publié en décembre 2003, estime que 55 % des détenus entrants présentent un trouble psychique, 30 % des hommes et 45 % des femmes seraient atteints de dépression et un détenu sur cinq était suivi avant son incarcération (2).« Je fais jusqu'à 22 consultations par jour dans un créneau horaire très limité, puisque je ne peux rencontrer des détenus que si des surveillants pénitentiaires sont postés devant l'Ucsa, soit de 8 heures à midi et de 14 heures à 17 heures.

Je ne vois chaque patient, en moyenne, pas plus de 20 minutes. Dans ces conditions, il m'est impossible de réaliser d'authentiques prises en charge psychiatriques. Mon travail se résume à de la prescription de médicaments », explique Yves Coignoux, le psychiatre de la prison de Mont-de-Marsan.

« On fait du rustinage, dénonce-t-il. Il nous faudrait au moins entre deux et quatre infirmiers en plus et surtout un deuxième psychiatre. » Un poste qui existe et a même été budgétisé par le ministère de la Santé. Mais, voilà, il n'y a aucun candidat. Hors les murs, la psychiatrie va mal ; derrière les barreaux, c'est encore pire.

(1) Trois médecins généralistes, huit infirmiers, quatre psychologues, un psychiatre, deux dentistes, deux secrétaires, des manipulateurs radio, aides soignants et préparateurs en pharmacie. (2) Prévention du suicide des personnes détenues, rapport de Jean-Louis Terra, La Documentation française.

Les deux évadés se sont rendus hier, a t-on appris à 22 heures du procureur de la République de Mont-de-Marsan, Jean-Pierre Laffite. Le plus jeune s'est rendu de lui- même à la brigade de gendarmerie de Mont-de-Marsan, le plus âgé, à Mugron.

Mont de Marsan : Les deux évadés se sont rendus

Les deux détenus du centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan, évadés depuis mardi, se sont rendus aux forces de l'ordre a-t-on appris à 22 heures du procureur de la République de Mont-de-Marsan, Jean-Pierre Laffite. L'un des fugitifs s'est rendu dans l'après-midi à la brigade de gendarmerie de Mont-de-Marsan; le second s'est rendu en début de soirée à la brigade de Mugron (40).

"Les enquêteurs travaillaient en ce sens depuis le début de cette affaire", précise le magistrat. Via l'entourage des deux hommes, les gendarmes sont parvenus à les convaincre de mettre un terme à leur cavale. Ces deux détenus de 21 et 26 ans s'étaient échappés, mardi, de l'hôpital psychiatrique de Mont-de-Marsan, l'établissement Sainte-Anne, où il avaient été suivis depuis quelques jours.

Auteur : Elisa Artigue-Cazcarr

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire